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Posts Tagged ‘froid’

La Frontière (Bernard Lavilliers)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023



    

La Frontière

Allongé sur le sable on dirait qu’il dort
Il est beau et très calme dans le froid qui mord
C’est un guerrier nomade, un homme du désert
Qui est couché dans le sable les yeux grands ouverts

Jusqu’où vont les nomades plus loin que la mort
Dans le chant des étoiles y’a le mirador
A quoi rêvent les nomades sous le ciel ouvert
A des pur-sang arabes écumant la mer.

Reste dans ton rêve, c’est peut-être mieux
Mais le jour se lève et en plein milieu
Il y a la frontière.

La violence est silence,
Silence est désert
Sentinelles de sable tournés vers la mer
Tirez sur tout ce qui bouge, même sur la poussière
Tirez sur le soleil rouge qui meurt dans la mer.

Qui partage les pierres, les jungles et le sable
Qui a mis l’univers à plat sur la table
Qui a peur de son ombre et qui fait la guerre
Mais déjà le vent efface ton nom sur la pierre.
Couché sur le sable, on dirait qu’il dort
Mais pour un nomade, c’est après la mort
Qu’y a plus de frontière.

Où est la frontière?
Où est la frontière?
Pour qui la frontière?
C’est loin la frontière?
Pourquoi la frontière?
C’est loin la frontière?
Où est la frontière?

(Bernard Lavilliers)

Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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LES FILLES DES GOBES (André Pieyre de Mandiargues)

Posted by arbrealettres sur 9 mars 2023



 

Kristine Kvitka [1280x768]

LES FILLES DES GOBES

Dans un de ces jours-là qui sont pâles et gris
Comme les flancs humides de la craie
Dans le jour gris d’une marée de novembre
Qui attire très loin le bord bruissant de l’eau
Un homme inquiet regarde le ciel noir
Entre les découpures de la crête de marne
Au-dessus de la crête le ciel sombre où passent
Des voiliers d’oies sauvages en route vers le sud.

Il faut descendre encore un peu parmi les éboulis
Aller sur le chemin des ramasseurs d’épaves
De l’autre côté d’un tas rocheux où le pied glisse
Passer un cailloutis où des charognes pourrissent
Pour la joie des crabes verts à marée haute
Là-bas se trouve une grève secrète
Murée de blocs précipités jadis
Solitaire entre toutes les plages de ce rivage désolé.

Nous vîmes là dans un matin de fin d’automne
Trois filles de la mer qui dansaient tristement
Pâles aussi couronnées de varech
Nues comme la craie soumise à l’érosion.

Leurs cheveux ondulaient sur leurs épaules maigres
Comme les laminaires flottant aux creux des Haumes
Leurs ventres plats remuaient des croûtes de sable
Avec des mousses marines rouges et roses.

La plus belle portait un long collier d’or
Toutes trois apportaient le grand froid de la mort.

Trois filles nues battues du vent du nord
Le sel brillait au bout de leurs menus seins gris
Leurs pieds dans l’eau faisaient un clapotis
Monotone. Et la mort habitait leurs yeux clairs.

Froides filles accrues aux trous de la falaise
En quelque vieux nid de pygargue
Elles se paissent de moules crues et d’algues
Pêchées à mer basse
L’iode seul court dans leurs veines.

Quand le vent chasse la brume du matin
Déroulée comme un suaire en lisière du ciel
Quand le vent du nord hérisse de glaçons
Les rets blonds des parcs qui sèchent sur les pieux
Les filles des falaises sortent de leurs cavernes
Dans un tourbillon de plumes blanches.

Aux cris des guillemots et des grèbes
Les filles des falaises dansent devant les gobes.

(André Pieyre de Mandiargues)

Illustration: Kristine Kvitka

 

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Le bain du singe (François Berthier)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2023



Illustration
    
le bain du singe
bonheur de l’eau chaude ou froide
lavage de patates

***

 

(François Berthier)

Recueil: Cent reflets du paysage Petit traité de haïkus (François Berthier)
Editions: Arléa

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C’est facile, d’écosser les petits pois (Philippe Delerm)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2023




    
C’est facile, d’écosser les petits pois.
Une pression du pouce sur la fente de la gousse
et elle s’ouvre, docile, offerte.
Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes
– une incision de l’ongle de l’index
permet alors de déchirer le vert,
et de sentir la mouillure et la chair dense,
juste sous la peau faussement parcheminée.

Après, on fait glisser les boules d’un seul doigt.
La dernière est si minuscule.
Parfois, on a envie de la croquer.
Ce n’est pas bon, un peu amer,
mais frais comme la cuisine de onze heures,
cuisine de l’eau froide, des légumes épluchés
– tout près, contre l’évier,
quelques carottes nues brillent sur un torchon,
finissent de sécher.

Alors on parle à petits coups,
et là aussi la musique des mots
semble venir de l’intérieur, paisible, familière.
On parle de travail, de projets, de fatigue
– pas de psychologie.

