Sur la nappe ouvragée où le festin s’exalte,
La venaison royale alterne aux fruits des îles ;
Dans les chypres et les muscats de Rivesalte,
Endormeur des soucis, ô Léthé, tu t’exiles.
Mais l’antique hippogriffe au vol jamais fourbu,
M’a porté sur son aile à la table des dieux ;
Et là, dans la clarté sidérale, j’ai bu,
A pleine urne, les flots du nectar radieux.
Sur les tableaux de saints pendus aux murs
mes pupilles traînent un hélas! de crépuscule;
et dans un frisson de fièvre, bras croisés,
mon être reçoit la vague visite du Nonêtre.
Une mouche pleureuse sur les meubles fourbus
veut répandre je ne sais quelle légende fatale :
une illusion d’Orients qui s’enfuient harcelés;
un nid azur d’alouettes qui meurent en naissant.
Dans un vieux fauteuil est assis mon père.
Comme une Mater Dolorosa, entre et sort ma mère.
Et en les voyant je sens un je ne sais quoi qui ne veut pas partir.
Car avant l’oublie qui est hostie faite de Science,
est l’hostie, oublie faite de Providence.
Et la visite naît, m’aide à vivre bien…
Les écoliers par jeu brisent la glace
dans un sentier
près du chemin de fer
on les a lourdement habillés
d’anciens lainages sombres
et ceinturés de cuirs fourbus
le chien qui les suit
n’a plus d’écuelle où manger tard
il est vieux
car il a leur âge.
Murailles des tempêtes, j’y cloue un fanal.
Banquises suspendues, surface d’un seul gris.
Il demande. J’ai demandé. Rien ne répond qu’un cri, un cri
que l’on isole
des basses tailles de la mer
La chambre alternative, et les remparts du temps.
Seulement ce fanal, et seulement ce clou, rouillé, qui se délite.
Le vent fut la banquise, infranchissable mur affronté la nuit,
et l’obscur m’interroge.
L’ombre envahit la houle. Il y a ce silence, en bordure de ciel,
la trace blanche d’un éclair.
Un cri, ce n’est qu’un cri, que l’on isole.
Et le cri meurt, insecte bref, fourbu, entre les lattes.
Y a dans mon dictionnaire usé
La définition du baiser
Ceux qui ont écrit ça me font de la peine
Braves gens je vais vous dire la mienne
Car un baiser c’est du fuego
C’est pas de la bave d’escargot
Et les vieux schnoks de l’académie
Devaient encore être endormis
Y a le baiser le baiser fourbu et flapi
La langue qui traîne jusqu’à terre
Comme un spaghetti ramolli
Le baiser qui fait courir tout Paris
Le baiser saignant et garni
Avec un steack-frites une serviette
Et le service est compris
Y a aussi le baiser tirelire qui est certainement le plus rigolo
Accroupis la langue dehors les narines pincées et les miches dans l’eau
Y a le baiser russe inconnu chez les aristos
La langue repliée en faucille
Et l’autre tendu en marteau
Le baiser compétition argentin
En dansant roulez un patin
Les lèvres soudées le souffle court un chronomètre à la main
Et puis y a le baiser d’Zézette
Le plus salé le plus sucré c’est le plus chouette
On dirait un chausson aux pommes
Langue de velours palais d’amour on la surnomme
Je l’aime
Elle m’aime
Y a le baiser le baiser hurleur inédit
Allongés tout nus sous la pluie
Dans un champ d’orties à minuit
Y a aussi le baiser du ruminant
Le baiser du flic menaçant
La langue chargée jusqu’aux dents
D’un kilo de parmesan
Y a aussi le baiser tricot très difficile et très pervers
Avec les langues nouées papilles à l’endroit papilles à l’envers
Y a le marocain la langue roulée en pois chiche
Un chameau carré sous les miches
Et un p’tit nombril boute-en-train
Pis y a le baiser mystique hypocrite
Les lèvres mouillées d’eau bénite
Les deux langues en croix à genoux
Le seul qui n’ait pas de goût
Et puis y a le baiser d’Zézette
Le plus salé le plus sucré c’est le plus chouette
Pour l’apprécier il faut comprendre
Qu’il est sublime comme une truffe sous la cendre
Je l’aime
Elle m’aime
Y a le baiser le baiser indien que j’aime bien
On s’embrasse trois fois sur le cul
Et on dit coucou tu m’as eu
Y a le baiser japonais qui me plait
On avale un grand bol de lait
On s’embrasse trois fois sur les seins
Et puis on dit plus rien
Et puis y a le baiser d’Zézette
Le plus salé le plus sucré c’est le plus chouette
A côté de sa bouche en flamme
Le Stromboli n’est qu’un p’tit sorbet de réclame
Je l’aime
Elle m’aime
Le poète s’insurgea
Contre les mots insipides
Sa langue se cabra
Força l’imaginaire
Rafla les fruits du verbe
Absorba suc et sèves
S’attacha au noyau
En tumulte d’amour
En tempête d’infini
L’enfant échappa
Aux refrains et aux cendres
De tant de rêves fourbus
Il ameuta son coeur
Interpella son âme
Pour traverser les murs
Qui verrouillaient la vie
Indomptable
La vie
Si le désir fermente
D’un savoir
D’un poème
D’une image
D’un récit
Désirable
La vie
Si l’ardeur caracole
Toujours à l’avant
Toujours inasservi.
il semble au promeneur fourbu
que la syncope des étoiles
répète les battements de son corps
il faudrait se dit-il
une fable qui ferait le lien
un rappel aussi
de ce qui vibre
quand la brodeuse ajoute au gris
un point rouge même un peu factice