Le cimetière est un jardin
Rempli de fleurs et de lumière ;
Le jasmin fleurit sur la pierre,
L’oiseau chante sur le jasmin ;
Mais que le désespoir va loin
Dans une âme qui désespère…
Le cimetière est un jardin
Rempli de fleurs et de lumière.
C’est presque la mort, le chagrin !
Et j’ai, parmi l’herbe légère,
Compris l’erreur, l’erreur sans fin
C’est notre cœur, le cimetière…
Le cimetière est un jardin !
(Rosemonde Gérard)
Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle
Mais où t’es-tu caché
me laissant gémissante mon ami
toute tu m’as blessée
tel le cerf qui bondit
criant je suis sortie tu avais fui
Pâtres qui monterez
là-haut sur les collines aux bergeries
si par chance voyez
qui j’aime dites-lui
que je languis je souffre et meurs pour lui
Mes amours poursuivrai
à travers les montagnes les rivières
les fleurs ne cueillerai
ne craindrai lions panthères
et passerai les forts et les frontières
[…]
***
Esposa
Adónde te escondiste
amado y me dejaste con gemido ?
como el ciervo huiste habiéndome herido
salí tras ti clamando, y eras ido.
Pastores los que fuerdes
allá por las majadas al otero
si por ventura vierdes
aquel que yo más quiero
decidle que adolezco, peno, y muero
Buscando mis amores
iré por esos montes y riberas
ni cogeré las flores
ni temeré las fieras
y pasaré los fuertes y fronteras.
[…]
(Jean de la Croix)
Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard
C’est peut-être sourire encor plus qu’on ne peut
C’est toujours écouter, afin de mieux comprendre…
C’est offrir sa bonté ne cessant de surprendre
Avec un mot choisi… tel un fruit savoureux
Attire le regard fait fleurir l’espérance
Pour alléger un sort aux soupirs frémissants
Oh ! Ce bien bel amour penché sur la souffrance
Qu’il monte vers les cieux, brûlant comme l’encens
— Pour simplement aimer et s’oublier soi-même
Et dire à notre vie, au fil de ses jours, Aime !.
J’aurai beaucoup trop chaud peut-être
Il fera sombre, que m’importe
Je n’ouvrirai pas la fenêtre
Et laisserai fermée ma porte
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Votre parfum Sur L’oreiller
Laissez-moi deviner
Ces subtiles odeurs
Et promener mon nez
Parfait inquisiteur
Il y a des fleurs en vous
Que je ne connais pas
Et que gardent jaloux
Les replis de mes draps
Oh, la si fragile prison!
Il suffirait d’un peu de vent
Pour que les chères émanations
Quittent ma vie et mon divan
Tenez, voici, j’ai découvert
Dissimulées sous l’évidence
De votre Chanel ordinaire
De plus secrètes fulgurances
Il me faudrait les retenir
Pour donner corps à l’éphémère
Recomposer votre élixir
Pour en habiller mes chimères
Sans doute il y eut des rois
Pour vous fêter enfant
En vous disant « Reçois
Et la myrrhe et l’encens »
Les fées de la légende
Penchées sur le berceau
Ont fleuri de lavande
Vos yeux et votre peau
J’ai deviné tous vos effets
Ici l’empreinte du jasmin
Par là la trace de l’oeillet
Et là le soupçon de benjoin
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l’essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L’enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c’est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L’amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L’été sous la charmille
Et l’hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Pour retrouver dans mon soulier
Ma mandarine de Noël
Voici qu’au milieu des bouquets
De douces fleurs et de bonbons
S’offre à mon nez soudain inquiet
Une troublante exhalaison
C’est l’odeur animale
De l’humaine condition
De la sueur et du sale
Et du mauvais coton
Et voici qu’ils affleurent
L’effluve du trépas
L’odeur d’un corps qui meurt
Entre ses derniers draps
Avant que le Temps souverain
Et sa cruelle taquinerie
N’emportent votre amour ou le mien
Vers d’autres cieux ou d’autres lits
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Toute votre âme Sur L’oreiller
(Juliette)
Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON
Nous sommes venus pour le sommeil
nous sommes venus pour le songe.
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai que nous soyons venus
sur la terre pour vivre.
Nous ne serons bientôt qu’herbe de reverdie :
nos coeurs reverdiront, ouvriront leurs corolles :
oh notre corps est une fleur et fleurit et se fane.
traduit du Nahuátl
(Angel Maria Garibay)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
Dieu en soit loué, je ne suis pas bon,
Et j’ai l’égoïsme naturel des fleurs
Et des cours d’eau qui suivent leur chemin
Préoccupés sans le savoir
D’une seule chose: fleurir ou suivre leur cours.
Voilà bien l’unique mission au monde,
C’est-à-dire — exister dans la clarté,
Et savoir le faire sans y penser.
(Fernando Pessoa)
Recueil: Poèmes païens
Traduction: du Portugais par M. Chandeigne , P. Quillier et M. A. Camara Manuel
Editions: Points
Qu’il y ait des couleurs, c’est étrange :
Blanc, jaune, bleu, vert, rouge, orange !
Etrange qu’il y ait des sons :
Cors, sopranos, hautbois, bassons !
Qu’il y ait une langue encore :
Vocables, vers, rimes, cadence,
Inflexion délicate ou sonore,
Syntaxe qui marche ou qui danse !
Qui se plaît à ces jeux,
Dans leur charme se baigne,
Pour lui le monde rit, joyeux,
Fleurit et lui enseigne
Son coeur, son sens mystérieux.
Ce que tu aimas, voulus,
Que tu rêvas ou vécus
Pour toi garde existence.
Fut-ce heure bonne ou mauvaise ?
Sol dièse ou la bémol, mi bémol ou ré dièse,
Fait-on la différence ?
***
NACHTS IM APRIL NOTIERT
O daß es Farben gibt :
Blau, Gelb, Weiß, Rot und Grün !
O daß es Töne gibt :
Sopran, Baß, Horn, Oboe !
O daß es Sprache gibt :
Vokabeln, Verse, Reime,
Zärtlichkeiten des Anklangs,
Marsch und Tänze der Syntax !
Wer ihre Spiele spielte,
Wer ihre Zauber schmeckte,
Ihm blüht die Welt,
Ihm lacht sie und weist ihm
Ihr Herz, ihren Sinn.
Was du liebtest und erstrebtest,
Was du träumtest und erlebtest,
Ist dir noch gewiß.
Ob es Wonne oder Leid war ?
Gis und As, Es oder Dis —
Sind dem Ohr sie unterscheidbar ?
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
La branche en fleur se balance,
De ci, de là, dans le vent.
Mon coeur, comme au temps d’enfance,
Monte avec elle ou descend,
Jours de fête ou tristes jours,
Force, abandon, tour à tour.
Voilà les fleurs envolées,
La branche de fruits chargée ;
Le cœur d’enfant désormais
A trouvé sa paix.
Il sait que ce fut joie et non vaine folie,
Ce jeu mouvementé, bigarré, de la vie.
***
DER BLÜTENZWEIG
Immer hin und wider
Strebt der Blütenzweig im Winde,
Immer auf und nieder
Strebt mein Herz gleich einem Kinde
Zwischen hellen, dunklen Tagen,
Zwischen Wollen und Entsagen.
Bis die Blüten sind verweht
Und der Zweig in Früchten steht,
Bis das Herz, der Kindheit satt,
Seine Ruhe hat
Und bekennt : voll Lust und nicht vergebens
War das unnihvolle Spiel des Lebens.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti