Belle,
pareil à l’eau qui sur la pierre fraîche
de la source
ouvre son grand éclair d’écume,
est ton sourire,
belle.
Belle,
aux fines mains, aux pieds déliés
comme un petit cheval d’argent,
fleur du monde, marchant,
je te vois moi,
belle.
Belle,
avec un nid de cuivre enchevêtré
clans la tête, un nid
d’une brune couleur de miel
où mon coeur brûle et se repose,
belle,
Belle,
aux yeux trop grands pour ton visage,
aux yeux trop grands pour la planète.
Il y a des pays, des fleuves
dans tes yeux,
ma patrie se tient dans tes yeux,
je vagabonde à travers eux,
ils donnent sa clarté au monde
partout où s’avancent mes pas,
belle.
Belle,
tes seins sont pareils à deux pains
– terre froment et lune d’or -,
belle.
Belle,
ta taille
mon bras l’a faite comme un fleuve
mille années parcourant la douceur de ta chair,
belle.
Belle,
rien n’a le charme de tes hanches,
la terre en quelque lieu caché
a peut-être, elle,
la courbe de ton corps et son parfum,
en quelque lieu peut-être,
belle.
Belle, ma belle,
ta voix, ta peau, tes ongles,
belle, ma belle,
ton être, ta clarté, ton ombre,
belle,
tout cela est mien, belle,
tout cela, mienne, m’appartient,
lorsque tu marches ou te reposes,
lorsque tu chantes ou que tu dors,
lorsque tu souffres ou que tu rêves,
toujours,
lorsque tu es proche ou lointaine,
toujours,
ma belle, tu es mienne,
toujours.
l’été est plein de
fibres
le soleil, grand luminaire
de raphia,
les oranges, dont tu
écartes les cloisons
de peau très fines…
plein de fibres, l’été,
d’herbes sédatives
que tu mâchonnes, appuyé
contre la maison…
Blasons, prenons le temps de vous bien déchiffrer
prenons le temps de tout compter
et de lire l’écriture fine
que modela la belle inconnue
un jour qu’elle était pâle et nue.
Dans un monde touffu se mêlent
les frissons de la maladie
les armes de la médisance
le visage du laboureur
l’éclat de l’amour inconnu
et les yeux bleus du travailleur
celui au front couvert de signes
s’appuyant au bras de sa fille
portant le poids de sa beauté
traquée à l’abri du corset
femme au regard rejoignant
la douceur d’une feuille qui tremble.
La grâce d’une fleur et la saveur d’un fruit,
Cupidon modela l’amphore de ses hanches
Et lui peignit des yeux plus bleus que des pervenches.
Achevé son ouvrage, il se sauva sans bruit.
— Le petit dieu malin fit toujours bien les choses.
Depuis mille printemps il en rit, voyez-vous,
Il n’a pas oublié que les hommes sont fous
De se croire artisans de la beauté des roses —
Elle avait la peau blanche et sur son cou nacré,
Un veiné transparent de porcelaine fine.
Le temps qui hait la chair, qu’il griffe et qu’il ravine,
Pour épargner la sienne en fit un lieu sacré.
Ses cheveux déversaient les eaux de leur cascade,
Noyant sa fraîche joue et son joli sein rond.
Une mèche rebelle en travers de son front,
Aux caresses du vent tendait une embuscade.
Voilà comme était Rose au lit de ses amours !
Au gré de son humeur provocante ou pudique,
Nue elle s’étirait sur un tapis antique
Dont ses tendres amants torturaient le velours.
Combien furent séduits par la belle en son antre,
Grisés par ses parfums d’ambre et de patchouli ?
La paupière cernée et le corps amolli,
Tous ont pris du plaisir aux mousses de son ventre.