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Poésie

Posts Tagged ‘éternel’

Île (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023




    
Île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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LA POÉSIE DES AMANTES… (Sandrine Faivre)

Posted by arbrealettres sur 19 mai 2023




    
LA POÉSIE DES AMANTES…

Au détour de nos vies,
Le destin a souri,
En croisant ton regard,
J’ai su que ce n’était pas un hasard .
En te voyant si belle,
Je t’ai appelé mon soleil,
En ouvrant ton coeur,
J’ai trouvé le bonheur .
En puisant tes sentiments,
Je me suis fait un serment,
Celui de t’aimer toujours,
Mon tendre amour …
Nous sommes si bien ensemble,
Qui se ressemble s’assemble .
Lorsque tu navigues entre tristesse et détresse,
Je soigne tes maux par la sagesse .
Au sommet de notre union,
Nos corps sont à l’unisson.
De cette complicité jumelle,
Sachons préserver ces sensations nouvelles .
Notre idylle sera éternelle
Et l’amour durera toujours,
Mon amour …

(Sandrine Faivre)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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Malgré la nuit (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023




    
Malgré la nuit

Chant de l’âme qui se rouit
de connaître Dieu par la foi

Je sais la source qui jaillit et coule
malgré la nuit.

Cette source éternelle est cachée, mais
moi je sais où elle a sa demeure,
malgré la nuit.

Ne sais son origine, car n’en a point, mais
je sais que d’elle toute origine vient,
malgré la nuit.

Je sais que ne peut être chose si belle,
et que cieux et terre boivent en elle,
malgré la nuit.

Je sais qu’on ne peut en trouver le fond,
et que nul ne peut la passer à gué,
malgré la nuit.

Le courant qui naît de cette source, je sais
qu’il est aussi vaste et tout-puissant,
malgré la nuit.

Le courant qui de ces deux procède,
je sais qu’aucun d’eux ne le précède,
malgré la nuit.

Cette source éternelle est cachée, en ce
pain vivant pour nous donner vie,
malgré la nuit.

Elle appelle là ici les créatures,
qui de cette eau s’abreuvent, quoique dans le noir,
car c’est la nuit.

Cette vive source que je désire,
en ce pain de vie je la vois,
malgré la nuit.

***

Aunque es de noche

Cantar del alma
que se huelga
de conocer a Dios por fe

Que bien sé yo la fonte que mana y corre,
aunque es de noche.

Aquella eterna fonte está escondida,
que bien sé yo do tiene su manida,
aunque es de noche.

Su origen no lo sé, pues no le tiene,
mas sé que todo origen della viene,
aunque es de noche.

Sé que no puede ser cosa tan bella,
y que cielos y tierra beben de ella,
aunque es de noche.

Bien sé que suelo en ella no se halla,
y que ninguno puede vadealla,
aunque es de noche.

Su claridad nunca es escurecida,
y sé que toda luz de ella es venida,
aunque es de noche.

Sé ser tan caudalosos sus corrientes,
que infiernos, cielos riegan, y las gentes,
aunque es de noche.

El corriente que nace de esta fuente
bien sé que es tan capaz y omnipotente,
aunque es de noche.

El corriente que de estas dos procede
sé que ninguna de ellas le precede,
aunque es de noche.

Aquesta eterna fonte está escondida
en este vivo pan por darnos vida,
aunque es de noche.

Aquí se está llamando a las criaturas,
y de esta agua se hartan, aunque a escuras
porque es de noche.

Aquesta viva fuente, que deseo
en este pan de vida yo la veo,
aunque es de noche.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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CIMETIÈRE (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2023




    
CIMETIÈRE

Concessions échues, tombes abandonnées,
défoncées, à la renverse, forcées, christs
arrachés, passés à l’estrapade, manchots,
bouquets fanés, fleurs saccagées, mousses
et lichens, herbes folles, angelots sans tête,
marbres fendus, pierres grises et ferrailles
mangées par la rouille et la vermine, terre
ultime et sans concession pour nous futurs
morts en train de promener nos dimanches
parmi la charpie de cent regrets éternels
que le soleil en passant ramasse et fourre
dans sa poche comme un voleur de peu.

(Guy Goffette)

Recueil: Petits riens pour jours absolus
Editions: Gallimard

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Depuis ma naissance (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
Depuis ma naissance —
les anges de l’angoisse —
du chagrin — de la mort
m’ont accompagné dehors
quand je jouais —
m’ont accompagné dans
le soleil du printemps —
dans la splendeur de l’été —
— Ils ont été à mes côtés le soir
quand je fermais les yeux —
et m’ont menacé de mort de
l’enfer et du châtiment éternel —
Et il arrivait souvent que
je me réveille la nuit —
et regarde fixement, au comble
de l’angoisse, ma chambre
Suis-je en enfer

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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On ne doit plus peindre d’intérieurs (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
On ne doit plus peindre
d’intérieurs, de gens qui lisent
et de femmes qui tricotent
Ce doit être des personnes
vivantes qui respirent et
s’émeuvent, souffrent et aiment –
Je vais peindre une série
de tableaux de ce genre
Les gens en comprendront
la dimension sacrée
et ils enlèveront leur chapeau
comme à l’église

*

Mieux vaut peindre
un bon tableau inachevé
qu’un mauvais achevé –
Beaucoup croient
qu’un tableau est achevé
quand ils y ont mis
le plus de détails possible
Un trait peut être
une oeuvre d’art achevée
Ce que l’on peint doit
l’être avec volonté
et sentiment – Cela n’aide
en rien de l’exécuter
si c’est pour y mettre
des choses involontaires
et non ressenties

*

L’art est le contraire
de la nature. Une oeuvre
d’art ne peut surgir que
de l’intérieur de l’être humain.
— L’art est la forme que prend
l’image une fois passée
à travers les nerfs de l’être
humain — son coeur —
son cerveau — son oeil.
— L’art correspond chez
l’homme à son besoin
de cristallisation.
La nature est le royaume
éternellement vaste d’où
l’art tire sa nourriture.

