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Poésie

Posts Tagged ‘fermenter’

Au fond de la nuit (Luc Bérimont)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2022



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Au fond de la nuit, les fermes sommeillent,
Cadenas tirés sur la fleur du vin,
Mais la fleur du feu y fermente et veille
Comme le soleil au creux des moulins.

Aux ruisseaux gelés la pierre est à fendre
Par temps de froidure, il n’est plus de fous,
L’heure de minuit, cette heure où l’on chante
Piquera mon cœur bien mieux que le houx.

J’avais des amours, des amis sans nombre
Des rires tressés au ciel de l’été,
Lors, me voici seul, tisonnant des ombres
Le charroi d’hiver a tout emporté.

Pourquoi ce Noël, pourquoi ces lumières,
Il n’est rien venu d’autre que les pleurs,
Je ne mordrai plus dans l’orange amère
Et ton souvenir m’arrache le cœur.

(Luc Bérimont)

 

 

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EN UN ÉCLAIR (Jules Tordjman)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2022



EN UN ÉCLAIR

En un éclair ils se connurent. L’un et l’autre venaient
d’un pays de fontaines taries, d’astres éboulés. La nuit
eut pour eux des bras en harpe de lune, des genoux
de velours. Parlant sans mots, écoutant le silence tinter
dans leurs verres, lorsque l’étoile de la séparation eut
tracé au-dessus d’eux son signe, ils burent une gorgée
de jour et s’en furent.

Que la route, pluie ou canicule, fonde sous leurs pas
disjoints, il n’importe !

Une flamme atrocement belle pèse sur leurs yeux, ligote
leurs corps.

Amour où fermentent des bulles, à sa douleur s’abreuve
un cyclone.

(Jules Tordjman)

 

 

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UN DÉSIR D’ODYSSÉE (Jacques Lacarrière)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2021




    
UN DÉSIR D’ODYSSÉE

Relever la parole ancienne
Ranimer les mots refroidis
Fermente aux lèvres un nouveau chant
Embrasements ? non, embrasures
Où sur la fresque de midi
S’éploie un désir d’odyssée

Un désir d’odyssée
Par les routes imprononcées
Par les routes jamais écrites
Par les mers encore inchantées

Par les lagunes innommées
Et les déserts indénombrés
Par les chemins non murmurés
Un désir d’odyssée
Par les vents à réinventer
Les orages inéclatés
Les azurs à revisiter

Par les prodiges improclamés
Les sirènes à réenchanter
Sur le portulan des légendes

Un désir d’odyssée
Par les îles inépelées
Et les embruns imbalbutiés
Des vagues jamais chuchotées

Un désir d’odyssée
Vers le lieu ou l’Improféré
Sibylle des mots à venir
Guette en sa grotte improfanée
Le poète qui, d’un baiser
Sur sa bouche délivrera
Les oracles inapaisés.

(Jacques Lacarrière)

Recueil: A l’orée du pays fertile
Traduction:
Editions: Seghers

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FEMME EN FLEURS (Marcelle Delpastre)

Posted by arbrealettres sur 30 juillet 2018



 

Abbott Handerson Thayer_A_Virgin_1892-3

FEMME EN FLEURS

Femme en fleurs comme un grand châtaignier qui répand ses senteurs puissantes
Tu te dresses sur la campagne, tu flambes de bonnes odeurs,
tu prends le soleil et la pluie à tes rameaux chargés de fruits,
Tu es debout sur la colline, le bleu de l’espace et le vent ruissellent sur toi de la bouche aux talons,
les moissons croissent sur tes bras ; la ronde blondeur de tes seins gonfle le temps des récoltes mûres,
et dans ton sein déjà la nuit profonde se fermente ; déjà la grande mer roule sur toi la courbe de ses vagues.

(Marcelle Delpastre)

Illustration: Abbott Handerson Thayer

 

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Vive la vigne de chez nous ! (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018



    

Vive la vigne de chez nous !

Autrefois, dans les temps antiques
Y avait au bord du bleu Léman
De la terre nue, des rocs, des champs
Et des forêts mélancoliques
Et de braves types un peu froids
Qu’étaient pas encore des Vaudois !

(Refrain)
Entends-tu le glou-glou dans les verres ?
Entends-tu le joli glou-glou ?
La servante n’est pas sévère
Vive la vigne de chez nous !

Mais un jour, c’est une vieille histoire
Voilà qu’le sire du Châtelard
Qui guerroyait chez les barbares
En revenant couvert de gloire
Voit ses beaux côteaux envahis
Par une étrange maladie

Qu’est-ce que c’est qu’ce fouillis qui pousse ?
Cette espèce de végétation ?
Par saint Saphorin, mon patron !
On se croirait en pleine brousse !
Taillez par-ci, taillez par-là
Et foutez-y des échalas !

(au Refrain)

Mais voilà qu’en sept mois à peine
On voit des milliers de fruits d’or
Dont le jus, sacré nom de sort !
Coule à pleins bords des cuves pleines,
Pour conjurer ce grand fléau
On le canalise en tonneaux !

Dans la nuit – Ah ! La sale histoire !
Le jus se met à fermenter
Tous les tonneaux vont éclater !
Mon Dieu, que faire ? – Il faut le boire !
S’écrient trois héros obscurs
Qui n’avaient pas peur des coups durs

(au Refrain)

Et voilà, ces hommes héroïques
Qui, pour préserver la région
Des risques d’une inondation,
Se mettent à vider des barriques !
Pendant ce temps, la larme aux yeux
Leurs épouses priaient pour eux !

C’est pourquoi, le soir à la brune
On en voit, presque à bout d’efforts
De ces héros, à demi-morts
Marcher en zigzag sous la lune !
Et parfois, même terrassés
Se lever pour recommencer !

(au Refrain)

Ces garçons à la rude écorce
Ils font ça pour nous protéger
On se passerait de manger
Mais pour le boire, l’on se force !
Car ce jus-là, quand on le boit,
C’est lui qui nous fait bons Vaudois !

(au Refrain, x2)

(Jean Villard–Gilles)

 

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Cette chair (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2018



 

Illustration: Viviane-Josée Restieau

    
Cette chair

En cette chair
Florissante ou putride
Carnassière ou paisible

En ce tissu de fange
En cette substance qui croît
Pour un jour s’abolir

En ces fibres
Où le verbe s’incarne
Où fermente le réel

En cette matière
Où se greffe le coeur
En cet éphémère perpétué

En cette trame obscure
S’implante la poésie
Réside toute pensée

En cette chair
De clémence ou de turpitudes
Liée à l’astre indélébile

En cette chair
Au précaire équilibre
Entre espoir et affliction

En cette pulpe savoureuse
Sillonnée par le rêve
Ravagée par le temps

Hors des gouffres de cette chair
Jusqu’aux épaules de l’espace
S’élèveront toujours les ailes

D’un infini improbable
D’un chant indéfini
D’un vol incandescent.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: Rythmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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L’odeur de délices (Marie Dauguet)

Posted by arbrealettres sur 16 novembre 2017



Illustration: Vincent van Gogh
    
L’odeur de délices

L’odeur de délices
S’évapore et glisse
Des bois qui pourrissent,

Odeur ténébreuse
Des glèbes tourbeuses
Que l’averse creuse,

Parfum lourd d’extase
Qui lent s’extravase
Des prés pleins de vase.

Secret qu’on épelle,
Rousse odeur d’aisselle,
Planez comme une aile.

Folle odeur d’étreinte
Qu’octobre suinte,
Je bois ton absinthe

Emdolorissante;
Dans ma chair fermente,
Odeur éloquente.

Désir, Désir, est-ce,
Subtile rudesse,
Ton geste qui blesse?

Divines blandices,
Odeur de délices
Des bois qui pourrissent,

Jusqu’à la torture
J’aime ta brûlure,
Volupté obscure.

