Entre mer et montagne
la ville établie dans les palmiers et le plaisir de durer.
Tout un commerce amoureux de choses vraies, malgré l’inconvenance de la misère.
Pluie ou soleil, les comités de manguiers délibèrent entourés du respect de tous.
Près du marché aux esclaves
j’ai froissé de l’index la lingerie fine de ton sourire.
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Et la rose que vous offrirent ce matin
Des doigts fins de damoiseau tendrement
Aura ce soir froissé ses habits de satin;
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment
Et ne laisse qu’un souvenir lointain.
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment,
Mignonne, ayez-en plus souci;
Ne renvoyez pas vos princes charmants
Avec une larme au bout de leurs cils;
Plaisir d’amour ne dure qu’un moment :
Chagrin d’amour aussi.
Quand je parle à ton coeur, que la vie a froissé
En cette fin de jour où le bonheur s’effeuille
Je voudrais que les mots au soyeux de ma feuille
Brodent l’or de tes yeux de rêves enlacés.
Quand je parle à ton coeur, aux soirs de confidences
Où dansent les reflets que filtre l’abat-jour
Renaît dans ton regard où s’éveille l’amour
Une aube de lumière en sa magnificence.
Quand je parle à ton coeur, qu’un doute effleure encor
Ecoute les échos, au chant de mes – je t’aime -.
Dans le lit de la nuit où éclôt mon poème
Chaque vers est musique au clavier de ton corps.
Le soleil a passé toute la nuit chez les morts depuis que je l’attends, assise sur mon lit, lasse d’avoir veillé.
La mèche de la lampe épuisée a brûlé jusqu’à la fin.
Elle ne viendra plus : voici la dernière étoile. Je sais bien qu’elle ne viendra plus.
Je sais même le nom que je hais. Et cependant j’attends encore.
Qu’elle vienne maintenant ! Oui, qu’elle vienne, la chevelure défaite et sans roses,
la robe souillée, tachée, froissée, la langue sèche et les paupières noires!
Dès qu’elle ouvrira la porte, je lui dirai… mais la voici…
C’est sa robe que je touche, ses mains, ses cheveux, sa peau!
Je l’embrasse d’une bouche éperdue, et je pleure.
(Pierre Louÿs)
Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard
La nuit vient sous le Pont aux Trembles
je me souviens d’une phrase que quelqu’un disait :
il faut faire son deuil
Le deuil que je fais est tout fripé
J’ai beau m’appliquer
je ne sais pas faire mieux que cela
une chose froissée roulée en boule
que j’essaie en vain de cacher sous mon lit
Des nuits à se tordre
et des matins froissés
je croise en songe
la folie et les morts
quand arriverai-je
à te sauver
enfin.
Des nuits à se tordre
dans la soif et le sel
souvenirs
d’une mer disparue.
Dans mes poumons serrés
un nuage de trop
cache ce ciel
que j’ai presque oublié.
Une nuit à se tordre
un matin près de toi
entre nous
la douleur
comme ultime partage.
Plus tard le ciel déchiré de cris
plus tard les enfants nus
plus tard les bruits légers des belles rencontres
plus tard les poignets cernés par l’amour
plus tard la pitié des affamés
plus tard le livre comme un oiseau blanc
plus tard le culte des innocents
beaucoup plus tard
au moment de la grande clarté
au moment de la grande éclipse
les éclats de lune répandus par le soleil
et les traits de plumes sur les murs froissés
traits rouges rapides cruels
et plume d’hirondelle
immobile au sommet des taudis
pour entretenir le bleu des toiles
pour supporter le toit absent
longues absences d’autrefois
d’aujourd’hui et de toujours
beaucoup plus tard
le ciel déchiré de cris
déchiré comme une aile.
Elle s’approche du soir, lentement,
un camélia blanc sur l’épaule accroché.
Bruits de soie noire, plis sous les branchages,
dans l’ombre calme et du cercle entier de la nuit,
tandis que sur le visage et le flux des miroirs,
court le parfum fidèle, froissé, des sels dorés.
Errance de ce visage, clair et ardent,
qui, à travers l’orage inespéré d’août,
éclaire, et fait l’obscurité plus douce.
Elle peut passer, se couvrir d’ombre.
Qu’importe !
Elle a sur sa robe et dans ses doigts,
les clartés célestes pour refleurir,
plus haut, après la nuit.
(Julie Delaloye)
Recueil: Dans un ciel de février
Traduction:
Editions: Cheyne