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Poésie

Posts Tagged ‘étrangler’

Bataille (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
Bataille

La douleur a fondu sur ma chair. La douleur
A passé renversant mon cerveau d’un coup d’aile.
Et je me suis battu seul à seule avec elle
Toute la nuit, sans voir, comme avec un voleur.

Et me voilà gisant mais je ne suis pas mort
Prends garde à toi, douleur, à peine est-ce une trêve
Prends garde à toi, douleur, déjà je me relève
Prends garde à toi, demain, je serai le plus fort.

La douleur m’a jeté garrotté dans sa forge
Elle m’a retourné les deux yeux à l’envers
Pour m’empêcher d’y voir elle a tordu mes nerfs
Pour m’étrangler comme des cordes à ma gorge.

Prends garde à toi ! Je t’empoignerai par les ailes,
Je te les casserai comme un bout de bois sec
Et les petits enfants s’amuseront avec
Je te les briserai ces deux poignets rebelles

Et partout où j’irai tu iras me suivant
Aussi loin qu’à mon gré je voudrai t’y contraindre
et les maisons la nuit t’écouteront te plaindre
Comme un aigle blessé qui lutte avec le vent.

Je brûlerai tes yeux pour éclairer mon livre
Je marcherai sur toi comme sur un chemin
Ton sang j’en ferai boire à tout le genre humain.
Je le lui servirai jusqu’à ce qu’il soit ivre.

Pour m’élever au ciel j’ouvrirai pas à pas
Dans ta chair les degrés d’une échelle vivante,
Je te commanderai, tu seras ma servante
Et quand je te crierai : « Chante ! » tu chanteras. »

(Marie Noël)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Editions: Gallimard

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L’intensité l’inattendu (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2023



Illustration: Edward Hopper
    
L’intensité l’inattendu
force fragile du désir
un éclair du dedans
que l’on croit sans limites

comme Ulysse dépasser le Chaos
trouver dans l’univers sa place
dans les déchirements de l’Histoire
condamnés à choisir

il nous faut vivre avec ces failles
chercher dans nos voyages des indices
pour avoir raison d’espérer

en coulisse des songes plus vifs que nous
tenus à l’impossible

même si le partage étranglé
même si tu te sais périssable

dis-toi que maintenant est là devant toi

ouvre-le

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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La vérité est nue (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022




La nuit étrangle le jour
Et je me découvre impur
Alors que je rêve d’innocence
La vérité est nue
Le mensonge en smoking

(Jean-Baptiste Besnard)

Illustration: Édouard Debat-Ponsan

 

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ÉLOGE DU LOINTAIN (Paul Celan)

Posted by arbrealettres sur 29 janvier 2022




    
ÉLOGE DU LOINTAIN

Dans la source de tes yeux
vivent les nasses des pêcheurs de la mer délirante.
Dans la source de tes yeux la mer tient sa parole.

J’y jette,
coeur qui a séjourné chez des humains,
les vêtements que je portais et l’éclat d’un serment :

Plus noir au fond du noir, je suis plus nu.
Je ne suis, qu’une fois renégat, fidèle.
Je suis toi, quand je suis moi.

Dans la source de tes yeux
je dérive et rêve de pillage.

Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse :
nous nous séparons enlacés.

Dans la source de tes yeux
un pendu étrangle la corde.

(Paul Celan)

Recueil: Choix de poèmes
Traduction: Jean-Pierre Lefebvre
Editions: Gallimard

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N’ÉTRANGLEZ PAS LES SINGES (Gérard Mordillat)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2021



Illustration
    
N’ÉTRANGLEZ PAS LES SINGES

N’étranglez pas les singes
Ils me regardent
Leurs bras sont maigres comme les miens
Leur souffrance jumelle
Je suis gibbon de mot en mot
Chimpanzé, orang-outang, gorille
Macaque, babouin electrodisé
Bonobo
Pauvre poilu au cul pelé
Je suis l’encagé vif
Le mangeur de bananes
Le branleur grimaçant
Qui singe sa mort
Qui singe sa vie
Qui ne vaut pas une cacahuète
Pas un pet de ouistiti…
Homme noir
Homme blanc
N’étranglez pas les singes aux yeux verts
Ça m’arrache les poils du coeur
Ça m’arrache le sang du ventre

(Gérard Mordillat)

 

Recueil: Le linceul du vieux monde
Traduction:
Editions: Le temps qu’il fait

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La dévotion (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2020



La dévotion

droite dans ses chaînes d’or
la veuve se déssèche

devant le couvert de l’absent
sa main étrangle un songe

l’Eternel a posé le chat sur la desserte

(Daniel Boulanger)


Illustration

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CHANT DU DÉSESPÉRÉ (Charles Vildrac)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2020



Charles Vildrac
    
CHANT DU DÉSESPÉRÉ

Au long des jours et des ans,
Je chante, je chante.
La chanson que je me chante
Elle est triste et gaie :
La vieille peine y sourit
Et la joie y pleure.
C’est la joie ivre et navrée
Des rameaux coupés,
Des rameaux en feuilles neuves
Qui ont chu dans l’eau ;
C’est la danse du flocon
Qui tournoie et tombe,
Remonte, rêve et s’abîme
Au désert de neige ;
C’est, dans un jardin d’été,
Le rire en pleurs d’un aveugle
Qui titube dans les fleurs ;
C’est une rumeur de fête
Ou des jeux d’enfants
Qu’on entend du cimetière.
C’est la chanson pour toujours,
Poignante et légère,
Qu’étreint mais n’étrangle pas
L’âpre loi du monde ;
C’est la détresse éternelle,
C’est la volupté
D’aller comme un pèlerin
Plein de mort et plein d’amour !
Plein de mort et plein d’amour,
Je chante, je chante !
C’est ma chance et ma richesse
D’avoir dans mon cœur
Toujours brûlant et fidèle
Et prêt à jaillir,
Ce blanc rayon qui poudroie
Sur toute souffrance ;
Ce cri de miséricorde
Sur chaque bonheur.

(Charles Vildrac)

 

Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard

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Ma Seine (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 6 août 2020



Ma Seine

Le matin le brouillard cache
La vague endormie
Qui se réveille avec
Un bâillement de bateau

Un courant furtif
Entoure d’un clapotis
La barque attachée à la berge
Et ma Seine m’entraîne
En rêve jusqu’à la mer

Elle ceinture une robe
Bariolée de champs vastes
Et de jardins petits
De villes et de villages

Elle étrangle
Des îlots de verdure
Glisse sous les ponts
Ses anneaux
Secoués de convulsions
Et avale la lente navigation
De lourdes péniches
Qu’elle digère mal.

(Jean-Baptiste Besnard)

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Mon espoir dans ma main (Robert Guiette)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2020



 

Mon espoir dans ma main
petit oiseau dont le coeur bat
sous les plumes fraîches
Je pourrais l’étrangler entre deux doigts
Duvet délicieux
je le flatte

(Robert Guiette)

Illustration: Remy Disch

 

 

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Le sablier (Alfred Jarry)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2019


 


 

Ettore Aldo Del Vigo -   (63)

Le sablier

Suspends ton cœur aux trois piliers,
Suspends ton cœur les bras liés,
Suspends ton cœur, ton cœur qui pleure
Et qui se vide au cours de l’heure
Dans son reflet sur un marais,
Pends ton cœur aux piliers de grès.

Verse ton sang, cœur qui t’accointes
À ton reflet par vos deux pointes.

Les piliers noirs, les piliers froids
Serrent ton cœur de leurs trois doigts.
Pends ton cœur aux piliers de bois
Secs, durs, inflexibles tous trois.

Dans ton anneau noir, clair Saturne,
Verse la cendre de ton urne.

Pends ton cœur, aérostat, aux
Triples poteaux monumentaux.
Que tout ton lest vidé ruisselle
Ton lourd fantôme est ta nacelle,

Ancrant ses doigts estropiés
Aux ongles nacrés de tes pieds.

VERSE TON ÂME QU’ON ÉTRANGLE
AUX TROIS VENTS FOUS DE TON TRIANGLE.

Montre ton cœur au pilori
D’où s’épand sans trêve ton cri,
Ton pleur et ton cri solitaire
En fleuve éternel sur la terre.
Hausse tes bras noirs calcinés
Pour trop compter l’heure aux damnés.
Sur ton front transparent de corne
Satan a posé son tricorne.
Hausse tes bras infatigués
Comme des troncs d’arbre élagués.
Verse la sueur de ta face
Dans ton ombre où le temps s’efface ;
Verse la sueur de ton front
Qui sait l’heure où les corps mourront.

Et sur leur sang ineffaçable
Verse ton sable intarissable.
Ton corselet de guêpe fin
Sur leur sépulcre erre sans fin,
Sur leur blanc sépulcre que lave

La bave de ta froide lave.
Plante un gibet en trois endroits,
Un gibet aux piliers étroits,
Où l’on va pendre un cœur à vendre.
De ton cœur on jette la cendre,
De ton cœur qui verse la mort.

Le triple pal noirci le mord ;
Il mord ton cœur, ton cœur qui pleure
Et qui se vide au cours de l’heure
Au van des vents longtemps errés
Dans son reflet sur un marais.

(Alfred Jarry)

Illustration: Ettore Aldo Del Vigo

 

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