Posts Tagged ‘(Gabriela Mistral)’
Posted by arbrealettres sur 27 février 2023

Illustration: Marianne Clouzot
COLLÉ CONTRE MOI
Petit duvet de ma chair,
Que j’ai tissé dans mes entrailles,
Petit duvet frileux,
Dors collé contre moi!
La perdrix dort dans le trèfle.
Que mon souffle qui bat
Ne te trouble pas.
Dors collé contre moi!
Petite herbe tremblante,
Tout étonnée de vivre,
Ne lâche pas mon sein.
Dors collé contre moi!
Moi qui ai tout perdu, je tremble
Maintenant de m’endormir.
Ne glisse pas de mon bras.
Dors collé contre moi!
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted in poésie | Tagué: (Gabriela Mistral), étonner, battre, bras, chair, coller, dormir, duvet, entrailles, frileux, glisser, herbe, lâcher, maintenant, moi, perdre, petit, sein, souffle, tisser, trèfle, trembler, troubler, vivre | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Illustration: Marc Chagall
JOUR
Jour, jour de notre rencontre,
temps nommé Épiphanie;
jour si fort qui vins, couleur
de moelle et de plein midi,
sans frénésie à nos pouls
tout tumulte et agonie,
tranquille comme le lait
des vaches portant sonnailles!
Jour à nous, par quel chemin,
forme sans pieds,
vint-il? Nous n’avons pas su,
n’avons pas veillé; nul signe
ne l’annonçait; nous n’avons pas
sifflé sur les collines;
il s’en venait en silence!
Tous les jours semblaient pareils;
tout à coup mûrit un Jour.
Jour pareil aux autres jours,
comme sont pareils roseaux
et sont pareilles olives
et pourtant, comme Joseph,
ne ressemblait pas à ses frères.
Ayons pour lui un sourire
parmi tous les autres jours
et qu’il les dépasse tous,
comme boeuf de grande taille
et le char devant les gerbes.
Béni soit-il des saisons,
que Nord et Sud le bénissent,
que son père l’an le choisisse
pour en faire mât de vie.
Ni rivière, ni pays,
ni métal; ce n’est qu’un Jour,
Parmi les jours des poulies,
des gréements, des blés sur l’aire,
parmi engins et besognes,
nul ne le voit, ni le nomme.
Fêtons-le et nommons-le,
en grâces à qui l’a fait
et gratitude de sol
et gratitude de l’air,
pour sa rivière d’eau vive
avant qu’il ne tombe en cendre,
en poudre de chaux moulue
et vers l’éternel déverse
son apparence de merveille.
Cousons-le à notre chair,
à nos coeurs et nos genoux
et que nos mains le pétrissent
et que nos yeux le distinguent,
qu’il brille pour nous de nuit
et nous fortifie de jour,
tels cordages pour les voiles,
tels points pour les blessures.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted in poésie | Tagué: (Gabriela Mistral), agonie, air, an, annoncer, apparence, éphiphanie, éternel, bénir, besogne, blé, blessure, boeuf, briller, cendre, chair, char, chaux, chemin, choisir, coeur, colline, cordage, coudre, couleur, dépasser, déverser, distinguer, eau, engin, fêter, forme, fort, fortifier, frère, frénésie, genoux, gerbe, gratitude, grâce, gréement, jour, lait, main, mât, métal, mûrir, merveille, midi, moelle, moulu, nommer, nuit, olive, pareil, pays, père, pétrir, pied, point, porter, poudre, poulie, pouls, rencontre, ressembler, rivière, roseau, saison, savoir, sembler, siffler, signe, silence, sol, sonnailles, sourire, taille, temps, tomber, tranquille, tumulte, vache, veiller, venir, vie, vif, voile, voir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Gabriela Mistral
CHOSES
A Max Daireaux.
J’aime les choses jamais eues,
avec celles que je n’ai plus.
Je palpe une eau silencieuse,
étale sur des prés frileux,
frissonnant sans la moindre brise,
dans un clos qui fut mon enclos.
Je la vois comme la voyais,
une étrange pensée me vient
et je joue, lente, avec cette eau,
comme avec poisson ou mystère.
Je pense au lieu où j’ai laissé
des pas joyeux que je n’ai plus
et sur le seuil, vois une plaie,
pleine de mousse et de silence.
Je cherche un vers que j’ai perdu
et que m’avait dit à sept ans
une femme faisant le pain,
dont je vois la bouche bénie.
Un parfum défait en rafales
m’apporte bonheur quand il vient,
si ténu qu’il n’est pas parfum,
et c’est l’odeur des amandiers.
Il redonne enfance à mes sens,
je lui cherche un nom et ne trouve
et flaire l’air et les villages,
en quête d’amandiers absents.
J’entends tout près une rivière;
je l’entends depuis quarante ans :
c’est le murmure de mon sang,
ou quelque rythme à moi donné;
ou bien l’Elqui de mon enfance,
que je remonte et passe à gué,
jamais perdu, coeur contre coeur,
nous allons comme deux enfants.
Lorsque je rêve de mes Andes,
j’avance par des défilés
où me parvient un sifflement,
presque une conjuration.
Je vois à ras de Pacifique
mon archipel violet sombre,
avec l’île qui m’a laissé
une âcre odeur d’alcyon mort.
Un dos, un dos grave et paisible
au bout du rêve que je fais
marque la fin de mon chemin;
je m’y repose quand j’arrive.
Tronc d’arbre mort ou bien mon père
est ce vague dos couleur cendre;
je ne l’interroge ni trouble,
je me couche à côté et dors.
J’aime une pierre d’Oaxaca
ou Guatemala; j’en approche;
fixe et rouge, elle me ressemble;
la crevasse en expire un souffle.
Dans son sommeil, je la vois nue,
et ne sais pourquoi la retourne.
Je ne l’ai pas eue peut-être :
c’est mon sépulcre que je vois.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted in poésie | Tagué: (Gabriela Mistral), absent, aimer, air, alcyon, aller, amandier, approcher, arbre, archipel, arriver, avancer, avoir, âcre, étaler, étrange, béni, bonheur, bouche, brise, chemin, chercher, chose, clos, coeur, conjuration, crevasse, défaire, défilé, donner, dos, eau, enclos, enfance, enfant, entendre, expirer, faire, femme, fice, fin, flairer, frileux, frissonner, grave, gué, jamais, jouer, joyeux, lent, lieu, mort, mousse, murmuré, mystère, nom, nu, odeur, pacifique, pain, paisible, palper, parfum, parvenir, pas, passer, père, pensée, penser, perdre, perdu, pierre, plaie, plein, poisson, pourquoi, pré, quête, rafale, ras, rêve, rêver, redonner, remonter, reposer, ressembler, retourner, rivière, rouge, rythme, sang, sépulcre, se coucher, sens, seuil, sifflement, silence, silencieux, sombre, sommeil, souffle, ténu, tronc, trouver, vague, venir, vers, village, violet, voir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 février 2023
Illustration: Marianne Clouzot
ENFANT MEXICAIN
Me voici où je ne suis pas,
sur l’Anahuac argenté,
à sa lumière sans pareille
peignant un enfant de mes mains.
On le dirait, sur mes genoux,
une flèche de l’arc tombée
et que j’aiguise et que j’effile
en le berçant et chantonnant.
Dans un air si vieux et si jeune,
toujours il me semble trouvaille
et je le tourne et le retourne
avec le refrain que je chante.
Ses yeux d’un noir-bleu me regardent
d’un regard de vie éternelle
et comme d’un geste éternel,
moi, je le peigne de mes mains.
Sa nuque et ses bras sont coulée
de résines de pin ocote;
il est lourd et il est léger
d’être la flèche sans son arc…
Moi, je le nourris de mon rythme,
lui me nourrit de quelque baume,
qui est le baume des mayas
dont mes yeux n’ont pas eu la joie.
Je joue avec sa chevelure
que je sépare et que je lisse
et, dans ses cheveux, je retiens
les mayas en dispersion.
Voilà douze ans que j’ai quitté
mon petit enfant mexicain;
mais, dans la veille ou le sommeil,
je le peigne encor de mes mains…
C’est là une maternité
qui ne lasse pas mes genoux,
c’est une extase libérée
à jamais par moi de la mort.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Richesse
J’ai le bonheur fidèle
et le bonheur perdu,
j’ai l’un comme la rose,
l’autre comme l’épine.
De ce qu’on m’a ôté,
ne suis dépossédée :
j’ai le bonheur fidèle
et le bonheur perdu
et suis riche de pourpre
et de mélancolie.
Ah! bien-aimante rose!
Ah! bien-aimée épine!
Tel le double contour
de deux beaux fruits jumeaux,
j’ai le bonheur fidèle
et le bonheur perdu…
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Illustration: Marianne Clouzot
LAMENTO
Tout prend, dans ma bouche,
un goût persistant de larmes :
le pain de chaque jour, le chant
et jusqu’à la prière.
Je n’ai point d’autre office,
après celui de t’aimer en silence,
que cet office de larmes, dur,
que tu m’as laissé.
Yeux gonflés
de chaudes larmes!
Bouche triste et tremblante
où tout devient prière!
