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Posts Tagged ‘fanal’

SIRÈNES (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2022



Illustration: Victor-Louis Mottez
    
SIRÈNES

Avec des rires sourds et de grondants sanglots,
Les filles de la mer se battent ou s’étreignent,
Et leurs cheveux luisants que dans l’ombre elles peignent
Traînent, fourrure sombre, au pied des noirs îlots.

L’anguille voyageuse et les vifs cachalots,
L’ourson couleur de neige à leur côté se baignent;
Et les feux de leurs yeux s’allument et s’éteignent,
Fanal de naufrageur qui tremble sous les flots

Leurs corps d’ambre et de lait ont la forme des vagues;
Les regrets, les terreurs, l’espoir, les désirs vagues,
Se condensent la nuit dans le brouillard amer.

Et, bercés mollement sur la gorge où tout sombre,
Les morts, coulés à pic, vont savourer dans l’ombre
Tout l’amour contenu dans la mort et la mer.

(Marguerite Yourcenar)

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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Je suis venu (Tomas Tranströmer)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2019



Je suis venu à la rencontre
de celui qui lèvera son fanal
pour se voir en moi.

(Tomas Tranströmer)

Illustration: Jean-Léon Gérôme

 

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AU BORD DU QUAI (Émile Verhaeren)

Posted by arbrealettres sur 21 août 2018



AU BORD DU QUAI

En un pays de canaux et de landes,
Mains tranquilles et gestes lents,
Habits de laine et sabots blancs,
Parmi des gens mi-somnolents,
Dites, vivre là-bas, en de claires Zélandes !

Vers des couchants en or broyé,
Vers des caps clairs mais foudroyés,
Depuis des ans, j’ai navigué.

Dites, vivre là-bas,
Au bord d’un quai piqué de mâts

Et de poteaux, mirés dans l’eau ;
Promeneur vieux de tant de pas,
Promeneur las.

Vers des espoirs soudain anéantis,
L’orgueil au vent, je suis parti.

La bonne ville, avec ses maisons coites,
Carreaux étroits, portes étroites,
Pignons luisants de goudron noir,
Où le beffroi, de l’aube au soir,
Tricote,
Maille à maille, de pauvres notes.

J’ai visité de lointains fleuves,
Tristes et grands, comme des veuves.

Serait-il calme et frais mon coin,
Qu’une vieille servante, avec grand soin,
Tiendrait propre, comme un dimanche.
Contre le mur d’une chambre blanche,
Une carte pendrait des îles Baléares,
Avec, en or, des rinceaux rares
Et des drapeaux épiscopaux ;
Et sur l’armoire, la merveille

— Petits bâtons, minces ficelles —
D’une fragile caravelle
Qui voguerait, voiles au clair,
Dans la panse d’une bouteille.

J’ai parcouru, sous des minuits de verre,
Des courants forts qui font le tour de la terre.

Au cabaret, près du canal.
Le soir, à l’heure réglementaire,
Je m’assoierais, quand le fanal,
Au front des ponts,
Darde son œil, comme une pierre verte.
J’entreverrais, par la fenêtre ouverte,
Dormir les chalands bruns, les barques brunes,
Dans leur grand bain de clair de lune
Et le quai bleu et ses arbres lourds de feuillée,
Au fond de l’eau, fuir en vallée,
En cette heure d’immobilité d’or,
Où rien ne bouge, au fond du port,
Sauf une voile mal carguée,
Qui doucement remue encor,
Au moindre vent qui vient de mer.

La mer ! la mer !

La mer tragique et incertaine,
Où j’ai traîné toutes mes peines !

Depuis des ans, elle m’est celle,
Par qui je vis et je respire,
Si bellement, qu’elle ensorcelle
Toute mon âme, avec son rire
Et sa colère et ses sanglots de flots ;
Dites, pourrais-je un jour,
En ce port calme, au fond d’un bourg,
Quoique dispos et clair,
Me passer d’elle ?

La mer ! la mer !

Elle est le rêve et le frisson
Dont j’ai senti vivre mon front.
Elle est l’orgueil qui fit ma tête
Comme de fer, dans la tempête.
Ma peau, mes mains et mes cheveux
Sentent la mer
Et sa couleur est dans mes yeux ;
Et c’est la houle et le jusant
Qui sont le rythme de mon sang !

En des lointains de Finistères
J’ai labouré les mers,
Selon l’éclair et le tonnerre.

Au cassement de soufre et d’or
Des cieux d’ébène et de portor,
J’ai regardé s’ouvrir la nuit
Si loin dans l’ombre et l’inconnu,
Que mon désir n’est point encor
Jusqu’aujourd’hui,
Du bout du monde, revenu.

Chaque coup d’heure au cœur du temps,
Chaque automne, chaque printemps,
Me rappellent des paysages
Plus beaux que ceux que mes yeux voient ;
Golfes, pays et cieux, en mon âme, tournoient
Et mon âme elle même, avec l’humanité,
Autour de Dieu, depuis l’éternité,
À travers temps, semble en voyage :
J’ai dans mon cœur l’orgueil et la misère,
Qui sont les pôles de la terre.

Et qu’importe d’où sont venus ceux qui s’en vont,
S’ils entendent toujours l’appel profond

Au carrefour des doutes !
Mon corps est lourd, mon corps est las,
Je veux rester, je ne peux pas ;
L’âpre univers est un tissu de routes
Tramé de vent et de lumière ;
Mieux vaut partir, sans aboutir,
Que de s’asseoir, même vainqueur, le soir,
Devant son œuvre coutumière,
Avec, en un cœur morne, une vie
Qui cesse de bondir au delà de la vie !

Dites, la mer au loin que prolonge la mer ;
Et le suprême et merveilleux voyage,
Vers on ne sait quel charme ou quel mirage,
Se déplaçant, au cours des temps ;
Dites, les signaux clairs des beaux vaisseaux partant
Et le soleil qui brûle et qui déjà déchire
Sa gloire en or, sur l’avant fou de mon navire !

(Émile Verhaeren)

Illustration: Vladimir Kush

 

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Murailles des tempêtes (Jean Laude)

Posted by arbrealettres sur 30 juillet 2018



 

Hervé Rochoux  tempête9

Murailles des tempêtes, j’y cloue un fanal.
Banquises suspendues, surface d’un seul gris.

Il demande. J’ai demandé. Rien ne répond qu’un cri, un cri
que l’on isole
des basses tailles de la mer

La chambre alternative, et les remparts du temps.
Seulement ce fanal, et seulement ce clou, rouillé, qui se délite.

Le vent fut la banquise, infranchissable mur affronté la nuit,
et l’obscur m’interroge.
L’ombre envahit la houle. Il y a ce silence, en bordure de ciel,
la trace blanche d’un éclair.

Un cri, ce n’est qu’un cri, que l’on isole.
Et le cri meurt, insecte bref, fourbu, entre les lattes.

(Jean Laude)

Découvert chez Lara ici

Illustration: Hervé Rochoux 

 

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Le bateau rose (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2018



Illustration: Georges Jeanclos
    
Le bateau rose

Je m’embarquerai, si tu le veux,
Comme un gai marin quittant la grève,
Sur les flots dorés de tes cheveux,
Vers un paradis fleuri de rêve.

Ta jupe flottante au vent du soir
Gonflera ses plis comme des voiles,
Et quand sur la mer il fera noir,
Tes grands yeux seront mes deux étoiles.

Ton rire éclatant de vermillon
Fera le fanal de la grand’hune.
J’aurai ton ruban pour pavillon
Et ta blanche peau pour clair de lune.

Nos vivres sont faits et nos boissons
Pour durer autant que le voyage.
Ce sonts des baisers et des chansons
Dont nous griserons tout l’équipage.

Nous aborderons je ne sais où,
Là-bas, tout là-bas, sur une grève
Du beau pays bleu, sous un ciel fou,
Dans le paradis fleuri de rêve.

(Jean Richepin)

 

 

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PLUIE DE PRINTEMPS (La Flûte de Jade)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2018



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PLUIE DE PRINTEMPS

Elle est venue, cette nuit, amenée par un vent propice !
Elle est venue ranimer les jardins,
la bonne petite pluie qui sait toujours quand la nature a besoin d’elle.
Discrète, appliquée, silencieuse,
elle a mouillé toutes choses, finement.

Hier soir, des nuages avaient envahi le ciel.
L’obscurité était effrayante.
Comme d’immenses yeux de fauves,
les fanals des barques luisaient.

Ce matin, dans une pure lumière,
éclatent les couleurs du jardin bien lavé.
Je contemple ses fleurs,
qui me font évoquer le parc impérial
où je me promenais, jadis.

(La Flûte de Jade)

 

 

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Nuage déchiré (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2018



Nuage déchiré… l’arc-en-ciel
brille déjà dans le ciel,
et d’un fanal de pluie
et de soleil le champ est enveloppé.

Je me suis éveillé. Qui trouble
le cristal magique de mon rêve?
Mon coeur battait,
pâmé et diffus.

… Le citronnier fleuri,
les cyprès du jardin,
le pré vert, le soleil, l’eau, l’arc-en-ciel!…
L’eau dans tes cheveux!…

Et tout se perdait dans la mémoire
comme une bulle dans le vent.

(Antonio Machado)

 

 

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VOYAGE (Salvador Novo)

Posted by arbrealettres sur 12 juin 2017



 

agaves

VOYAGE

Les figuiers de Barbarie nous tirent la langue ;
quant au maïs, de sa hauteur,
— avec son petit toupet mal peigné
et son cahier sous le bras —
il nous salue de ses manches brisées.

Les agaves font de la gymnastique suédoise
en colonne par cinq cents
et le soleil — de la police secrète —
(il fait son coup en douce)
dénonce notre ridicule fuite
dans la lanterne magique du pré.

Le soir venu, nous nous vengerons
en allumant nos fanaux
et en abattant les forêts.

Un arbre ou l’autre
veut enseigner la philologie.
Les nuages, inspecteurs de monuments,
secouent les maquettes des montagnes.

Qui veut jouer au tennis avec des nopals
et des figuiers de Barbarie
sur le réseau télégraphique ?
Plus tard, nous prendrons un bain russe
dans une chaumière perdue dans la montagne ;
une douche d’arc-en-ciel nous suffira.
Nous nous sécherons avec un stratus.

(Salvador Novo)

Illustration

 

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Celui qui s’interroge (Max Alhau)

Posted by arbrealettres sur 12 mai 2017



 


    
Celui qui s’interroge
requiert la patience des saules
dont le vent ébruite les paroles.

Il partage avec les marées
le poids du sel et des embruns.
Le silence qui bleuit le soir
lui permet d’avancer
à la pointe du promontoire.

Le fanal l’illumine de l’intérieur
et délivre le mot de passe
qu’il se hâte d’oublier.

(Max Alhau)

 

Recueil: Présence de la Poésie
Editions: Editions des Vanneaux

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Toujours et toujours la même musique (Jean-Claude Pirotte)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2016



Vieux Montréal 1885. La Friponne, depuis rue Bonneau >Est. Henry R.S.Bunnett. McCord.

 

Toujours et toujours
la même musique
la rengaine des jours
le ronronnement triste

des tristes alentours
et le gris des bâtisses
et l’éternel retour
des médiocres supplices

de séjour en séjour
présumés rien n’existe
sinon le ciel autour
d’un fanal de lampiste

(Jean-Claude Pirotte)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Illustration

 

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