L’épicier époux de l’épicière,
avec sa serpillière
et ses doigts de crabe laineux
vend des pois chiches
à la saison pluvieuse
et puis ces grains de riz des Carolines
dents d’Andalouse,
et puis la pipe en sucre rouge,
qui dans la ville où la bâtisse croît,
transfigure
l’enfant à capuchon du crépuscule.
l’aube Qui monte sur la mer du côté de Capri
Tu me disais : Ma femme est douce comme l’eau
Qui poudre aux yeux mi-clos de la biche dormante
Tu me disais : Ma femme est fraîche comme l’herbe
Qu’on mâche sous l’étoile au premier rendez-vous
Tu me disais : Ma femme est simple comme celle
Qui perdant sa pantoufle y gagna son bonheur
Tu me disais : Ma femme est bonne comme l’aile
Que Musset glorifia dans sa nuit du printemps
Tu me disais aussi : Ma femme est plus étrange
Que la vierge qui fuit derrière sa blancheur
Et ne livre à l’époux qu’un fantôme adorable
Tu me disais encore : Je voudrais lui écrire
Qu’il n’est pas une aurore où je n’ai salué
Son image tremblant dans le creux de mes mains
Tu me disais encore : Je voudrais la chanter,
Avec des mots volés dans le coeur des poètes
Qui sont morts en taisant la merveille entendue
Tu me disais enfin : Je voudrais revenir
Près d’elle à l’improviste une nuit où le songe
Peut-être insinuerait que je ne serais plus
Tu es mort camarade
Atrocement dans les supplices
Ta bouche souriant au fabuleux amour
(Bûchenwald, 15 mai 1944 – 17 mai 1945.)
(André Verdet)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
La mort est près de moi, la mort est près de toi
Ainsi qu’un doux sommeil à l’ombre d’un doux toit,
Comme un vin qu’on répand, comme un lotus qui fleure;
La mort est près de toi comme un roseau qui pleure.
À l’épuisé repos, au fiévreux guérison,
La mort est un doux lac au poudreux horizon.
Comme un doux vent du soir soufflant sa lente haleine,
La mort derrière toi gonfle la voile pleine.
Vous naviguez, amants, vers le pays lointain.
Comme un doux convié, la mort est au festin.
L’été te fane, fleur; l’été te boit, rosée;
Comme un doux oiseleur, la mort étend ses rets.
La seule ombre qui reste est celle du cyprès
Où dormiront bientôt l’époux et l’épousée.
(Marguerite Yourcenar)
Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard
[Tony] – Moi, Anton, je te veux pour épouse, Maria…
[Maria] – Moi, Maria, je te veux pour époux, Anton…
[Tony] – Dans la richesse comme dans la pauvreté…
[Maria] – Dans la santé comme dans la maladie…
[Tony] – Je t’aimerai et t’honorerai…
[Maria] – Pour le meilleur et pour le pire…
[Tony] – Du lever du soleil au coucher de la lune…
[Maria] – De lendemain en lendemain…
[Tony] – Pour l’éternité…
[Maria] – Jusqu’à ce que la mort nous sépare.
[Tony] – Avec cette alliance, je te prends pour épouse.
[Maria] – Avec cette alliance, je te prends pour époux.
(Chanté)
[Tony]
Que nos mains n’en forment plus qu’une,
Que nos cœurs ne fassent plus qu’un,
Échangeons maintenant un dernier vœu :
De n’être séparés que par la mort.
[Maria]
Que nos vies n’en forment plus qu’une,
Jour après jours, construisons notre vie.
[Ensemble]
C’est à présent le début
Une main, un cœur,
Même la mort ne saurait nous séparer.
Que nos vies n’en forment plus qu’une,
Jour après jours, construisons notre vie.
C’est à présent le début
Une main, un cœur,
Même la mort ne saurait nous séparer.
(West Side Story)
***
WEST SIDE STORY – ONE HAND, ONE HEART
(Dialogue parlé)
[Tony] – I, Anton, take thee, Maria . . .
[Maria] – I, Maria, take thee, Anton . . .
[Tony] – For richer, for poorer . . .
[Maria] – In sickness and in health . . .
[Tony] – To love and to honor . . .
