MARIA
Je me sens jolie
Oh, si jolie
Je me sens jolie, spirituelle et brillante !
Et j’ai pitié
De toutes les filles qui ne sont pas moi ce soir.
Je me sens charmante
Oh, si charmante
C’est alarmant de voir comme je me sens charmante !
Et si jolie
Que j’ai peine à croire que je suis réelle.
Vous voyez, la jolie fille dans ce miroir, là ?
Qui peut bien être cette fille attirante ?
Un si joli visage
Une si jolie robe
Un si joli sourire
Un si joli moi !
Je me sens stupéfiante
Et ravissante
J’ai envie de courir et de danser de joie
Car je suis aimée
Par un garçon beau et merveilleux !
LES FILLES
Avez-vous rencontré notre gentille amie Maria ?
La fille la plus folle du quartier
Vous la reconnaîtrez dès que la verrez
C’est celle qui est dans un état de choc avancé
Elle croit qu’elle est amoureuse
Elle se croit en Espagne
Elle n’est pas amoureuse
Elle est simplement folle
Ce doit être la chaleur
Ou une maladie rare
Un excès de nourriture
Ou alors, est-ce à cause des puces ?
Ne vous approchez pas d’elle
Envoyer chercher Chino !
Ce n’est pas la Maria
Qu’on connaît !
Modeste et pure
Polie et raffinée
Bien élevée et mature
Complètement déjantée
MARIA
Je me sens jolie
Oh, si jolie
Que la ville devrait me donner sa clé
Un comité
Devrait être constitué pour m’honorer
LES FILLES
La la la la…
MARIA
Je me sens vertigineuse
Je me sens rayonnante
Je me sens pétillante, bien, amusante
Et si jolie
Que Miss America peut aller se rhabiller !
LES FILLES
La la la la…
MARIA
Vous voyez, la jolie fille dans ce miroir, là ?
LES FILLES
Quel miroir, où ça ?
MARIA
Qui peut bien être cette fille attirante ?
LES FILLES
Laquelle ? Quoi ? Où ? Qui ?
MARIA
Un si joli visage
Une si jolie robe
Un si joli sourire
Un si joli moi !
LES FILLES
Un si joli moi !
TOUTES
Je me sens stupéfiante
Et ravissante
J’ai envie de courir et de danser de joie
Car je suis aimée
Par un garçon beau et merveilleux !
***
MARIA
I feel pretty,
Oh, so pretty,
I feel pretty and witty and bright!
And I pity
Any girl who isn’t me tonight.
I feel charming,
Oh, so charming
It’s alarming how charming I feel!
And so pretty
That I hardly can believe I’m real.
See the pretty girl in that mirror there:
Who can that attractive girl be?
Such a pretty face,
Such a pretty dress,
Such a pretty smile,
Such a pretty me!
I feel stunning
And entrancing,
Feel like running and dancing for joy,
For I’m loved
By a pretty wonderful boy!
GIRLS
Have you met my good friend Maria,
The craziest girl on the block?
You’ll know her the minute you see her,
She’s the one who is in an advanced state of shock.
She thinks she’s in love.
She thinks she’s in Spain.
She isn’t in love,
She’s merely insane.
It must be the heat
Or some rare disease,
Or too much to eat
Or maybe it’s fleas.
Keep away from her,
Send for Chino!
This is not the
Maria we know!
Modest and pure,
Polite and refined,
Well-bred and mature
And out of her mind!
MARIA
I feel pretty,
Oh, so pretty
That the city should give me its key.
A committee
Should be organized to honor me.
GIRLS
La la la la . . .
MARIA
I feel dizzy,
I feel sunny,
I feel fizzy and funny and fine,
And so pretty,
Miss America can just resign!
GIRLS
La la la la . . .
MARIA
See the pretty girl in that mirror there:
GIRLS
What mirror where?
MARIA
Who can that attractive girl be?
GIRLS
Which? What? Where? Whom?
MARIA
Such a pretty face,
Such a pretty dress,
Such a pretty smile,
Such a pretty me!
GIRLS
Such a pretty me!
ALL
I feel stunning
And entrancing,
Feel like running and dancing for joy,
For I’m loved
By a pretty wonderful boy!
Écrire c’est convertir le trop en peu, l’excès en manque.
Aucun livre ne devrait être plus pesant qu’une lumière.
Aucune écriture ne devrait faire plus de bruit qu’un sourire.
(Christian Bobin)
Recueil: La vie passante
Traduction:
Editions: Fata Morgana
Je ne l’ai toujours pas dit
Mais quoi? Mais quand?
II tarabuste mon élan,
Pèse en mon coeur, sur mes poumons
Et parfois ma langue interrompt.
J’ai beau dire et j’ai beau faire
Modestement ou à l’excès
Sincèrement ou en colère
Avec fièvre ou froidement
J’ai beau jaillir entre deux pierres
Ou bien foncer sombrement
Je ne l’ai toujours pas dit
Mais quoi? Mais quand?
Je songe devant un pré,
Devant un village ou un fil
Qui lie deux arbres fluidement
Je vais le dire, je l’ai qui tremble
Qui me serre ou qui m’attend
Hélas, je ne m’en délivre
Il repart dans le puits où on le voit
Je ne l’ai toujours pas dit
Mais quoi? Mais quand?
Où trouver la force de tenir
Trop longue à poindre
la petite lueur
qui éclairerait le chemin
Comment apprendre la patience
D’où vient cette obstination
qui permet de poursuivre
alors même que tu voudrais renoncer
D’où vient cette force
Pour lui donner plus de vigueur
tu dois descendre encore plus bas
là où l’excès de souffrance
met fin à la souffrance
Tu ne peux encore franchir ce seuil
Tu voudrais t’emplir
de tout ce qui te manque
de tout ce que follement tu désires
mais la prise se dérobe
tes mains ne peuvent rien garder
Tout est emporté par le vent
Alors accepte
Au lieu de vouloir t’emplir
laisse-toi traverser
Accepte d’avoir les mains vides
Peut-être pourront-elles consolider
ceux qui n’ont pas les mots
et pleurent derrière les murs
*
Descends toujours plus bas
aie confiance
Les questions qui te harcèlent
vont trouver réponse
et c’en sera fini
de la tension qui t’étreint
Je commencerai par être
un verbe
sans limites
un langage
où rien ne serait dit
mais tout pressenti
dans le monde visible
et nulle part ailleurs
un grain de sable
qui dialogue avec les dieux
une élévation
dans l’affection et le bruit neufs
un miracle inouï
sous le soleil de la conscience
je commencerai par être
en devenant ce que je suis
Je commencerai par être
un dispositif
d’émerveillement
un voyage
au bout du possible
vers
ce qui m’apprend
à mourir
la raison
la plus silencieuse
en moi-même
le loup
chaviré
d’une langue universelle
je commencerai par être
là voix d’une résonance
Je commencerai par être
un souffle
d’année-lumière
contre le vertige
de la tentation
du malheur
une anthologie
des bouleversements
un retour
de nuit blanche
qui coule
dans les veines
une tendresse
démesurée
je commencerai par être
au milieu de la poussière
Je commencerai par être
un sourire
blessé
une fêlure
centrale
un tressaillement
une souveraineté
fluide
tendue
la part donnée
offerte
au vide
une salve
dans l’imprévisible
je commencerai par être
avec la peau des dents
Je commencerai par être
le refus
de rêver pareil
le refus
du bureaucrate intérieur
une exaltation sereine
un visage
qui se transforme
en tigre
à chaque émotion
un visage sans visage
qui accueille
tous les visages
un tremblement de ciel
je commencerai par être
jusqu’au paroxysme
Je commencerai par être
mille kilomètres
de battements
de coeur
à la seconde
ici-haut
contre tous les robots
couleur chair
un saut
dans la vie
un saut
dans le vide
un saut
de lumière noire
je commencerai par être
une pulpe d’aimantation
Je commencerai par être
un soir
d’anéantissement
la plus haute
obstination
une science
de l’excès
l’empreinte
digitale
de la mort dans la vie
le toujours
maintenant
la parfaite
insoumission
je commencerai par être
à bout portant
Je commencerai par être
celui qui
chaque jour
découvre l’infinie
première fois
la parure du chaos
l’abandon
des masques
l’éclosion accélérée
d’une fleur de sens
celui qui
ne veut plus
traduire la vie
en cendres mortes
je commencerai par être
incomparable
Je commencerai par être
au diapason
d’un vent bleu
une danse exacerbée
des atomes
une mise au jour
de l’ossature du temps
le feu insoupçonné
de ma propre consumation
une vigilance détendue
une porte battante
qui va et qui vient
quand j’inspire
quand j’expire
je commencerai par être
jusqu’au bout du monde
Je commencerai par être
un maquisard de l’esprit
un étoilement
de précipices
pour saluer sans fin
les grands isolés
une secousse
de moelle
à mourir de fou rire
un accomplisseur
secret
préférant le coup de sang
au coup de dés
un infini départ
je commencerai par être
repassionné
NE croyez pas,
—Pour ce qu’avril rit rose
Dans les vergers,
Ou pâlit de l’excès voluptueux des fleurs —,
Que toutes choses
Sont selon nos gais coeurs,
Et qu’il n’est plus une soif à étancher.
Ne croyez pas,
— Glorieux des gloires automnales,
Ivres des vins jaillis que boit l’épi qu’on foule —,
Qu’il n’est plus une faim que rien ne soûle :
Car Décembre est en marche dans la nuit pâle.
Oui, mais ne croyez pas
—Parce qu’autour de vous toute âme est vile,
Et que la foule adore son vice servile,
Parce que, sur la plaine où le Mystère halète
Courbant l’épi, froissant la feuille, d’ailes inquiètes,
Grandit la ville —,
Ne croyez pas,
—Bien que tout coeur soit bas —,
Que le vieil Angelus sonne à jamais le glas,
Croyez, sachez, criez à pleine voix
Que l’Amour est vainqueur et que l’Espoir est roi!