c’est un instant toujours émouvant
que celui où l’on se demande
certains matins
si l’on va pouvoir reconnaître la vie
si les choses ont gardé la même place
si les places ont gardé le même nom
et s’il reste quelque part un miroir de secours
où l’on cesserait enfin de se voir
où l’on verrait plus loin que soi
alors c’est comme si l’on s’avançait tout seul
Boulevard Arago
à l’aube
pour une exécution intime
et l’on n’éprouve aucun soulagement
à l’idée que le bourreau n’est pas là
et pourtant tout à coup on se retourne
c’est bon signe
on se croyait suivi
il y a donc des gens qui en suivent d’autres
il y a donc une suite et c’est tout ce que l’on voulait savoir
dans les sous-bois du langage
une voix cherche à dire
le premier mot de la journée
comme on cherche sa clé
sur le palier dans le noir
on n’hésite plus
on mise sur cet objet perdu
sur cette voix déjà proche des faubourgs
sur l’étrangère qui s’appuie aux affiches lacérées de la vie
mais sur quoi ne s’appuierait-on pas ce matin ?
sur quelle blessure ?
— sur quel outrage ?
Belle étrangère
tu m’apparais
en rêve
dans mon sommeil
et mes lèvres
cherchent les tiennes
mais au réveil
la tristesse m’oppresse
car tu me laisses
solitaire sur la terre
de mes ancêtres
dans cette chaumière
perdue au milieu
des fougères et des bruyères
d’un lieu mystérieux.
Voix tienne dans le jour
toujours étrangère déjà familière
De jour en jour plus proche
puis un jour soudainement le visage
Printemps offert
à la brise, insaisi…
Voie tienne dans la nuit
toujours familière déjà étrangère
De nuit en nuit plus loin
puis une nuit soudainement le sillage
Etoile filante
au coeur d’un coeur brisé
La nuit t’habille dans mes bras
Pâles rumeurs et bruits de soie
Conquérante immobile
Reine du sang des villes
Je la supposais, la voilà
Tout n’est plus qu’ombre, rien ne ment
Le temps demeure et meurt pourtant
Tombent les apparences
Les amants se perdent en s’aimant
Solitaire à un souffle de toi
Si près tu m’échappes déjà
Mon intime étrangère
Se trouver c’est se défaire
A qui dit-on ces choses-là ?
As down lights up another day
Visions I once had fade away
All of those words unspoken
My widest dreams off broken
It wasn’t supposed to be that way
Should I leave why should
I stay Solitaire un souffle de toi
Leavin’behing me yesterday
Tout près tu m’echappes déjà
Am I free or forsaken
Mon intime étrangère
Cheated or awakened
Se trouver, se défaire
Does it matter anyway?
Cette lettre, ami, ne la froisse pas;
Tâche de la lire, amour, jusqu’au bout.
J’en ai assez d’être une inconnue,
D’être sur ta route une étrangère.
Non, pas ces yeux-là, pas cette colère !
Je suis à toi, je suis celle que tu aimes.
Je ne suis ni bergère, ni reine,
Ni non plus, à coup sûr, religieuse…
Dans cette robe grise de tous les jours,
Sur ces talons usés…
Comme avant, mon étreinte brûle,
Et mes grands yeux disent la peur.
Cette lettre, ami, ne la froisse pas,
Le mensonge est de toujours; ne pleure pas.
Mets-la dans ta pauvre musette,
Mets-la, s’il te plaît, tout au fond.
Parfois, je sens
comme la rose
que je serai un jour, comme l’aile
que je serai un jour;
et un parfum m’enveloppe, étranger et mien,
mien et de rose;
et me prend une errance, étrangère et mienne,
l’errance d’un oiseau.
***
A veces, siento
como la rosa
que seré un día, como el ala
que seré un día;
y un perfume me envuelve, ajeno y mío,
mío y de rosa;
y una errancia me coje, ajena y mía,
mía y de pájaro.
Il est extrêmement touchant
De ne pas savoir s’exprimer
D’être trop évidemment responsable
Des erreurs d’un inconnu
Qui parle une langue étrangère
D’être au jour et dans les les yeux fermés
D’un autre qui ne croit qu’à son existence.
Les merveilles des ténèbres à gagner
D’êtres invisibles mais libératrices
Tout entières dans chaque tête
Folles de solitude
Au déclin de la force et de la forme humaine
Et tout est dans la tête
Aussi bien la force mortelle que la forme humaine
Et tout ce qui sépare un homme de lui-même
La solitude de tous les êtres.