[Maria] – To hold and to keep . . .
[Tony] – From each sun to each moon . . .
[Maria] – From tomorrow to tomorrow . . .
[Tony] – From now to forever . . .
[Maria] – Till death do us part.
[Tony] – With this ring, I thee wed.
[Maria] – With this ring, I thee wed.
(Chanté)
[Tony]
Make of our hands one hand,
Make of our hearts one heart,
Make of our vows one last vow:
Only death will part us now.
[Maria]
Make of our lives one life,
Day after day, one life.
[Ensemble]
Now it begins, now we start
One hand, one heart;
Even death won’t part us now.
Make of our lives one life,
Day after day, one life.
Now it begins, now we start
One hand, one heart,
Even death won’t part us now.
La grande fille de religion
Va dans la chaleur conservée
De la terre, du reflet, du mur
Afin de ne vivre qu’à Dieu elle divise la lumière
Et surnaturelle élégance
Le corps lui est supprimé.
(Pierre Jean Jouve)
Recueil: Les Noces suivi de Sueur de Sang
Traduction:
Editions: Gallimard
Le phénix, venant d’Arabie,
Dans nos bois parut un beau jour :
Grand bruit chez les oiseaux ; leur troupe réunie
Vole pour lui faire sa cour.
Chacun l’observe, l’examine ;
Son plumage, sa voix, son chant mélodieux,
Tout est beauté, grâce divine,
Tout charme l’oreille et les yeux.
Pour la première fois on vit céder l’envie
Au besoin de louer et d’aimer son vainqueur.
Le rossignol disait : jamais tant de douceur
N’enchanta mon âme ravie.
Jamais, disait le paon, de plus belles couleurs
N’ont eu cet éclat que j’admire ;
Il éblouit mes yeux et toujours les attire.
Les autres répétaient ces éloges flatteurs,
Vantaient le privilège unique
De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cèdre aromatique,
Se consume lui-même, et renaît immortel.
Pendant tous ces discours la seule tourterelle
Sans rien dire fit un soupir.
Son époux, la poussant de l’aile,
Lui demande d’où peut venir
Sa rêverie et sa tristesse :
De cet heureux oiseau désires-tu le sort ?
– Moi ! Mon ami, je le plains fort ;
Il est le seul de son espèce.
Un amateur d’oiseaux avait, en grand secret,
Parmi les œufs d’une serine
Glissé l’œuf d’un chardonneret.
La mère des serins, bien plus tendre que fine,
Ne s’en aperçut point, et couva comme sien
Cet œuf qui dans peu vint à bien.
Le petit étranger, sorti de sa coquille,
Des deux époux trompés reçoit les tendres soins,
Par eux traité ni plus ni moins
Que s’il était de la famille.
Couché dans le duvet, il dort le long du jour
À côté des serins dont il se croit le frère,
Reçoit la béquée à son tour,
Et repose la nuit sous l’aile de la mère.
Chaque oisillon grandit, et, devenant oiseau,
D’un brillant plumage s’habille ;
Le chardonneret seul ne devient point jonquille,
Et ne s’en croit pas moins des serins le plus beau.
Ses frères pensent tout de même :
Douce erreur qui toujours fait voir l’objet qu’on aime
Ressemblant à nous trait pour trait !
Jaloux de son bonheur, un vieux chardonneret
Vient lui dire : il est temps enfin de vous connaître ;
Ceux pour qui vous avez de si doux sentiments
Ne sont point du tout vos parents.
C’est d’un chardonneret que le sort vous fit naître.
Vous ne fûtes jamais serin : regardez-vous,
Vous avez le corps fauve et la tête écarlate,
Le bec… oui, dit l’oiseau, j’ai ce qu’il vous plaira,
Mais je n’ai point une âme ingrate,
Et mon cœur toujours chérira
Ceux qui soignèrent mon enfance.
Si mon plumage au leur ne ressemble pas bien,
J’en suis fâché, mais leur cœur et le mien
Ont une grande ressemblance.
Vous prétendez prouver que je ne leur suis rien,
Leurs soins me prouvent le contraire.
Rien n’est vrai comme ce qu’on sent.
Pour un oiseau reconnaissant
Un bienfaiteur est plus qu’un père.