L’écossage des petits pois n’est pas conçu pour expliquer,
mais pour suivre le cours, à léger contretemps.
Il y en aurait pour cinq minutes, mais c’est bien de prolonger,
d’alentir le matin, gousse à gousse, manches retroussées.

On passe les mains dans les boules écossées
qui remplissent le saladier.
C’est doux ; toutes ces rondeurs contiguës
font comme une eau vert tendre,
et l’on s’étonne de ne pas avoir les mains mouillées.
Un long silence de bien-être clair

[…]

(Philippe Delerm)

Recueil: La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules
Traduction:
Editions: L’Arpenteur

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Joues froides (Lucia Supova)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2023




    
joues froides
dans ma paume la douceur
des framboises

(Lucia Supova)

Recueil: L’effet haïku (Pascale Senk)
Editions: POINTS

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Quand l’aube navrée (Jean-Vincent Verdonnet)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2023




    
Quand l’aube navrée contemple
les cendres du rêve mort
le cavalier plie bagage
enfiévré d’une veille
et plus pauvre d’un départ

Le fouet du froid prolonge le
sommeil épais des sèves

Le bourg tassé s’emmitoufle
d’une brume sans remords

D’anciens levers de soleils
grincent de mille caries

et le mont dur se crevasse
de la rencontre impossible

(Jean-Vincent Verdonnet)

 

Recueil: D’ailleurs
Editions: Saint-Germain-des-Prés

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UNE LUMIÈRE ACROPOLE (André Frénaud)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2023




    
UNE LUMIÈRE ACROPOLE
à Jean Tardieu

Une lumière, acropole au sommet de mes songes,
ayant lui s’éboula, les bêtes m’ont repris
dans le tourbillon de leurs serres froides
et me creusent en nouveau nid
pour que j’y puisse à loisir irrité
cuver ma cendre
et soudain m’éclairer à ma réalité,
avant de retomber par l’épaisseur si lente.

(André Frénaud)

Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Petite mère, c’est toi (Sophie Hüe)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2023



Illustration: Emile Munier
    
Petite mère, c’est toi

La nuit, lorsque je sommeille,
Qui vient se pencher vers moi ?
Qui sourit quand je m’éveille
Petite mère, c’est toi.

Qui, pour que je sois bien sage,
Doucement prie avec moi ?
Qui d’un ange a le visage ?
Petite mère, c’est toi.

Qui gronde d’une voix tendre,
Si tendre que l’on ne soit
Repentant rien qu’à l’entendre ?
Petite mère, c’est toi :

Qui pour tous est douce et bonne ?
Au pauvre ayant faim et froid
Qui m’apprend comment on donne ?
Petite mère, c’est toi.

Qui, me montrant comme on aime,
Sans cesse pensant à moi,
Me chérit plus qu’elle-même ?
Petite mère, c’est toi.

Quand te viendra la vieillesse,
À mon tour veillant sur toi,
Qui te rendra ta tendresse ?
Petite mère, c’est moi.

(Sophie Hüe)

 

Recueil: Mon premier Livre de Récitation
Traduction:
Editions: Prieur et compagnie

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Hommes, femmes, Et gens de la vie, gens de raison (Martine Laffon)

Posted by arbrealettres sur 4 février 2023



Illustration: Marie Boutroy
    
Hommes, femmes,
Et gens de la vie,
gens de raison,
ouvrez grand
vos maisons…

Venez tous,
gens de détresse,
abandonnés sur
des chemins adverses.
Entrez, mon coeur est bien
trop lourd pour moi,
toute seule, j’y aurais froid.

Hommes, femmes,
gens de la vie,
gens de raison,
entrez dans ma maison.

(Martine Laffon)

 

Recueil: Le Dit d’Amour
Traduction:
Editions: Alternatives

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HOMMAGE AUX UPANISHADS (Nissim Ezekiel)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2023




    
HOMMAGE AUX UPANISHADS

Sentir qu’on est Quelqu’un
Équivaut à conduire
Son propre corbillard en quelque sorte —
La destination est claire.

Je ne veux pas être
La peau du fruit
Ni la chair
Ni même la graine,
Qui ne ferait que devenir un autre
Fruit bien portant
Le secret celé à l’intérieur de la graine
Devient mon besoin, et ainsi,
Je me réduis au néant
À l’intérieur de la graine.

Au début il fait froid,
Je frissonne,
Plus tard arrive une touche de vérité,
Un ferment dans les ténèbres,
Et enfin une lumière qui agace.

Pour l’heure c’est assez
Que je sois libre
D’être le Moi en qui je suis,
Qui n’est pas Quelqu’un —
Pas, en tout cas,
L’ego mortel,
Mais l’oeil de l’oeil
Qui s’efforce de voir

(Nissim Ezekiel) (1924-2004)

Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard

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