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Posts Tagged ‘épiderme’

SOIF (László Lator)

Posted by arbrealettres sur 13 février 2017



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SOIF

Oh quelle faim quelle soif j’ai de toi,
chaque partie de toi je la mange ou la bois,
donne ta bouche, ta langue, tes dents – glu,
donne tes odeurs et tes arômes crues,

l’alcool fou de la sueur qui s’évapore
et qui pétille d’entre les flocons d’or
dans la coque de ton aisselle, et du ventre rond,
ta large croupe, la fleur des seins, fais don,

serre-moi dans tes bras, tes cuisses, tandis
que de ton corps je brise l’ardent huis,
ouvre tout grands tes flancs, fais-moi breuvage
d’âpres sèves au goût d’herbe sauvage,

quand la molle fleur, rosée au calice,
donnant de nouvelles soifs de ses épices,
se resserre, et que le plaisir dans les nerfs
accoure à nouveau dans tes reins, dans ta chair,

et que dessous l’épiderme est près d’exploser,
c’est l’instant brume-feu d’avant exister,
cellules qui grésillent, veines chancellent
et travaillent à m’engloutir en elles,

afin que par tes flancs – glissade et morsure –
me happe de nouveau ce monde obscur
où les secrètes nuits noires du vécu
lentement sont en train de se mettre à nu.

(László Lator)

 Illustration: Franz Guillery 

 

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Où êtes-vous? (Monique Mesplé-Lassalle)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2017



Où êtes-vous?

J’écris d’un lieu gravé au mitan de mon ventre.
Une croisée de vies en croisade de vide.
C’est un lieu de silence et de foisonnements.
Ceux des voix entendues, des regards, des absences, des désirs,
des blessures, des attentes et des fulgurances.
De la vie en bataille, du sang qui pulse et danse,
de mes yeux assoiffés qui mangent la lumière.
Et des questions. Et des ébauches de réponses.

Où que j’aille, où que j’erre,
de Pointe-à-Pitre à Port-au-Prince, de l’île Maurice au désert bleu,
des flamboyants à la poussière, de mon image à moi, de moi à mon image,
il n’y a de vrai que ce lieu.
Un poème imparfait aux vers crépusculaires.

On n’écrit jamais que de soi.
Le reste n’est qu’apparence, enrobage de la peur, épiderme du vide.
Comme la lame de mon assertion.

Je n’ai plus de pays couleur de certitude.
J’emporte mes frontières dans le creux de mes hanches et la voix des aimés.
Ai-je jamais su dire à quel point je les aime
ceux qui sont mes villages, mes rues et mes châteaux?
Le mot n’est pas crédible, il ne sait qu’effleurer.
Un miracle parfois a goût de faribole.
Et je ne sais pas jouer.

Je n’écris jamais que de moi,
de l’envers du décor,
en attente de la chute.

Je vous écrirai du fond de mon désert.
Ce sera aussi faux, ce sera aussi vrai.
De la blondeur en plus, du sable dans la bouche.
Et je vous dirai pour le puits…

(Monique Mesplé-Lassalle)

Découvert ici: http://revuedepoesie.blog.lemonde.fr/

Illustration: Caroline Duvivier

 

 

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A une robe rose (Théophile Gautier)

Posted by arbrealettres sur 11 décembre 2016



A une robe rose

Que tu me plais dans cette robe
Qui te déshabille si bien,
Faisant jaillir ta gorge en globe,
Montrant tout nu ton bras païen !

Frêle comme une aile d’abeille,
Frais comme un coeur de rose-thé,
Son tissu, caresse vermeille,
Voltige autour de ta beauté.

De l’épiderme sur la soie
Glissent des frissons argentés,
Et l’étoffe à la chair renvoie
Ses éclairs roses reflétés.

D’où te vient cette robe étrange
Qui semble faite de ta chair,
Trame vivante qui mélange
Avec ta peau son rose clair ?

Est-ce à la rougeur de l’aurore,
A la coquille de Vénus,
Au bouton de sein près d’éclore,
Que sont pris ces tons inconnus ?

Ou bien l’étoffe est-elle teinte
Dans les roses de ta pudeur ?
Non ; vingt fois modelée et peinte,
Ta forme connaît sa splendeur.

Jetant le voile qui te pèse,
Réalité que l’art rêva,
Comme la princesse Borghèse
Tu poserais pour Canova.

Et ces plis roses sont les lèvres
De mes désirs inapaisés,
Mettant au corps dont tu les sèvres
Une tunique de baisers.

(Théophile Gautier)

Illustration: Auguste Toulmouche

 

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Racine Sauvage (Juana de Ibarbourou)

Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2016



Racine Sauvage

Elle m’est restée gravée dans les yeux
la vision de ce chariot de blé
grinçant et lourd, qui passa,
semant d’épis le droit chemin.

– Ne prétends pas maintenant que je plaisante !
Tu ne sais pas dans quels profonds souvenirs
je me suis absorbée !

Depuis le fond de mon âme me remonte
une saveur de pitanga aux lèvres.
Mon épiderme sombre possède encore
je ne sais quels parfums de blé amoncelé.

Ah, je voudrais t’emmener avec moi
dormir une nuit dans le champ
et dans tes bras rester jusqu’au jour
sous le toit affolé d’un arbre !

Je suis la même que cette fille sauvage
qui te côtoyait il y a des siècles.

***

Me ha quedado clavada en los ojos
la visión de ese carro de trigo
que cruzó rechinante y pesado
sembrando de espigas el recto camino.

¡No pretendas ahora que ría!
¡Tu no sabes en qué hondos recuerdos
estoy abstraida!

Desde el fondo del alma me sube
un sabor de pitanga a los labios.
Tiene aún mi epidermis morena
no sé que fragancias de trigo emparvado.

¡Ay, quisiera llevarte conmigo
a dormir una noche en el campo
y en tus brazos pasar hasta el día
bajo el techo alocado de un árbol!

Soy la misma muchacha salvaje
que hace años trajiste a tu lado.

(Juana de Ibarbourou)

 

 

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