Quittant ses genêts et sa lande
Quand le Breton se fait marin
En allant aux pêches d’Islande
Voici quel est le doux refrain
Que le pauvre gars
Fredonne tout bas
J’aime Paimpol et sa falaise
Son église et son Grand Pardon
J’aime surtout la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !
Le brave Islandais, sans murmure
Jette la ligne et le harpon
Puis, dans un relent de saumure
Il se glisse dans l’entrepont
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas
Je serais bien mieux à mon aise
Devant mon joli feu d’ajonc
À côté de la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !
Mais souvent l’océan qu’il dompte
Se réveillant lâche et cruel
Et lorsque que le soir on se compte
Bien des noms manquent à l’appel
Et le pauvre gars
Soupire tout bas
Pour trotter la flotte irlandaise
Puisqu’il faut plus d’un moussaillon
J’épouserons ma petite Paimpolaise
En rentrant au pays breton !
Puis, quand la vague le désigne
L’appelant de sa grosse voix
Le brave Islandais se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans l’océan sans fond
En songeant à sa Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton!
(Théodore Botrel)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
La boulangère a des écus
Qui ne lui coûtent guère.
La boulangère a des écus
Qui ne lui coûtent guère.
Elle en a, je les ai vus,
J’ai vu la boulangère aux écus
J’ai vu la boulangère.
Et d’où viennent tous ces écus,
Charmante boulangère?
Et d’où viennent tous ces écus,
Charmante boulangère?
Ils me viennent d’un gros Crésus
Dont je fais bien l’affaire, vois-tu,
Dont je fais bien l’affaire.
À mon four aussi sont venus
De galants militaires.
À mon four aussi sont venus
De galants militaires.
Moi je préfère les Crésus
À tous les gens de guerre, vois-tu,
À tous les gens de guerre.
Des petits maîtres sont venus
En me disant: Ma chère,
Des petits maîtres sont venus
En me disant: Ma chère
Vous êtes plus belle que Vénus.
Je n’les écoutai guère, vois-tu,
Je n’les écoutai guère.
Des abbés coquets sont venus
Ils m’offraient pour me plaire
Des abbés coquets sont venus
Ils m’offraient pour me plaire
Des fleurettes au lieu d’écus.
Je les envoyai faire, vois-tu
Je les envoyai faire.
Moi, je ne suis pas un Crésus,
Abbé ou militaire.
Moi, je ne suis pas un Crésus,
Abbé ou militaire.
Mais mes talents sont bien connus
Boulanger de Cythère, vois-tu
Boulanger de Cythère.
Je pétrirai le jour venu
Notre pâte légère.
Je pétrirai le jour venu
Notre pâte légère.
Et la nuit, au four, assidu
J’enfournerai, ma chère, vois-tu
J’enfournerai, ma chère
Eh bien! épouse ma vertu,
Travaille de bonne manière.
Eh bien! épouse ma vertu,
Travaille de bonne manière.
Et tu ne seras pas déçu
Avec moi boulangère, aux écus!
Avec moi boulangère.
La boulangère a des écus
Qui ne lui coûtent guère.
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Il était une dame tartine,
Dans un beau palais de beurre frais,
La muraille était de praline,
Le parquet était de croquet,
La chambre à coucher,
De crème de lait,
Le lit de biscuits,
Les rideaux d’anis.
Elle épousa monsieur Gimblette
Coiffé d’un beau fromage blanc
Son chapeau était de galette
Son habit était d’vol-au-vent
Culotte en nougat,
Gilet d’chocolat,
Bas de caramel,
Et souliers de miel.
Leur fille, la belle Charlotte,
Avait un nez de massepain,
De superbes dents de compote,
Des oreilles de craquelin.
Je la vois garnir,
Sa robe de plaisirs
Avec un rouleau
De pâte d’abricot.