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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RETOUCHE A LA TRISTESSE (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023



Gao Xingjian angoisse [1280x768]

RETOUCHE A LA TRISTESSE

D’un matin qui n’est pas venu
d’un arbre en habit de ciel
du peu de temps qui sans couleur et nu
entre la lèvre et l’éternel
laisse monter les herbes.
Les larmes vont à la jeunesse,
la fenêtre au poème,
l’avenir à ma main.

(Daniel Boulanger)

Illustration: Gao Xingjian

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JOUR (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marc Chagall
    
JOUR

Jour, jour de notre rencontre,
temps nommé Épiphanie;
jour si fort qui vins, couleur
de moelle et de plein midi,
sans frénésie à nos pouls
tout tumulte et agonie,
tranquille comme le lait
des vaches portant sonnailles!

Jour à nous, par quel chemin,
forme sans pieds,
vint-il? Nous n’avons pas su,
n’avons pas veillé; nul signe
ne l’annonçait; nous n’avons pas
sifflé sur les collines;
il s’en venait en silence!

Tous les jours semblaient pareils;
tout à coup mûrit un Jour.
Jour pareil aux autres jours,
comme sont pareils roseaux
et sont pareilles olives
et pourtant, comme Joseph,
ne ressemblait pas à ses frères.

Ayons pour lui un sourire
parmi tous les autres jours
et qu’il les dépasse tous,
comme boeuf de grande taille
et le char devant les gerbes.

Béni soit-il des saisons,
que Nord et Sud le bénissent,
que son père l’an le choisisse
pour en faire mât de vie.

Ni rivière, ni pays,
ni métal; ce n’est qu’un Jour,
Parmi les jours des poulies,
des gréements, des blés sur l’aire,
parmi engins et besognes,

nul ne le voit, ni le nomme.
Fêtons-le et nommons-le,
en grâces à qui l’a fait
et gratitude de sol
et gratitude de l’air,
pour sa rivière d’eau vive
avant qu’il ne tombe en cendre,
en poudre de chaux moulue
et vers l’éternel déverse
son apparence de merveille.

Cousons-le à notre chair,
à nos coeurs et nos genoux
et que nos mains le pétrissent
et que nos yeux le distinguent,
qu’il brille pour nous de nuit
et nous fortifie de jour,
tels cordages pour les voiles,
tels points pour les blessures.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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ENFANT MEXICAIN (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marianne Clouzot
    
ENFANT MEXICAIN

Me voici où je ne suis pas,
sur l’Anahuac argenté,
à sa lumière sans pareille
peignant un enfant de mes mains.

On le dirait, sur mes genoux,
une flèche de l’arc tombée
et que j’aiguise et que j’effile
en le berçant et chantonnant.

Dans un air si vieux et si jeune,
toujours il me semble trouvaille
et je le tourne et le retourne
avec le refrain que je chante.

Ses yeux d’un noir-bleu me regardent
d’un regard de vie éternelle
et comme d’un geste éternel,
moi, je le peigne de mes mains.

Sa nuque et ses bras sont coulée
de résines de pin ocote;
il est lourd et il est léger
d’être la flèche sans son arc…

Moi, je le nourris de mon rythme,
lui me nourrit de quelque baume,
qui est le baume des mayas
dont mes yeux n’ont pas eu la joie.

Je joue avec sa chevelure
que je sépare et que je lisse
et, dans ses cheveux, je retiens
les mayas en dispersion.

Voilà douze ans que j’ai quitté
mon petit enfant mexicain;
mais, dans la veille ou le sommeil,
je le peigne encor de mes mains…

C’est là une maternité
qui ne lasse pas mes genoux,
c’est une extase libérée
à jamais par moi de la mort.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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Lasse du jardin (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023



Illustration: William Bouguereau
    
Lasse du jardin où je me souviens d’Elle,
J’écoute mon cœur oppressé de parfum.
Pourquoi m’obséder de ton vol importun,
Divine hirondelle ?

Tu rôdes, ainsi qu’un désir obstiné,
Réveillant en moi l’éternelle amoureuse,
Douloureuse amante, épouse douloureuse,
Ô pâle Procné !

Tu fuis sans espoir vers la rive qui t’aime,
Vers la mer aux pieds d’argent, vers le soleil.
Je hais le Printemps qui vient, toujours pareil
Et jamais le même !

Ah ! me rendra-t-il les langueurs de jadis,
L’ardente douleur des trahisons apprises,
L’attente et l’espoir des caresses promises,
Les lèvres d’Atthis ?

J’évoque le pli de ses paupières closes,
La fleur de ses yeux, le sanglot de sa voix,
Et je pleure Atthis que j’aimais autrefois,
Sous l’ombre des roses.

(Sappho)

 

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