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Poésie

Posts Tagged ‘foi’

Foi d’arbre (Dominique Scheder)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2023



Illustration
    
Foi d’arbre

Une halte entre terre et ciel
Vivant, comme les saints,
d’un peu d’eau, d’air,
terre et de lumière.
Abritant en ses branches
L’oiseau
Docile à la volonté des vents
Qui le caressent ou le cassent.
Ses feuilles le fuyant
Squelette seul et sec
Au coeur froid de l’hiver.
II résiste et il croit
– croix de bois –
A la promesse
De vie nouvelle
Colportée
Par son amie
L’hirondelle.

(Dominique Scheder)

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LES BÂTISSEURS DE CATHÉDRALE (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
LES BÂTISSEURS DE CATHÉDRALE

Ils étaient des milliers venus de mille savoirs,
Hagards tailleurs de pierre et sculpteurs pathétiques,
Terrassiers de hasard, charpentiers faméliques,
Turbulents compagnons venus bâtir l’histoire.

S’étaient levés matin à l’appel cardinal,
Cheminant des provinces du vieux pays de France,
Ou de Gand la brumeuse ou de claire Florence,
Ils étaient les mains nues de l’art occidental.

Sous les ordres rugueux d’un vieux moine architecte,
Tour de Babel soudée par la foi catholique,
Ils besognèrent trois siècles en quatre-vingt dialectes,

Mais pour le plus grand nombre, de relève en relève,
La flèche terminale du grand vaisseau gothique,
Ne fut qu’une promesse, et même pas un rêve.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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LE MONT SAINT-MICHEL (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
LE MONT SAINT-MICHEL

C’est un gros rocher noir debout sur l’océan,
Le sombre diadème d’un Neptune géant,
L’épée d’un dieu fichée sur la grève atlantique.

C’est la flèche élevée en prière phallique,
Le menhir orgueilleux des rêveries celtiques,
Le fantasme sacré d’un vieil abbé dément.

C’est l’hommage de granit à l’archange Michel,
L’improbable totem aux gargouilles de sel,
Un vieux vaisseau-fantôme échoué sur la plage.

C’est le phare déserté tombé du fond des âges,
Un bout de paradis oublié aux rivages
Tout au creux d’une baie où la mer étincèle.

C’est l’abbatiale bâtarde, et gothique et romane,
Ses voûtes dessinées par la foi artisane,
Ses vitraux bégayant leurs lueurs marines.

C’est le cloître-jardin des orants de matines,
Les salles de la Merveille aux cheminées malouines,
Et les cryptes enterrées sous la pierre chamane.

C’est le lieu de mystère et d’indolente brume
Que le soleil oublie quand les cierges s’allument
Mais que l’on aperçoit des marches de Bretagne

Quand on chemine seul, pèlerin de hasard,
Et que soudain le Mont se donne à nos regards,
Serti comme un diamant dans sa gangue océane.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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Pour toute la beauté (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 19 avril 2023



Illustration: Josephine Wall
    
Pour toute la beauté
Glose divinisée

Pour toute la beauté
jamais ne me perdrai,
sinon pour un je ne sais quoi
qui s’obtient d’aventure.

1.
Saveur d’un bien qui est fini
à rien ne peut arriver d’autre
que de fatiguer l’appétit
et de ravager le palais ;
et ainsi pour toute douceur
moi jamais je ne me perdrai,
sinon pour un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

2.
Le coeur généreux jamais
n’a cure de s’arrêter
là où l’on peut passer
sinon dans le plus difficile ;
rien ne lui cause satiété,
et sa foi monte tellement
qu’il goûte d’un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

3.
Celui qui d’amour est dolent,
par le divin Être touché,
a le goût si transformé
qu’il défaille à tous les goûts ;
comme celui qui a la fièvre,
le manger qu’il voit le dégoûte ;
il désire un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

4.
Ne soyez de cela surpris
que le goût demeure tel,
parce que la cause du mal
est étrangère à tout le reste ;
et ainsi toute créature
se voit devenue étrangère,
et goûte d’un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

5.
Car la volonté étant
touchée par la Divinité,
elle ne peut être payée
sinon par la Divinité ;
mais sa beauté étant telle
que par foi seule elle se voit,
la goûte en un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

6.
Or d’un tel amoureux,
dites-moi si aurez douleur
qu’il n’y ait pareille saveur
parmi tout le créé ;
seul, sans forme ni figure,
sans trouver appui ni pied,
goûtant là un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

7.
Ne pensez pas que l’intérieur,
qui est de bien autre valeur,
trouve jouissance et allégresse
en ce qui donne ici saveur ;
mais par delà toute beauté,
et ce qui est, sera et fut,
là il goûte un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure

8.
Plus emploie son souci
qui veut s’avantager,
en ce qui est à gagner
qu’en ce qu’il a déjà gagné ;
ainsi, pour plus grande hauteur,
moi toujours je m’inclinerai
surtout à un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

9.
Pour cela qui par le sens
peut ici se comprendre,
et tout ce qui peut s’entendre,
fût-il très élevé,
ni pour grâce ni beauté
jamais je ne me perdrai,
sinon pour un je ne sais quoi
qui se trouve d’aventure.

***

Por toda la hermosura
Glosa a lo divino

Por toda la hermosura
nunca yo me perderé,
sino por un no sé qué
que se alcanza por ventura.

1.
Sabor de bien que es finito,
lo más que puede llegar
es cansar el apetito
y estragar el paladar ;
y así, por toda dulzura
nunca yo me perderé,
sino por un no sé qué,
que se halla por ventura.

2.
El corazón generoso
nunca cura de parar
donde se puede pasar,
sino en más dificultoso ;
nada le causa hartura,
y sube tanto su fe,
que gusta de un no sé qué
que se halla por ventura.

3.
El que de amor adolece,
de el divino ser tocado,
tiene el gusto tan trocado
que a los gustos desfallece ;
como el que con calentura
fastidia el manjar que ve,
y apetece un no sé qué
que se halla por ventura.

4.
No os maravilléis de aquesto,
que el gusto se quede tal,
porque es la causa del mal
ajena de todo el resto ;
y así, toda criatura
enajenada se ve,
y gusta de un no sé qué
que se halla por ventura.

5.
Que, estando la voluntad
de Divinidad tocada,
no puede quedar pagada
sino con Divinidad ;
mas, por ser tal su hermosura
que sólo se ve por fe,
gústala en un no sé qué
que se halla por ventura.

6.
Pues, de tal enamorado,
decidme si habréis dolor,
pues que no tiene sabor
entre todo lo criado ;
solo, sin forma y figura,
sin hallar arrimo y pie,
gustando allá un no sé qué
que se halla por ventura.

7.
No penséis que el interior,
que es de mucha mas valía,
halla gozo y alegría
en lo que acá da sabor ;
mas sobre toda hermosura,
y lo que es y será y fue,
gusta de allá un no sé qué
que se halla por ventura.

8.
Más emplea su cuidado
y así, para más altura,
quien se quiere aventajar
en lo que está por ganar
que en lo que tiene ganado ;
yo siempre me inclinaré
sobre todo a un no sé qué
que se halla por ventura.

9.
Por lo que por el sentido
puede acá comprehenderse
y todo lo que entenderse,
aunque sea muy subido
ni por gracia y hermosura
yo nunca me perderé,
sino por un no sé qué
que se halla por ventura.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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Malgré la nuit (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023




    
Malgré la nuit

Chant de l’âme qui se rouit
de connaître Dieu par la foi

Je sais la source qui jaillit et coule
malgré la nuit.

Cette source éternelle est cachée, mais
moi je sais où elle a sa demeure,
malgré la nuit.

Ne sais son origine, car n’en a point, mais
je sais que d’elle toute origine vient,
malgré la nuit.

Je sais que ne peut être chose si belle,
et que cieux et terre boivent en elle,
malgré la nuit.

Je sais qu’on ne peut en trouver le fond,
et que nul ne peut la passer à gué,
malgré la nuit.

Le courant qui naît de cette source, je sais
qu’il est aussi vaste et tout-puissant,
malgré la nuit.

Le courant qui de ces deux procède,
je sais qu’aucun d’eux ne le précède,
malgré la nuit.

Cette source éternelle est cachée, en ce
pain vivant pour nous donner vie,
malgré la nuit.

Elle appelle là ici les créatures,
qui de cette eau s’abreuvent, quoique dans le noir,
car c’est la nuit.

Cette vive source que je désire,
en ce pain de vie je la vois,
malgré la nuit.

***

Aunque es de noche

Cantar del alma
que se huelga
de conocer a Dios por fe

Que bien sé yo la fonte que mana y corre,
aunque es de noche.

Aquella eterna fonte está escondida,
que bien sé yo do tiene su manida,
aunque es de noche.

Su origen no lo sé, pues no le tiene,
mas sé que todo origen della viene,
aunque es de noche.

Sé que no puede ser cosa tan bella,
y que cielos y tierra beben de ella,
aunque es de noche.

Bien sé que suelo en ella no se halla,
y que ninguno puede vadealla,
aunque es de noche.

Su claridad nunca es escurecida,
y sé que toda luz de ella es venida,
aunque es de noche.

Sé ser tan caudalosos sus corrientes,
que infiernos, cielos riegan, y las gentes,
aunque es de noche.

El corriente que nace de esta fuente
bien sé que es tan capaz y omnipotente,
aunque es de noche.

El corriente que de estas dos procede
sé que ninguna de ellas le precede,
aunque es de noche.

Aquesta eterna fonte está escondida
en este vivo pan por darnos vida,
aunque es de noche.

Aquí se está llamando a las criaturas,
y de esta agua se hartan, aunque a escuras
porque es de noche.

Aquesta viva fuente, que deseo
en este pan de vida yo la veo,
aunque es de noche.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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Le programme en quelques siècles (Armand Robin)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2023


Les Temps modernes

On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,
Puis on supprimera la lumière.

On supprimera l’Âme
Au nom de la Raison,
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice,
Puis on supprimera la justice.

On supprimera l‘Amour
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.

On supprimera l’Esprit de Vérité
Au nom de l’Esprit critique,
Puis on supprimera l’esprit critique.

On supprimera le Sens du Mot
Au nom du Sens de mots,
Puis on supprimera le sens des mots.

On supprimera le Sublime
Au nom de l’Art,
Puis on supprimera l’art.

On supprimera les Ecrits,
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.

On supprimera le Saint
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.

On supprimera le Prophète
Au nom du Poète,
Puis on supprimera le poète.

On supprimera l’Esprit
Au nom de la Matière,
Puis on supprimera la matière.

AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L’HOMME.
ON SUPPRIMERA LE NOM DE L’HOMME:
IL N’Y AURA PLUS DE NOM

NOUS Y SOMMES.

(Armand Robin)

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De temps à autre (Franz Hellens)

Posted by arbrealettres sur 9 mars 2023



 

Aurélien Lepage 2   [1280x768]

De temps à autre je me laisse aller, pour moi-même,
à de petites professions de foi, de menus credos, tel que celui-ci :
« Je crois à une joie collective éternelle et totale, dans l’espace de l’éternité. »

… La matière de l’instrument sera réduite avec toutes les autres à ses éléments,
magnifique et sublime accord de tous les sons dans une seule note, comme dans le finale d’un choeur.

Il n’y aura plus place pour un souvenir,
mais toute place sera faite à l’harmonie composée d’une seule mémoire,
nommons-la divine.

(Franz Hellens)

Illustration: Aurélien Lepage

 

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JE TUE LE TEMPS (André Frénaud)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2023




    
JE TUE LE TEMPS

Je tue le temps en taillant dans la houille.
Engorgé je me débarrasse ou j’essaie.

Je tue le temps au vin rouge, à la délicatesse,
à la franche gaieté, à la morale,
à l’excès de zèle, à qui perd gagne, à la boussole,
avec un miroir d’emprunt,
avec un regard farouche,
avec un sourire componctueux,
avec une envie de pleurer.

Je tue le temps à creuse rêverie,
avec un marteau-piqueur, avec un petit flageolet,
avec une superbe convoitise,
avec une raillerie épaisse,
en toute bonne foi, avec un oeil en coin,
avec les discours habituels, avec des mots écrits,
avec du vent.
Je n’approche pas du recours imaginé.

Je tue le temps. Je taille en suffoquant, j’essaie.

Je tue le temps. Si un faucon au poing j’allais,
je saurais faire.

(André Frénaud)

Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Suppliques (Badawi al-Jabal)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023




    
Suppliques
(extrait)

Comme j’ai foi en sa bonté,
entre Dieu et moi il y a une Porte.
Je m’y réfugie toujours,
les divans et les lieux me connaissent.

Seigneur, ta Porte ne repousse pas
ceux qui s’y protègent,
Voile est sur elle.

Sa clé dans mes mains est Certitude,
le doute ne l’effleure pas.

Et si l’on me questionne sur mes péchés,
mes larmes sont la réponse.

Elles en sont le Livre, dans ma main droite
lorsque je la tends à ta miséricorde.

(Badawi al-Jabal)

***

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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La belle vieille (François Maynard)

Posted by arbrealettres sur 10 octobre 2022



Illustration: Christelle Fontenoy 
    

La belle vieille

Cloris, que dans mon temps j’ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l’univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

N’oppose plus ton deuil au bonheur où j’aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j’admire
Les divines clartés des yeux qui m’ont brûlé.

Où s’enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu’est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d’un jaloux, m’expose à ta rigueur.

Eusses-tu fait le voeu d’un éternel veuvage
Pour l’honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m’est justement dû.

Qu’on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu’on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu’on a pleuré d’Hectors, qu’on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.

C’est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C’est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d’hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.

Je sais de quel respect il faut que je t’honore
Et mes ressentiments ne l’ont pas violé.
Si quelquefois j’ai dit le soin qui me dévore,
C’est à des confidents qui n’ont jamais parlé.

Pour adoucir l’aigreur des peines que j’endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l’épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.

L’âme pleine d’amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu’en mon esprit j’adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.

Cloris, la passion que mon coeur t’a jurée
Ne trouve point d’exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.

La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d’avoir fait ton visage,
En conserve l’éclat et craint de l’effacer.

Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l’hiver de ta vie est ton second printemps.

Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j’étais sans amour.

C’est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu’on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m’avoir maltraité !

Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?

Si je voyais la fin de l’âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l’excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l’amour à ton cercueil !

(François Maynard)

 

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