J’ai honte de vivre
dans cette lâcheté,
sans aller à ta recherche
ni réussir à t’oublier!
Un remords me fait saigner
de voir un ciel
que ne voient plus tes yeux,
de caresser des roses
nourries de tes os!
Chair misérable,
pulpe piteuse, accablée de lassitude
qui ne descend pas dormir à ton côté,
mais s’accroche, tremblante,
au sein impur de la vie!
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

CEUX QUI NE DANSENT PAS
La petite infirme
dit : « Comment danser ? »
Nous lui répondons :
« Fais danser ton coeur. »
Et l’estropiée
dit : « Comment chanter? »
Nous lui répondons :
« Fais chanter ton coeur. »
Le chardon sec dit :
« Comment danserai-je ? »
— En faisant au vent
s’envoler ton coeur.
Dieu dans la hauteur
dit : « Comment descendre ? »
— Descends en lumière
danser avec nous.
Toute la vallée
n’est que vaste ronde
et celui qui manque,
son coeur devient cendre.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Illustration: Cyril Leysin
LA RONDE
Où déviderons-nous la ronde ?
La ferons-nous sur le rivage?
La mer dansant de tous ses flots
y tressera fleurs d’oranger.
La ferons-nous au pied des monts?
La montagne nous répondra :
ce sera comme si les pierres
se mettaient toutes à chanter.
La ferons-nous dans la forêt?
Elle va mêler toutes voix
et les chants d’enfants et d’oiseaux
vont se confondre dans le vent.
Notre ronde sera sans fin :
nous la ferons dans la forêt,
nous la ferons au pied des monts
et sur tous les bords de la mer.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted by arbrealettres sur 26 février 2023

Illustration: Pablo Picasso
DONNE-MOI TA MAIN
Donne-moi ta main
et nous danserons;
donne-moi ta main
et tu m’aimeras.
Nous serons ainsi
qu’une seule fleur,
ainsi qu’une fleur,
une fleur, c’est tout.
C’est le même chant
que nous chanterons;
c’est le même pas
que nous danserons.
Comme un seul épi
nous ondulerons,
comme un seul épi
un épi, c’est tout.
Tu t’appelles Rose
et moi Espérance,
mais nous oublierons
ton nom et le mien.
Et sur la colline
nous ne serons plus
qu’une unique danse,
unique, c’est tout.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted by arbrealettres sur 26 février 2023
Illustration: Marianne Clouzot
L’ENFANT SEUL
A Sara Hubner.
Entendant pleurer, je m’arrêtai sur le chemin en pente
et m’approchai jusqu’à la porte de la cabane.
Un enfant aux yeux de douceur me regarda de son lit
et une immense tendresse m’enivra comme vin!
Sa mère s’attardait, courbée sur le chaume;
l’enfant, à son réveil, avait cherché le sein
et s’était mis à pleurer. Je le pris dans mes bras
et une berceuse monta, tremblante, jusqu’à mes lèvres.
Par la fenêtre ouverte, la lune regardait.
L’enfant s’était rendormi et la chanson baignait
comme d’un autre éclat, mon sein riche de son faix.
Et lorsque la femme tremblante ouvrit la porte,
elle dut voir sur mon visage un bonheur si vrai
qu’elle laissa dans mes bras l’enfant endormi.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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Posted in poésie | Tagué: (Gabriela Mistral), éclat, baigner, berceuse, bonheur, bras, cabane, chanson, chaume, chemin, chercher, courber, douceur, endormi, enfant, enivrer, entendre, faix, femme, fenêtre, immense, laisser, lèvres, lit, lune, mère, monter, ouvert, ouvrir, pente, pleurer, porte, prendre, réveil, regarder, riche, s'approcher, s'arrêter, s'attarder, se rendormir, sein, seul, tendresse, tremblant, trembler, vin, visage, voir, yeux | Leave a Comment »
CEUX QUI NE DANSENT PAS (Gabriela Mistral)
Posted by arbrealettres sur 26 février 2023
CEUX QUI NE DANSENT PAS
La petite infirme
dit : « Comment danser ? »
Nous lui répondons :
« Fais danser ton coeur. »
Et l’estropiée
dit : « Comment chanter? »
Nous lui répondons :
« Fais chanter ton coeur. »
Le chardon sec dit :
« Comment danserai-je ? »
— En faisant au vent
s’envoler ton coeur.
Dieu dans la hauteur
dit : « Comment descendre ? »
— Descends en lumière
danser avec nous.
Toute la vallée
n’est que vaste ronde
et celui qui manque,
son coeur devient cendre.
(Gabriela Mistral)
Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi
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