Un homme couvert de poussière
assis sur un trottoir
regarde au loin.
Sur ses genoux
un bébé d’une pâleur lumineuse
remue ses bras, ses mains,
en buvant
un biberon que l’homme porte à sa bouche.
Derrière eux
un jeune garçon
serre contre sa poitrine
un sac de pain
en regardant lui aussi au loin.
Dans un autre coin de la scène
deux silhouettes:
un enfant assis contre la porte
d’une maison détruite.
Une femme agenouillée devant lui,
essaie de calmer sa terreur.
Ce n’est pa une scène de western:
c’est une famille
en Syrie aujourd’hui.
(Maram al-Masri)
Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey
Quelqu’un, dit l’enfant
Pourrait m’ouvrir?
Quelque chose est là.
Pas loin, à côté.
Qui voudra m’ouvrir
Cette porte?
Qui voudra?
LA BÊTE
Une bête vint le chercher.
Il eut moins peur que de rester.
Ils eurent la porte à passer.
La porte en plus de la nuit.
Le garçon ferma les yeux.
Les mots ne parlèrent plus.
Quelque chose sur la route
Les prit alors en pitié.
(Mohammed Dib)
Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard
J’aurai beaucoup trop chaud peut-être
Il fera sombre, que m’importe
Je n’ouvrirai pas la fenêtre
Et laisserai fermée ma porte
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Votre parfum Sur L’oreiller
Laissez-moi deviner
Ces subtiles odeurs
Et promener mon nez
Parfait inquisiteur
Il y a des fleurs en vous
Que je ne connais pas
Et que gardent jaloux
Les replis de mes draps
Oh, la si fragile prison!
Il suffirait d’un peu de vent
Pour que les chères émanations
Quittent ma vie et mon divan
Tenez, voici, j’ai découvert
Dissimulées sous l’évidence
De votre Chanel ordinaire
De plus secrètes fulgurances
Il me faudrait les retenir
Pour donner corps à l’éphémère
Recomposer votre élixir
Pour en habiller mes chimères
Sans doute il y eut des rois
Pour vous fêter enfant
En vous disant « Reçois
Et la myrrhe et l’encens »
Les fées de la légende
Penchées sur le berceau
Ont fleuri de lavande
Vos yeux et votre peau
J’ai deviné tous vos effets
Ici l’empreinte du jasmin
Par là la trace de l’oeillet
Et là le soupçon de benjoin
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l’essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L’enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c’est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L’amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L’été sous la charmille
Et l’hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Pour retrouver dans mon soulier
Ma mandarine de Noël
Voici qu’au milieu des bouquets
De douces fleurs et de bonbons
S’offre à mon nez soudain inquiet
Une troublante exhalaison
C’est l’odeur animale
De l’humaine condition
De la sueur et du sale
Et du mauvais coton
Et voici qu’ils affleurent
L’effluve du trépas
L’odeur d’un corps qui meurt
Entre ses derniers draps
Avant que le Temps souverain
Et sa cruelle taquinerie
N’emportent votre amour ou le mien
Vers d’autres cieux ou d’autres lits
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Toute votre âme Sur L’oreiller
(Juliette)
Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON
Friandise
est un mot
qui ressemble
comme deux gouttes d’eau
à un sandwich
de noix et de figue sèche
ou rubis et diamant
quand j’étais petite
et heureuse
quand je frisais dans les feuillages
quand je grimpais aux arbres
quand je courais dans les buis
quand les vieux
de plus de quarante
me fichaient la paix
quand les grands garçons gentils
m’enlaçaient
quand je cueillais des fraises
avec ma bouche
Friandise, friandise,
burnous de velours brodé
grand garçon qui me suivait dans la rue
et me chantait doucement
des chansons d’amour
qu’on entendait à la radio
quand j’allais au cinéma
voir des chaussons rouges
manger des esquimaux
et mon père
va chercher mon père
mon père
les crêpes de ma grand-mère
Friandise
la petite bague algérienne
de ma grande amie
argent et corail
Friandise
et nos baisers d’amour fougueux
Friandise
syncope exquise
(Brigitte Fontaine)
Recueil: Vers luisants
Traduction:
Editions: Le Tripode
Les enfants de mon voisin
Ont hier reçu leurs étrennes
Ils sont quatre; c’est certain,
Et chacun n’a pas les siennes.
Et voici Jean qui se plaint !
Car chacun n’a pas les siennes.
— « Un tambour, rien qu’un tambour,
Pour deux garçons ! Comment faire? »
— « On peut en jouer, mon frère,
En jouer chacun son tour »,
Répond Jeannette à son frère.
– « Une poupée, ah ! fameux,
Pour deux filles ! Comment faire?.»
— « On peut y jouer, mon frère;
Y jouer fort bien à deux »,
Répond Jeannette à son frère.
Les enfants de mon voisin
Ont hier reçu leurs étrennes.
Ils sont quatre, c’est certain,
Et chacun n’a pas les siennes.
Mais personne ne se plaint,
Car chacun prête les siennes.
(Henriette-Suzanne Brès)
Recueil: Mon premier Livre de Récitation
Traduction:
Editions: Prieur et compagnie
Sur la route de Louviers (bis)
Y avait un cantonnier (bis)
Et qui cassait (bis)
Des tas d’cailloux (bis)
Et qui cassait des tas d’cailloux
Pour mettre sur l’passage des roues.
Un’ belle dam’ vint à passer (bis)
Dans un beau carrosse doré (bis)
Et qui lui dit (bis)
« Pauv’ cantonnier » (bis)
Et qui lui dit « pauv’ cantonnier
Tu fais un foutu métier »
Le cantonnier lui réponds (bis)
« Faut qu’ j’ nourrissions nos garçons (bis)
Car si j’ roulions (bis)
Carrosse comme vous (bis)
Car si j’ roulions carrosse comme vous
Je n’ casserions point d’ cailloux »!
Cette réponse s’ fait remarquer (bis)
Par sa grande simplicité (bis)
C’est c’ qui prouve que (bis)
Les malheureux (bis)
C’est c’ qui prouve que les malheureux
S’ils le sont c’est malgré eux !
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Jeanneton prend sa faucille
La rirette, la rirette
Jeanneton prend sa faucille
Pour aller couper les joncs
Pour aller couper les joncs
En chemin elle rencontre
La rirette, la rirette
En chemin elle rencontre
Quatre jeunes et beaux garçons
Quatre jeunes et beaux garçons
Le premier, le plus timide
La rirette, la rirette
Le premier, le plus timide
Lui caressa le menton
Lui caressa le menton
Le deuxième, un peu moins sage
La rirette, la rirette
Le deuxième, un peu moins sage
L’entraîna dans les buissons
L’entraîna dans les buissons
Le troisième encore moins sage
La rirette, la rirette
Le troisième encore moins sage
Lui souleva son jupon
Lui souleva son jupon
Ce qui fit le quatrième
La rirette, la rirette
Ce qui fit le quatrième
N’est pas dit dans ma chanson
N’est pas dit dans ma chanson
La morale de cette histoire
La rirette, la rirette
La morale de cette histoire
C’est qu’les hommes sont des cochons
C’est qu’les hommes sont des cochons
Ouais mais c’est pas fini parce que:
La morale de cette morale
La rirette, la rirette
La morale de cette morale
C’est qu’les femmes aiment les cochons
C’est qu’les femmes aiment les cochons
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette