Un petit soupir
A frôlé ma tempe
Un soupir jeune encore
Venu de loin
Malgré la colère du vent
Malgré le fracas des ferrailles
Perçant l’épaisseur de la terre
Bravant l’inimitable silence de la mort
Il est venu vers moi
Le dernier soupir
D’une rose
A tous mes loupés, mes ratés, mes vrais soleils
Tous les chemins qui me sont passés à côté
A tous mes bateaux manqués, mes mauvais sommeils
A tous ceux que je n’ai pas été
Aux malentendus, aux mensonges, à nos silences
A tous ces moments que j’avais cru partager
Aux phrases qu’on dit trop vite et sans qu’on les pense
A celles que je n’ai pas osées
A nos actes manqués
Aux années perdues à tenter de ressembler
A tous les murs que je n’aurais pas su briser
A tout c’que j’ai pas vu tout près, juste à côté
Tout c’que j’aurais mieux fait d’ignorer
Au monde, à ses douleurs qui ne me touchent plus
Aux notes, aux solos que je n’ai pas inventés
Tous ces mots que d’autres ont fait rimer et qui me tuent
Comme autant d’enfants jamais portés
A nos actes manqués
Aux amours échouées de s’être trop aimé
Visages et dentelles croisés justes frôlés
Aux trahisons que j’ai pas vraiment regrettées
Aux vivants qu’il aurait fallu tuer
A tout ce qui nous arrive enfin, mais trop tard
A tous les masques qu’il aura fallu porter
A nos faiblesses, à nos oublis, nos désespoirs
Aux peurs impossibles à échanger
Un con qui téléphone sans tenir son volant
Un autre en 205 qui fait n’importe quoi
Une fille qui déboite, comme ça, sans clignotant
Un taxi fatigué qui rentre à Levallois
Deux blacks sapés la frime dans leur Opel Manta,
Une dame en chapeau qui traîne en japonaise
Un cadre la trentaine dans une Laguna
Trois rappeurs en casquette, plaque 93
Un maçon portugais dans son Renault Express
Une Mercedes noire, une vieille DS
Des camions sur deux files, une bagnole de flics
Toutes ces vies frôlées sur le périphérique
Étranges étrangers aux étranges bonheurs
Et toi tout endormi dans mon rétroviseur.
(Hervé Le Tellier)
Recueil: Zindien
Traduction:
Editions: Le Castor Astral
Chaque fois comme la dernière…
Dentelle des fougères
enlaçant le buis
dont chaque feuille s’emplit
de la lumière
de ce nouveau jour.
Trilles des oiseaux
célébrant le beau.
Fourmi de passage
et son ombre longue
sur la table où j’écris.
Trois pigeons sur un fil
comme une balançoire.
Bruissement dans les feuilles roussies
d’un compagnon minuscule.
Rouge ardent du géranium
aux feuilles de velours
maintenant devenu arbre.
Branche d’olivier frôlée,
coquelicots dans l’herbe séchée,
oranges amères tombées,
haie d’honneur des mimosas…
Tout ici
me dit
« Ne pars pas ! ».