Pose là tes mains
Comme deux silhouettes frémissantes
Qui ne trahiront pas ta mémoire
O Belle secrète
Déjà s’ébranlent tes veines
Pour apprendre le vertige
Pour poser des charnières
Aux personnages que nous incarnons
Tu as oublié ta pesanteur
Aux rives où l’on enchaîne
Les mouettes noires
Et s’ouvrent devant ton corps
Les horizons chauds du rêve
Du rêve du monde et de la vie
Fondus et confondus
Brillants à l’appel de tes yeux A
l’infini des parfums
J’ignore la croissance du miel
Le mécanisme de l’aile
Le port où l’on nous attend toi et moi
Séparément
Je ne veux reconnaître que l’appel du jour
La courbe de ta hanche
Et la frayeur de mon corps
A l’instant de l’amour
L’arbre non plus ne voit pas son destin La
pierre oubliée au fond de la rivière Espère
reconnaître chaque courant A mon
passage
Donne-moi tes mains
O Belle secrète
Cette nuit ta mémoire éclatera
(Jean-Guy Pilon)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
Dans l’avenir à découvert
Comme dans une larme de feu
Où rien ne va à la cendre
Où rien ne va au remords
On comprend qu’il y a de l’or
Qui règne sous la peau
Et une vague violente qui n’espérait que ça
(André Velter)
Recueil: Avec un peu plus de ciel
Traduction:
Editions: Gallimard
C’est une
épine
à tout
jamais
Les mots
sont brefs
et court
l’amour
Ne rien jeter
sur ce qui fut
Propice
est le sommeil
pour espérer
et regarder
sur le fleuve
les mouettes
Dans une hôtellerie, le dernier soir d’une année qui s’accomplit
Qui s’intéresse à moi dans cette hôtellerie ?
Avec qui pourrais-je échanger quelques mots ?
Une lampe froide, voilà mon unique compagnie.
Cette nuit même, une année de plus doit s’accomplir,
Et j’ai parcouru mille lieues,
et je ne revois pas encore mon pays.
Seul avec mes soucis,
je passe en revue ma vie entière ;
N’est-il pas risible et attristant tout à la fois
que notre misérable corps ne puisse tenir en place ?
Mon visage est chagrin,
les cheveux de mes tempes grisonnent,
Et demain commence la nouvelle année,
et c’est ainsi que je vais accueillir
le nouveau printemps.
Bien des années déjà se sont écoulées,
sans me laisser le cœur satisfait.
Que faut-il espérer de celle qui commence ?
Parmi les anciens compagnons
de ma jeunesse et de mes loisirs,
Quelques-uns ont atteint ce qu’ils poursuivaient :
mais combien la mort en a-t-elle surpris !
Désormais, je veux que le repos soit le but
vers lequel tous mes désirs se concentrent ;
Je veux renoncer aux fatigues vaines,
pour obtenir du moins la longévité.
La beauté du printemps n’a point d’âge ;
elle est, elle sera toujours la même ;
J’en jouirai dans ma pauvre demeure,
autant qu’un prince dans son palais.
1. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des choses sans importance pour vous
Un soir d´été, le vol d´une hirondelle
Un sourire d´enfant, en rendez-vous
Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des riens qui pour moi font un tout
Un vieux toutou, une boite d´aquarelle
Le port de La Nouvelle au mois d´août.
2. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des lieux et des amis très doux :
Un drôle d´Albert et sa sœur en dentelles
Un castillet tout neuf, un Canigou.
Une rue de Béziers, une tante Emilie
Une maman partant pour Budapest
Ma vieille maison avec sa tonnellerie
Et près de la gendarmerie, les express.
3. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
Au souvenir d´un soir à Montauban
Candides ardeurs, nos cœurs je me rappelle
S´étaient donnés si jeunes sur un vieux banc
J´étais parti dans la nuit des vacances
Plus léger qu´un elfe au petit jour
Mais à présent à présent quand j´y pense
Je pleure toujours mon premier amour.
4. Fidèle, fidèle pourquoi rester fidèle
Quand tout change et s´en va sans regrets
Quand on est seul debout sur la passerelle
Devant tel ou tel monde qui disparaît
Quand on regarde tous les bateaux qui sombrent
Emportant les choses qu´on espérait
Quand on sait bien que l´on n´est plus qu´une ombre
Fidèle à d´autres ombres à jamais.
On dit que le temps arrange tout, il suffit de l’attendre.
Mais qu’il est donc lent, le temps de l’attente.
L’attente de l’ami, qu’on a pas vu depuis longtemps.
L’attente des secours, quand survient l’accident.
L’attente de la guérison, quand s’éternise la souffrance.
L’attente du soleil, quand tarde le printemps.
L’attente de la compassion, quand dure l’indifférence.
L’attente du pardon, pour une lointaine offense.
Pourtant, il suffit qu’on l’oublie, le temps.
Quand arrive l’ami qu’on attendait depuis longtemps.
Que se réveillent les souvenirs d’antan.
Et qu’on déroule les histoires du bon vieux temps.
Il en profite pour nous échapper et galoper, le temps.
Et quand vient le temps d’aller voir où en est le temps,
On s’aperçoit qu’il a filé comme le vent, le temps.
Et qu’on ne peut le rattraper, le temps.
On a parfois envie de l’emprisonner dans les bons moments.
Mais lent ou rapide, on ne peut l’arrêter de passer, le temps.
Puis quand vient le temps de disposer de notre temps,
On voudrait arrêter, histoire de regarder passer le temps.
Mais on se lasse vite à ne faire que regarder passer le temps.
Alors on proposera à un ami, à qui il ne reste que peu de temps,
De l’accompagner jusqu’au bout de son temps.
On répondra à l’enfant qui nous demande un peu de temps,
Que pour lui, on a tout notre temps.
En espérant que, quand il ne nous restera que peu de temps,
Quelqu’un aura pour nous, un peu de temps.
Quoique la Grande Loterie
vous habitue à la soumission,
il doit en convenir : il espérait mieux.
I1 espérait toucher un corps
plus ambitieux, aux bras capables
de joindre l’utile à l’agréable,
aux lèvres non bégayantes.
I1 espérait au moins bénéficier
d’un minimum de chaleur autour de l’os !
Or il habite une carcasse
de Christ rompu, avec des gestes de grabataire,
des poumons qu’irritent les gaz
d’embouteillage,
6 heures, au sortir du carton.