Brusquement,
un jour d’été,
les démons ôteront leur masque et,
désignant vingt millions de cadavres alignés,
éclateront de rire:
« Hein! quelle bonne farce! »
Aussitôt les vrais hommes
remonteront au grand jour.
Même ceux qui sont morts.
Ils parleront droit et juste,
à haute voix.
Alors il y aura de nouveau
des arbres, des pierres, des fleuves.
Tu longeras un mur:
il te répondra gentiment.
Tu prendras une branche, elle te dira:
« Je t’aime »,
tu pourras la serrer sur ton coeur.
Même si je possédais
Les sept sortes de trésors
Que les gens de ce monde
Prisent tant,
Quel usage
En ferais-je ?
Né
De nous deux,
Mon fils Furui
Telle une perle blanche,
A l’aube radieuse
Où brille l’étoile du matin,
Sans quitter notre couche
De fine étoffe étendue,
Debout
Ou assis,
Folâtrait
Avec nous.
Quand l’étoile du soir
Ramenait la nuit :
» Allons nous coucher »
Disait-il en prenant ma main,
Père, mère,
Restez près de moi
Entre vous je veux dormir
Comme le brin médian de l’herbe saki.
Gentiment
Il parlait ainsi,
J’aurais voulu voir et quels maux
Et quels bonheurs lui étaient réservés
Quand un jour,
Il serait devenu un homme.
J’étais confiant et plein d’espoir
Ainsi qu’on est dans une grande barque.
Imprévu,
Un vent venu par le travers
A soufflé violemment
Sur nos têtes.
Ne sachant que faire,
Confondu,
J’ai fixé
Mes relève-manches de blanche étoffe,
Un clair miroir
J’ai pris en main.
Vers les dieux du ciel
Levant les yeux je n’ai fait qu’implorer.
Devant les dieux de la terre
Je me suis prosterné, front contre terre.
je me suis soumis à la volonté
Des dieux du ciel et de la terre;
Qu’ils m’exaucent
Ou ne m’écoutent pas.
Affolé
Je les suppliais.
Mais, même pour un peu de temps
Il n’y eut pas de mieux.
Peu à peu
Son corps s’est émacié,
Matin après matin,
Les mots se sont arrêtés sur ses lèvres.
De son âme à l’existence limitée
La vie s’est interrompue.
J’ai bondi,
Trépigné, crié,
Tombant à terre j’ai regardé vers le ciel
Et j’ai sangloté
j’ai laissé s’envoler mon fils
Que je gardais dans mes bras
Telle est la voie de ce monde.
***
Si jeune il est
Qu’il ne connaît pas la route :
Voici pour toi,
Messager venu d’en bas.
Sur ton dos, fais-le passer!
***
Faisant offrande d’une étoffe
Je prie et implore les dieux.
Sans le laisser errer
Conduisez-le tout droit,
Enseignez-lui le chemin du ciel!
Doux est le regard de la jeune fille qui te fait signe,
Doux le regard du buveur au moment où il va boire,
Et le salut du seigneur qui pourrait commander,
Et le rayon du soleil d’automne qui nous réchauffe.
Mais plus doux que tout cela garde
Toujours présent à tes yeux, comment, vers un modeste don,
S’allonge si gentiment une main indigente,
Recevant avec une gracieuse reconnaissance ce que tu lui tends.
Quel regard ! Quel salut ! Quel désir éloquent !
Regarde-le bien, et tu donneras toujours.
(Johann Wolfgang Von Goethe)
Recueil: Goethe Le Divan
Traduction: Henri Lichtenberger
Editions: Gallimard
Une fourmi fait l’ascension
d’une herbe flexible
elle ne se rend pas compte
de la difficulté de son entreprise
elle s’obstine la pauvrette
dans son dessein délirant
pour elle c’est un Everest
pour elle c’est un Mont Blanc
ce qui devait arriver arrive
elle choit pafatratement
une cigale la reçoit
dans ses bras bien gentiment
eh dit-elle point n’est la saison
des sports alpinistes
(vous ne vous êtes pas fait mal j’espère ?)
et maintenant dansons dansons
une bourrée ou la matchiche
Lou tu es ma rose
Ton derrière merveilleux n’est-ce pas la plus belle rose
Tes seins tes seins chéris ne sont-ce pas des roses
Et les roses ne sont-ce pas de jolis ptits Lous
Que l’on fouette comme la brise
Fustige les fesses des roses dans le jardin
Abandonné
Lou ma rose ou plutôt mes roses
Tu m’as envoyé des feuilles de rose
O petite déesse
Tu crées les roses
Et tu fais les feuilles de roses
Roses
Petites femmes à poil qui se baladent
Gentiment
Elles se balancent en robe de satin
Sur des escarpolettes
Elles chantent le plus beau parfum le plus fort le plus doux
Lou ma rose ô ma perfection je t’aime
Et c’est avec joie que je risque de me piquer
En faveur de ta beauté
Je t’aime je t’adore je mordille tes feuilles de rose
Rose reine des fleurs Lou reine des femmes
Je te porte au bout des doigts ô Lou ô rose
Au bout des doigts en te faisant menotte
Jusqu’à ce que tu t’évanouisses
Comme s’évanouit le parfum
Des roses
Je t’embrasse ô Lou et je t’adore
Si ce monde était cohérent
je ne pourrais pas dire: il pleut
sans qu’aussitôt l’averse tombe.
Or il n’en est rien: je peux
parler autant que je le veux
sans tirer les morts de leur tombe
ni l’existence du néant.
Je conclus que dans tout cela
un malentendu il y a:
ou bien tout se passe à l’inverse
de ce qui devait arriver
et le mot « il pleut » suit l’averse
lorsqu’il devrait la précéder.
Ou bien ON sait ce que l’on fait:
ON veut nous rendre ridicules,
ON nous laisse bien gentiment
parler à tort et à travers
et jamais ON ne nous répond.
Te parler papa j’ai pu te paparler un peu
un petit peu paparce que nous
n’avions plus tout le temps.
Les trois syllabes dans le désordre des infirmières
toutes en choeur et bouleversées que c’est Dédé
lui si gentiment si malade.
« Mais il ne s’est pas vu partir il dormait – Bercé
par la pluie il s’est endormi – a mourri… »