(Marie Dauguet)

 

 

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PARCE QUE (Sophia de Mello Breyner Andresen)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2017



Illustration: Alberto Pancorbo
    
PARCE QUE

Parce que les autres se déguisent et toi non
.. Parce que les autres évoquent la vertu
Pour acheter ce qui ne mérite pas pardon.
Parce que les autres ont peur et toi non.

Parce que les autres sont des tombeaux chaulés
Où en silence la pourriture fermente.
Parce que les autres se taisent et toi non.

Parce que les autres s’achètent et se revendent
Et leurs gestes produisent encore des dividendes.
Parce que les autres sont habiles et toi non.

Parce que les autres marchent à l’ombre des abris
Et avec le danger main dans la main tu marches.
Parce que les autres calculent et toi non.

***

PORQUE

Porque os outros se mascaram mas tu não
Porque os outros usam a virtude
Para comprar o que não tern perdão.
Porque os outros têm medo mas tu não.

Porque os outros são os túmulos caiados
Onde germina calada a podridão.
Porque os outros se calam mas tu não.

Porque os outros se comprara e se vendem
E os seus gestos dão sempre dividendo.
Porque os outros são hábeis mas tu não.

Porque os outros vão d sombra dos abrigos
E tu vais de mão dadas corn os perigos.
Porque os outros calculam mas tu não.

(Sophia de Mello Breyner Andresen)

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La lande (Marie Dauguet)

Posted by arbrealettres sur 18 octobre 2017




    
La lande

Maléfique, voici la mare
Que l’ombre tremblante bigarre.
Reflets de lune en verts glacis,
Par la lande qui se dénude
Etalant sa décrépitude
Glissent sur les ajoncs moisis.

Le réel absurde s’évade;
La chaotique cavalcade
Surgit des fantômes dressés
Sous les tâtonnantes étoiles
Dont le vent écarte les voiles,
Surgit aux lointains effacés.

Comme un encensoir la braise,
Leur coeur flambant que rien n’apaise,
Pas même le tombeau, reluit
Au creux sombre de leur poitrine;
Des gestes brûlants se devinent
Dont l’éclair traverse la nuit.

Brisant les dalles et les pierres,
Dénouant les rameaux des lierres,
Les amants ont joint leur essor,
Comme les mélèzes frémissent,
Les lèvres ardentes bruissent
Se baisant par delà la mort.

Froissant le houx et la bourdaine
L’âpre galop qui les entraîne,
Rapproche genoux à genoux
Et vertèbres contre vertèbres
Les spectres vêtus de ténèbres
Et secoués de spasmes fous.

La lande étangement fermente…
Plus que toi la mort est clémente
Dont s’entr’ouvre parfois le seuil.
O vie amère!… – D’écarlates
Roses, d’oeillets et d’aromates.
Que l’on remplisse mon cercueil!

D’un linceul aux blancheurs de soie
Qu’on m’enveloppe, que je sois
Prêt aux réveils extasiés;
Que vainqueur de la mort, j’étreigne
Mon rêve à cette heure où se baigne
La lune par les verts bourbiers.

(Marie Dauguet)

 

 

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Trois images d’une révolte (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 25 juin 2017



Trois images d’une révolte

Le poète s’insurgea
Contre les mots insipides
Sa langue se cabra
Força l’imaginaire
Rafla les fruits du verbe
Absorba suc et sèves
S’attacha au noyau

En tumulte d’amour
En tempête d’infini
L’enfant échappa
Aux refrains et aux cendres
De tant de rêves fourbus
Il ameuta son coeur
Interpella son âme
Pour traverser les murs
Qui verrouillaient la vie

Indomptable
La vie
Si le désir fermente
D’un savoir
D’un poème
D’une image
D’un récit

Désirable
La vie
Si l’ardeur caracole
Toujours à l’avant
Toujours inasservi.

(Andrée Chedid)


Illustration

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