Posts Tagged ‘féroce’
Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022

ON NE PARLE QUE DU TEMPS
Que devient la dent féroce,
la fêlure froide des heures,
sinon du temps ? La chair,
pourrie quelques années plus tard, quelques rues
plus loin. Puis vint l’aboiement de l’ombre,
ce chien abstrait lui dévora le visage.
Et le champignon foulé au pied,
négligemment, et la fumée dense
des terrasses, parfaite,
que deviendront-ils, sinon du temps ?
Pas seulement les griffes, ni même
l’horloge, puits ouvert dans un mur
cobalt. Pas seulement le mois qui forme
des rides, ni l’année avec sa queue
de scorpion. Aussi la main
qui trace l’incision de chirurgie,
et celle qui dissèque un organisme vivant.
Je ne parle pas seulement de la seconde prolongée,
irrésolue, qui détruit le coeur ou taille
les pierres. Je parle à peine du temps,
de l’automne qui s’est jeté par terre
pour boire les couleurs du jardin,
de la fleur qui torture
par sa stricte géométrie aveugle.
Temps debout, eau qui lutte
encore contre l’hiver, temps aussi
l’armée assyrienne qui avançait,
comme une forêt de pierre,
sur Ninive, les fleurs dans le parc
de Rodin, temps encore la sphinge
et sa stupeur vide dans une cité
qui ne fut pas faite pour elle, temps
ce groupe de mandrills
qui vénèrent le soleil. Tout saigne
et se meut, tout est temps
et amour, scintillement de l’absence :
ainsi jaillit du sein le lait, le temps.
(Jaime Labastida)
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Posted in poésie | Tagué: (Jaime Labastida), aboiement, absence, abstrait, champignon, chien, chirurgie, couleur, dévorer, féroce, fleur, fumée, griffe, hiver, horloge, incision, jaillir, jardin, lait, mandrill, ombre, parc, parler, puits, ride, scorpion, sein, soleil, stupeur, temps, terrasse, vénérer, visage | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2022

Illustration

Illustration
L’Angkar*
J’espère ne jamais savoir d’expérience
ne jamais vivre cela
ni mes enfants
ni mes semblables
jamais
je demande pardon à ceux qui liront
ce titre et qui ont eu à souffrir des Khmers rouges
« l’Angkar ne dit rien, ne parle
pas mais il a des yeux et des
oreilles partout »
« qui proteste est un ennemi
qui s’oppose est un cadavre »
regretté
le toucher de ton corps
Automutilation
on s’est exterminés les uns les autres
ce pays
naguère paradis
terrestre
sourire
nous tue
charnier
oser en toute méconnaissance
tu connais autre chose
mais féroce aussi
rester vivant
avec cela dans le coeur
encore tari
alors que l’enfance est nue
et la pluie la pluie
la lutte est inégale
il pleut
encore et encore
les rizières
s’étendent dans le lointain
gris vert
des ombres marchent dans l’eau
vivants qui reviennent
cette grande nonchalance
fut ponctuée de sang
[…]
Tout ce que nous avons subi
d’atroce
ne peut être dissous
et nos tortionnaires
humains
comme nous
quoi de plus déroutant
de plus affligeant
se sentir le semblable
de ces travailleurs consciencieux
ces éradicateurs sont nos frères
regretter jusqu’à
cette humanité
douter d’exister pleinement
*En khmer, «l’Organisation», nom sous lequel le Parti communiste du Kam-
puchéa (Khmers rouges) a gouverné le Cambodge lorsqu’il a pris le pouvoir en 1975
(Paul de Brancion)
Recueil: Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
Traduction:
Editions: Lanskine
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Posted in poésie | Tagué: (Paul de Brancion), affliger, atroce, automutilation, éradicateur, cadavre, charnier, coeur, connaître, consciencieux, corps, dérouter, dire, dissoudre, douter, eau, encore, enfance, enfant, ennemi, espérer, exister, expérience, exterminer, féroce, frère, gris, humain, humanité, inégal, jamais, khmer, lire, lointain, méconnaissance, naguère, nonchalance, nu, ombre, oreille, oser, paradis, pardon, parler, pays, pleinement, pleuvoir, pluie, ponctuer, protester, regretter, rester, revenir, rizière, rouge, s'étendre, s'opposer, sang, savoir, semblable, sentir, souffrir, sourire, subire, tarir, terrestre, titre, tortionnaire, toucher, tuer, vert, vivant, vivre, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 1 mai 2021

LES QUATRE SAISONS
Au printemps, c’est dans les bois nus
Qu’un jour nous nous sommes connus.
Les bourgeons poussaient, vapeur verte.
L’amour fut une découverte.
Grâce aux lilas. grâce aux muguets,
De rêveurs nous devînmes gais.
Sous la glycine et le cytise.
Tous deux seuls, que faut-il qu’on dise?
Nous n’aurions rien dit, réséda,
Sans ton parfum qui nous aida.
II
En été les lis et les roses
Jalousaient ses tons et ses poses,
La nuit, par l’odeur des tilleuls
Nous nous en sommes allés seuls.
L’odeur de son corps, sur la mousse,
Est plus enivrante et plus douce.
En revenant le long des blés.
Nous étions tous deux bien troublés.
Comme les blés que le vent frôle,
Elle ployait sur mon épaule.
III
L’automne fait les bruits froissés
De nos tumultueux baisers.
Dans l’eau tombent les feuilles sèches
Et. sur ses yeux, les folles mèches.
Voici les pèches, les raisins,
J’aime mieux sa joue et ses seins.
Que me fait le soir triste et rouge,
Quand sa lèvre boudeuse bouge ?
Le vin qui coule des pressoirs
Est moins traître que ses yeux noirs.
IV
C’est l’hiver.
Le charbon de terre
Flambe en ma chambre solitaire.
La neige tombe sur les toits.
Blanche!
Oh. ses beaux seins blancs et froids!
Même sillage aux cheminées
Qu’en ses tresses disséminées.
Au bal chacun jette, poli.
Les mots féroces de l’oubli.
L’eau qui chantait s’est prise en glace.
Amour, quel ennui te remplace!
(Charles Cros)
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Posted in poésie | Tagué: (Charles Cros), amour, automne, épaule, été, bal, blé, cheminée, connaître, découverte, enivrant, ennui, féroce, hiver, jalouser, lis, mèche, mot, neige, parfum, poser, printemps, réséda, rose, saison, sein, seul, sillage, solitaire, tilleul, triste, trouble, vin | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 1 mai 2020

Les Quatre saisons
I
Au printemps, c’est dans les bois nus
Qu’un jour nous nous sommes connus.
Les bourgeons poussaient, vapeur verte.
L’amour fut une découverte.
Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
De rêveurs nous devînmes gais.
Sous la glycine et le cytise,
Tous deux seuls, que faut-il qu’on dise ?
Nous n’aurions rien dit, réséda,
Sans ton parfum qui nous aida.
II
En été les lis et les roses
Jalousaient ses tons et ses poses,
La nuit, par l’odeur des tilleuls
Nous nous en sommes allés seuls.
L’odeur de son corps, sur la mousse,
Est plus enivrante et plus douce.
En revenant le long des blés,
Nous étions tous deux bien troublés.
Comme les blés que le vent frôle,
Elle ployait sur mon épaule.
III
L’automne fait les bruits froissés
De nos tumultueux baisers.
Dans l’eau tombent les feuilles sèches
Et, sur ses yeux, les folles mèches.
Voici les pêches, les raisins,
J’aime mieux sa joue et ses seins.
Que me fait le soir triste et rouge,
Quand sa lèvre boudeuse bouge ?
Le vin qui coule des pressoirs
Est moins traître que ses yeux noirs.
IV
C’est l’hiver. Le charbon de terre
Flambe en ma chambre solitaire.
La neige tombe sur les toits,
Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids !
Même sillage aux cheminées
Qu’en ses tresses disséminées.
Au bal, chacun jette, poli,
Les mots féroces de l’oubli.
L’eau qui chantait s’est prise en glace.
Amour, quel ennui te remplace !
(Charles Cros)
Illustration: Sophie Vulliard
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Posted in poésie | Tagué: (Charles Cros), amour, automne, épaule, été, baiser, blé, boudeuse, bourgeon, chambre, charbon, connu, cytise, découverte, eau, enivrante, ennui, féroce, gai, glace, glycine, hiver, jalouser, lilas, lis, mousse, muguet, neige, nuit, odeur, oubli, parfum, pêche, ployer, poli, posé, pressoir, printemps, raisin, réséda, rêveur, remplacer, rose, rouge, saison, sein, sillage, tilleul, ton, traître, tresse, triste, trouble, tumultueux, vapeur, yeux | 6 Comments »
Posted by arbrealettres sur 7 avril 2020

Le Rhinocéros
Le rhinocéros est morne
et il louche vers sa corne.
Que veut le rhinocéros ?
Il veut une boule en os.
Ce n’est pas qu’il soit coquet :
c’est pour jouer au bilboquet.
Car l’ennui le rend féroce,
le pauvre rhinocéros.
(Claude Roy)
Illustration: Agnès Boulloche
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Posted in humour, poésie | Tagué: (Claude Roy), bilboquet, coquet, corne, ennui, féroce, loucher, morne, os, pauvre, rhinocéros | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2020

Illustration: Edvard Munch
AIMER
Amour ! Amour féroce !
Tu m’as donné une coupe amère :
Je la bois et j’empoisonne mes jours.
Ces ennuis et cette nostalgie
Tout embrume mon esprit :
Le monde dans mes yeux est devenu hargneux.
Ainsi sont-elles tes douceurs,
trompeuse divinité cruelle ?
***
Do miłości
Miłości, sroga miłości!
Kielich podałaś gorzkości:
Piję go, trując dni moje.
Te nudów i tęsknot roje
Wszystko w umyśle zaćmiły:
Świat moim oczom niemiły.
Takież to twoje słodycze,
Okrutne bóstwo zwodnicze?
(Kniaznin Franciszek)
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Posted in poésie | Tagué: (Kniaznin Franciszek), aimer, amer, amour, boire, coupe, cruel, devenir, divinité, donner, douceur, embrumer, empoisonner, ennui, esprit, féroce, hargneux, jour, monde, nostalgie, trompeur, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 2 août 2019
![Christiane Vleugels - _21 [1280x768]](https://arbrealettres.files.wordpress.com/2013/06/christiane-vleugels-_21-1280x768.jpg?w=796&h=786)
A l’éternel madame
Mannequin idéal, tête-de-turc du leurre,
Eternel Féminin ! … repasse tes fichus ;
Et viens sur mes genoux, quand je marquerai l’heure,
Me montrer comme on fait chez vous, anges déchus.
Sois pire, et fais pour nous la joie à la malheure,
Piaffe d’un pied léger dans les sentiers ardus.
Damne-toi, pure idole ! et ris ! et chante ! et pleure,
Amante ! Et meurs d’amour !… à nos moments perdus.
Fille de marbre ! en rut ! sois folâtre !… et pensive.
Maîtresse, chair de moi ! fais-toi vierge et lascive…
Féroce, sainte, et bête, en me cherchant un coeur…
Sois femelle de l’homme, et sers de Muse, ô femme,
Quand le poète brame en Ame, en Lame, en Flamme !
Puis – quand il ronflera – viens baiser ton vainqueur !
(Tristan Corbière)
Illustration: Christiane Vleugels
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Posted in poésie | Tagué: (Tristan Corbière), amour, ange, éternel, baiser, bramer, déchu, féminin, féroce, femme, fichu, genou, idéal, idole, lascive, leurre, mannequin, mourir, muse, poète, ronfler, sainte, tête-de-turc, vainqueur, vierge | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 4 décembre 2018

Amoureuse des mots, qui créent des petites nuits
dans l’incréé du jour et son vide féroce.
(Alejandra Pizarnik)
Recueil: Approximations
Traduction: Etienne Dobenesque
Editions: Ypfilon
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Posted in poésie | Tagué: (Alejandra Pizarnik), amoureux, créer, féroce, incréé, jour, mot, nuit, vide | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 12 novembre 2018

Au cirque, une nuit, je retrouvai un langage perdu
lorsque les cavaliers, torches en main,
faisaient une ronde féroce sur des coursiers noirs.
Ni dans mes rêves de bonheur
n’existera un choeur d’anges
capable de fournir, pour mon coeur,
quelque chose de comparable
aux sons chauds des sabots contre les sables.
(Alejandra Pizarnik)
Illustration: Bartabas
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Posted in poésie | Tagué: (Alejandra Pizarnik), bonheur, cavalier, cirque, coeur, féroce, langage, nuit, perdu, rêve, retrouver, ronde, sable, sabot, torche | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 12 novembre 2018

elle se dévêt au paradis
de sa mémoire
elle méconnaît le destin féroce
de ses visions
elle a peur à l’idée de ne savoir nommer
l’inexistant
(Alejandra Pizarnik)
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