Une petite fille bien sage
l’a apporté dans un panier
avec le pain et le fromage;
il n’est ni trop froid ni trop chaud
il est tout juste comme il faut.
Les hommes et les femmes sont assis en rond,
chacun sa tasse à la main; ils parlent
du temps qu’il fait, de la moisson
qui va venir, et des ouvrages
qui changent selon les saisons,
mais sont toujours aussi pressants,
si bien qu’on n’a jamais le temps…
Le temps de quoi?… on se demande.
Un oiseau bouge dans les branches, les
sauterelles craquent dans le foin…
Oui, le temps de quoi?… Et on se regarde.
Mais, dès qu’on a vidé sa tasse, dès
qu’on a mangé à sa faim: «Est-ce
qu’on y va?… » Vous voyez bien: on
n’a jamais le temps de rien.
(Charles-Ferdinand Ramuz)
Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite
Le renard du corbeau loua tant le ramage,
Et trouva que sa voix avait un son si beau,
Qu’enfin il fit chanter le malheureux corbeau,
Qui de son bec ouvert laissa cheoir un fromage.
Ce corbeau qui transporte une vanité folle,
S’aveugle et ne s’aperçoit point
Que pour mieux le duper, un flatteur le cajole :
Hommes, qui d’entre vous n’est corbeau sur ce point.
Les armaillis des Colombettes
De bon matin se sont levés.
2
Quand ils sont arrivés aux Basses-Eaux
Le chancre me ronge! Ils n’ont pu passer.
3
Pauvre Pierre, que faisons-nous ici?
Nous ne sommes pas mal embourbés
4
Il te faut aller frapper à la porte,
A la porte du curé.
5
Que voulez-vous que je lui dise
A notre brave curé.
6
Il faut qu’il dise une messe
Pour que nous puissions passer
7
Il est allé frapper à la porte
Et il a dit ceci au curé:
8
Il faut que vous disiez une messe
Pour que nous puissions passer
9
Le curé lui fit sa réponse:
Pauvre frère, si tu veux passer
10
Il te faut me donner un petit fromage
Mais sans écrémer le lait.
11
Envoyez-nous votre servante
Nous lui ferons un bon fromage gras.
12
Ma servante est trop jolie
Vous pourriez bien la garder
13
N’ayez pas peur, notre curé
Nous n’en sommes pas si affamés
14
De trop « moler » votre servante
Il faudra bien nous confesser
15
De prendre le bien de l’Eglise
Nous ne serions pas pardonnés
16
Retourne-t’en, mon pauvre Pierre
Je dirai pour vous un Ave Maria.
17
Beaucoup de biens et de fromages vous souhaite
Mais venez souvent me trouver.
18
Pierre revient aux Basses-Eaux
Et tout le train a pu passer
19
Ils ont mis le kio à la chaudière
Avant d’avoir à moitié trait
REFRAIN
1-3-5-7-9-11-13-15-17-19: Lyôba (appel des vaches) pour traire (bis).
Venez toutes, les blanches, les noires,
les rouges, les étoilés sur la tête les jeunes, les autres,
Sous ce chêne où je vous traie,
sous ce tremble où je fabrique le fromage, Lyôba, lyôba, pour la traite (bis).
***
Lè j’armayi di Kolonbètè
TITRE DU CHANT EN FRANCAIS:
Le Ranz des Vaches
1
Lè j’armayi di Kolonbètè
Dè bon matin chè chon lèvâ.
2
Kan chon vinyê i Bachè j’Ivouè
Tsankro lo mè! n’an pu pachâ.
3
Tyè fan no ché mon pouro Piéro?
No no chin pâ mô l’inrinbyâ.
4
Tè fô alâ fiêr a la pouârta,
A la pouârta dè l’inkourâ.
5
Tyè voli vo ke li dyécho?
A nouthron brâvo l’inkourâ.
6
I fô ke dyéchè ouna mècha
Po ke no l’y pouéchan pachâ.
7
L’y è j’elâ fiêr a la pouârta
È l’a de dinche a l’inkourâ:
8
I fô ke vo dyécho ouna mècha
Po ke no l’y puéchan pachâ.
9
L’inkourâ li fâ la rèponcha:
Pouro frârè che te vou pachâ,
10
Tè fô mè bayi ouna motèta
Ma ne tè fô pâ l’èhyorâ.
11
Invouyi no vouthra chèrvinta
No li farin on bon pri grâ.
12
Ma chèrvinta l’è tru galéja
Vo porâ bin la vo vouêrdâ.
13
N’ôchi pâ pouêre, nouthron prithre,
No n’in chin pâ tan afamâ.
14
Dè tru molâ* vouthra chèrvinta
Fudrè èpè no konfèchâ.
15
Dè prindre le bin dè l’èlyije
No ne cherin pâ pèrdenâ.
16
Rètouârna t’in mou pouro Piéro
Deri por vo on’Avé Maria.
17
Prou bin, prou pri i vo chouèto
Ma vinyi mè chovin trovâ.
18
Piéro rèvin i Bâchè j’Ivouè
È to le trin l’a pu pachâ.
19
L’y an mè le kiô a la tsoudêre
Ke n’avan pâ la mityi aryâ.
Redzingon
1-3-5-7-9-11-13-15-17-19: Lyôba, lyôba, por aryâ (bis). Vinyidè totè, byantsè, nêre, Rodzè, mothêlè, dzouvenè ôtrè,
Dèjo chti tsâno, yô vo j’âryo, Dèjo chti trinbyo, yô i trintso, Lyôba, lyôba, por aryâ (bis).
Un parapluie, une poire sur la table.
Et le personnage ici présent doit être le silence.
Mais ce morceau de fromage veut encore confirmer ce silence.
Eh bien, c’est trop.
Quand il est question de silence,
il ne faut pas le crier si haut ni le répéter avec du fromage.
Une souris affamée allait droit devant elle au bord du caniveau.
Au lieu de fromage, on mit une église sur son chemin.
Elle y entra non par humilité, mais par hasard.
Elle fit tout ce qu’il fallait: elle rampa jusqu’à la croix,
s’inclina devant les autels, dormit sur un banc.
Nul grain de manne ne lui tomba du ciel.
Dieu s’occupait alors de calmer les océans.
(Herbert Zbigniew)
Recueil: Corde de lumières oeuvres poétiques complètes
Traduction: Brigitte Gautier
Editions: LE BRUIT DU TEMPS