Le puissant prince Limonade
Bien frisé, vient lui faire sa cour
Ses longs cheveux de marmelade
Ornés de pommes cuites au four
Son royal bandeau
De petits gâteaux
Et de raisins secs
Portait au respect.
On frémit en voyant sa garde
De câpres et de cornichons
Armés de fusils de moutarde
Et de sabre en pelure d’oignons
Sur de drôles de brioches
Charlotte vient s’asseoir,
Les bonbons d’ ses poches
Sortent jusqu’au soir.
Voici que la fée Carabosse,
Jalouse et de mauvaise humeur,
Renversa d´un coup de sa bosse
Le palais sucré du bonheur
Pour le rebâtir,
Donnez à loisir,
Donnez, bons parents,
Du sucre aux enfants.
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
La vie passe au-dehors
et sa vitesse est celle de la lumière.
Les deux mains sur un globe de papier transparent,
contemplant les flocons d’encre noire
qui tombent à l’intérieur,
il épouse la vitesse plus considérable encore de la lenteur.
Il regarde impassible les blocs de temps pur,
venus d’un ciel sans profondeur :
Eloge de l’immobile.
Supplique du muet.
Les noms possibles du lecteur :
Méditant par grand froid.
Mâche-le-vent.
Creuse-l’azur.
Songe-blanc.
Passeur.
Hirondelle du ras de la page.
Lointaine, la beauté fine est ascension,
Roseraie de neige
Formant une maison claire
Sur la fumée du bleu.
Le monde ainsi donné
Rejoint l’enfant de son visage
En un matin,
Et ton regard ouvre les passes
Au plus léger de la lumière.
Le jour alors te reconnaît.
La buée rouge des fleurs,
Un chant, qui tout le jour
Accompagne mes yeux,
Tandis que je traverse,
Avec la brise et l’alouette,
Ce monde abandonné.
Où vont les herbes et les nuages,
Les écheveaux de la lumière,
Le papillon d’après-midi devant la lune,
Et ma figure, baignée de tant de paysages
Versant leurs heures,
De proche en proche vers le plus seul?
Ni moi, ni mon cheval ne le savons.
Dormir d’un seul éclat,
Les yeux ouverts
Au seuil des grands parfums d’étoiles.
Se souvenir de la fascination
De la pivoine
Follement donnée
Aux mains de transparence qui peuplent l’air,
En ce jardin de mai où traverser était un geste d’aube,
Puis s’éveiller
Dans le sourire de la lenteur
Sans fin recommencée
Par les allées d’automne
Où les pétales jamais défaits
Rassemblent un avenir
Ganté d’abeilles et de pollen.
Les yeux, cherchant cet or,
Suivent à distance
La mince nuée de la beauté,
Statue mouvante insaisissable,
Épousant l’air de son absence
Sans fin recommencée.
Traversant les reflets,
Tu marches entre les marbres
Hantés d’amour,
Un bouquet nu à tes paupières,
La bouche fardée de nuit,
Pour mieux offrir Le grain de l’aube
A la pulpe du vent.
(Marc-Henri Arfeux)
Recueil: La Beauté Éphéméride poétique pour chanter la vie
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
On croit aimer, c’est soi qu’on aime
et l’on s’épuise aux précipices de ses joies
la chute épouse l’air dépossédé qui tremble
avec les mots qu’on prête à l’autre voix
avec la voix offerte aux mots de l’autre
avec tant de vertus qui sont des fautes
tant de vertiges qu’on donne et reçoit
et tant d’ombres vives qui nous ressemblent
Se perdre à deux, se retrouver quand même
ô grand amour, bonheur des erreurs très sereines
et secourable espoir de se tromper ensemble
au même instant, au même lieu, d’un même poids.
Mariée jeune à un marchand-voyageur
Jour après jour attendre en vain son retour
Si j’avais su combien fidèle était la marée
J’aurais épousé, pour sûr, un joueur de vagues
(Li Yi)
Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil