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Poésie

Posts Tagged ‘esclave’

Accueille (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023



Illustration: Erte
    
Accueille, immortelle Aphrodita, Déesse,
Tisseuse de ruse à l’âme d’arc-en-ciel,
Le frémissement, l’orage et la détresse
De mon long appel.

J’ai longtemps rêvé : ne brise pas mon âme
Parmi la stupeur et l’effroi de l’éveil,
Blanche Bienheureuse aux paupières de flamme,
Aux yeux de soleil.

Jadis, entendant ma triste voix lointaine,
Tu vins l’écouter dans la paix des couchants
Où songe la mer, car ta faveur hautaine
Couronne les chants.

Je vis le reflet de tes cheveux splendides
Sur l’or du nuage et la pourpre des eaux,
Ton char attelé de colombes rapides
Et de passereaux.

Et le battement lumineux de leurs ailes
Jetait des clartés sur le sombre univers
Qui resplendissait de lueurs d’asphodèles
Et de roux éclairs.

Déchaînant les pleurs et l’angoisse des rires,
Tu quittas l’aurore immuable des cieux.
Là-bas surgissait la tempête des lyres
Aux sanglots joyeux.

Et Toi, souriant de ton divin visage,
Tu me demandas : « D’où vient l’anxiété
A ton grave front, et quel désir ravage
Ton corps tourmenté ?

« Qui te fait souffrir de l’âpre convoitise ?
Et quelle Peithô, plus blonde que le jour
Aux cheveux d’argent, te trahit et méprise,
Psappha, ton amour ?

« Tu ne sauras plus les langueurs de l’attente.
Celle qui te fuit te suivra pas à pas.
Elle t’ouvrira, comme la Nuit ardente,
L’ombre de ses bras.

« Et, tremblante ainsi qu’une esclave confuse,
Offrant des parfums, des présents et des pleurs,
Elle ira vers toi, la vierge qui refuse
Tes fruits et tes fleurs.

« Par un soir brûlant de rubis et d’opales
Elle te dira des mots las et brisés,
Et tu connaîtras ses lèvres nuptiales,
Pâles de baisers. »

(Sappho)

 

Recueil: 52 poèmes d’Occident pour apprendre à s’émerveiller
Editions: Pocket

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C’est dur d’en faire un poème! (Michel Ménaché)

Posted by arbrealettres sur 31 octobre 2022




    
C’est dur d’en faire un poème!

Tous les enfants de la terre
n’ont pas cueilli les mêmes fleurs
reçu les mêmes caresses
appris les mêmes chansons

Certains sont même non loin d’ici
les derniers esclaves cachés au grand jour
qui sèment dans les rizières
récoltent le café grain à grain
talons dans la poussière accroupis
tirent tous les fils de tapis moelleux
couleurs en fête
qu’on admirera bientôt aux étals
du luxe à vendre et à revendre
ou encore ventre creux loqueteux
leurs mains nues retournent
les décharges immondes
à la recherche d’éclats d’étoile

Dans le ventre des ténèbres
d’autres enfants au visage blafard
s’enfoncent dans des trous avides
pour en arracher l’or et le cuivre
qui brilleront bientôt sous les néons
des villes-lumière
Certains jamais ne voient le soleil…

Cela ne s’invente pas
cela n’est pas une histoire
C’est dur d’en faire un poème!

(Michel Ménaché)

Recueil: La révolte des poètes
Traduction:
Editions: Livre de poche Jeunesse

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POESIE DE L’IMPOSTURE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 28 juillet 2022



Brendan Monroe  _Holes1_1

POESIE DE L’IMPOSTURE

« Gardez la monnaie »
dit l’un qui sondait les murs
à l’autre qui prétendait se mettre en marche
et tous deux semblaient soucieux

« Gardez la monnaie »
dit la poussière à l’or
et tout le monde dans la rue se retourna
comme s’il était arrivé quelque chose d’irrémédiable

« Gardez la monnaie »
dit la patrouille en rentrant
car il était tard
il y avait eu beaucoup de morts
et c’était le mot de passe

il faudrait mutiler les corolles qui s’ouvrent
fixer à pleine face
le bégaiement de la misère interrompue
il faudrait…

et cela me rappelle un nom d’emprunt
valable pour toute une vie
et ce brouillard tiré par un bateau d’esclaves

et le sentiment que seule la chute est possible
et qu’en elle
pour la première fois
les amants s’observent sans frémir.

(Georges Henein)

Illustration: Brendan Monroe

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QUIA HORTULANUS ESSET (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 30 avril 2022



Illustration: Salvadore Dali    
    
QUIA HORTULANUS ESSET

Je suis l’ouvrier du silence,
L’au-delà des gestes humains,
L’obole qui contrebalance
L’or des Césars entre vos mains.

Je suis l’innocence de l’aube
Et l’oeuf fragile au fond du nid;
Les replis usés de ma robe
Ont la largeur de l’infini.

Je suis plus vendu qu’un esclave,
Et, plus qu’un pauvre, abandonné;
Je suis l’eau céleste qui lave
Le sang que pour vous j’ai donné.

Les lys et les agneaux, mes frères,
Sont comme moi sans défenseur;
Je revêts tous ceux qui pleurèrent
D’une cuirasse de douceur.

Peu m’importe que l’on me nie :
Je suis l’obscur et l’insulté
Semant sa sueur d’agonie
Aux sillons du futur été.

Je suis la neige qui prépare
La lente éclosion des fleurs;
Deux bras ouverts, vivante barre,
Diamètre de vos douleurs.

La rose à mes côtés relève
Son visage innocent et beau;
Le bois mort s’humecte de sève;
Et la Madeleine au tombeau,

Moite encor des larmes versées,
Reconnaît, dieu qui sanglota,
Le jardinier aux mains percées
Sous l’arbre noir du Golgotha.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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LE DESASTRE (Taras Chevtchenko)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2022



Illustration: Taras Chevtchenko
    
LE DESASTRE

Mon cher dieu, le désastre est de retour !
Tout était serein, tout était si calme ;
Nous avions commencé à briser
Nos chaînes d’esclaves.
Tout s’est arrêté ! .. Il a coulé
Le sang du peuple ! Les bandits couronnés
Comme des chiens se battant pour un os,
S’étripent à nouveau.

***

Мій Боже милий, знову лихо!..

Мій Боже милий, знову лихо!..
Було так любо, було тихо;
Ми заходились розкувать
Своїм невольникам кайдани.
Аж гульк !.. Ізнову потекла
Мужицька кров! Кати вінчані,
Мов пси голодні за маслак,
Гризуться знову.

***

O DESASTRE

Meu querido deus, o desastre está de volta!
Tudo era sereno, tudo estava tão calmo;
Nós tínhamos começado a quebrar
Nossas correntes de escravos.
Tudo parou! .. Ele afundou
O sangue do povo! Os bandidos coroados
Como cães lutando por um osso,
Eles estão lutando novamente.

(Taras Chevtchenko)

 

Site : http://artgitato.com/
Traduction: Français Jacky Lavauzelle / Ukrainien / Portugais Jacky Lavauzelle
Editions:

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Nous cherchons du sublime dans la boue (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2022




Quand le soleil palpe les fruits
Et caresse la toiture
Quand les abeilles butinent la lumière
Nous déchiffrons des signes

Quand le pavé résonne dans la ville déserte
Esclaves de la pluie
Nous cherchons du sublime dans la boue
Et dans un au-delà du hasard
Nous abordons l’éternel
Sous le regard de glace
De l’étoile la plus froide.

(Jean-Baptiste Besnard)

Illustration

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Transformation (Sri Aurobindo)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2021



    

Transformation

Mon souffle coule en un courant rythmique subtil ;
il emplit mes membres d’une puissance divine :
j’ai bu l’Infini comme un vin de géant.
Le Temps est mon théâtre ou mon spectacle de rêve.
Mes cellules illuminées sont la trame flamboyante de la joie
et les fibres frémissantes de mes nerfs sont devenues
de fins courants d’ivresse, opale et hyaline,
où pénètre l’Inconnu, le Suprême.

Je ne suis plus vassal de la chair,
esclave de la Nature et de sa loi implacable ;
je ne suis plus captif des rets étroits des sens.
Mon âme s’étend par-delà tout horizon en une vision sans borne,
mon corps est l’heureux et vibrant instrument de Dieu,
mon esprit un vaste soleil de lumière immortelle.

(Sri Aurobindo)

 

Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust

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La brebis et le chien (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2020




    
La brebis et le chien

La brebis et le chien, de tous les temps amis,
Se racontaient un jour leur vie infortunée.
Ah ! Disait la brebis, je pleure et je frémis
Quand je songe aux malheurs de notre destinée.
Toi, l’esclave de l’homme, adorant des ingrats,
Toujours soumis, tendre et fidèle,
Tu reçois, pour prix de ton zèle,
Des coups et souvent le trépas.
Moi, qui tous les ans les habille,
Qui leur donne du lait, et qui fume leurs champs,
Je vois chaque matin quelqu’un de ma famille
Assassiné par ces méchants.
Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste.
Victimes de ces inhumains,
Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,
Voilà notre destin funeste !
Il est vrai, dit le chien : mais crois-tu plus heureux
Les auteurs de notre misère ?
Va, ma sœur, il vaut encor mieux
Souffrir le mal que de le faire.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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La fin du jeûne (Hâfez Shirâzi)(Hafiz)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2020




    
La fin du jeûne

Quand la rose et le vin et l’ami sont à toi, le
roi du monde est ton esclave, ce jour-là.

N’éclairez pas notre assemblée à la chandelle : le
clair de lune de l’ami se passe d’elle !

Le vin, certes, est licite, selon notre Loi,
mais il est illicite si tu n’es pas là !

J’écoute la voix du roseau, celle du luth, et je
cherche des yeux le rubis de tes lèvres et la
coupe de vin qui circule entre nous.

Pourquoi répandre du parfum ici, chez nous,
quand nous embaume l’odeur de ta chevelure ?

Ne parle pas du goût du candi, ni du sucre, car ma
bouche est sucrée au goût de tes deux lèvres !

Tant que gît, dans mon coeur en ruine, mon chagrin, je
prends toujours ma place au coin du temple ancien.

Que parles-tu de ma réputation infâme, car
c’est cette infamie-là qui fait mon renom ?

Et que demandes-tu, à propos de mon nom,
puisque j’ai honte d’avoir un renom infâme ?

Nous sommes vagabonds, ivrognes, libertins et
voyeurs. Mais qui ne l’est pas, dans cette ville ?

Hâfez, ne sois jamais sans amour et sans vin :
voici rose et jasmin – le jeûne va finir.

***

(Hâfez Shirâzi)(Hafiz)

Recueil: L’amour, l’amant, l’aimé
Traduction: Vincent-Masour Monteil
Editions: Actes Sud

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Au fils du nomade (Hawad)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2020



    

Au fils du nomade

Chausse tes sandales
et foule le sable
qu’aucun esclave n’a piétiné

Éveille ton âme
et goûte les sources
qu’aucun papillon n’a frôlées

Déploie tes pensées
vers les voies lactées
dont aucun fou n’a osé rêver

Respire le parfum des fleurs
qu’aucune abeille n’a courtisées

Écarte-toi des écoles et des dogmes
Les mystères du silence
que le vent démêle dans tes oreilles
te suffisent

Éloigne-toi des marchés et des hommes
et imagine la foire des étoiles
où Orion tend son épée
où sourient les Pléiades
autour des flammes de la Lune
où pas un Phénicien n’a laissé ses traces

Plante ta tente dans les horizons
où aucune autruche n’a songé à cacher ses oeufs

Si tu veux te retrouver libre
comme un faucon qui plane dans les cieux
l’existence et le néant suspendus
à ses ailes
la vie la mort

(Hawad)

Caravane de la soif, traduit de la tamajadht des Touaregs par l’auteur et Hélène Claudot-Hawad, Édisud, 1985.

Recueil: 120 nuances d’Afrique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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