Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘(Georges Henein)’

POESIE DE L’IMPOSTURE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 28 juillet 2022



Brendan Monroe  _Holes1_1

POESIE DE L’IMPOSTURE

« Gardez la monnaie »
dit l’un qui sondait les murs
à l’autre qui prétendait se mettre en marche
et tous deux semblaient soucieux

« Gardez la monnaie »
dit la poussière à l’or
et tout le monde dans la rue se retourna
comme s’il était arrivé quelque chose d’irrémédiable

« Gardez la monnaie »
dit la patrouille en rentrant
car il était tard
il y avait eu beaucoup de morts
et c’était le mot de passe

il faudrait mutiler les corolles qui s’ouvrent
fixer à pleine face
le bégaiement de la misère interrompue
il faudrait…

et cela me rappelle un nom d’emprunt
valable pour toute une vie
et ce brouillard tiré par un bateau d’esclaves

et le sentiment que seule la chute est possible
et qu’en elle
pour la première fois
les amants s’observent sans frémir.

(Georges Henein)

Illustration: Brendan Monroe

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE PARDON DES CARESSES (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2022



Carrie Lingscheit   momento345_fail

 

LE PARDON DES CARESSES

dans l’éloignement où je suis
le regard se prolonge d’une mort uniforme
qui n’est pas la cécité
dans l’éloignement où je suis
le sang est un village gris
qui se dérobe aux semailles

dans l’éloignement où je suis
je ne vois personne qui pratique
le pardon des caresses
on dirait que l’orage a tout repris
le sacrifice est rejeté
le sceptre d’ivoire s’est figé
dans une pâleur accrue
le pain sec ne franchit plus la gorge de l’enfant

cette place n’était pas á traverser
mais une femme s’avance
seule face au temps noir
ce n’est rien
c’est une passante fatiguée
qui pose la tête sur un socle vide
ce n’est rien
c’est la pureté de la dernière heure
qui doit se contempler avec des yeux troubles.

(Georges Henein)

Illustration: Carrie Lingscheit

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LA FEMME INTÉRIEURE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 26 juillet 2022



Chen Yan Ning  (27) [1280x768] 

LA FEMME INTÉRIEURE

belle
comme la foudre s’arrêtant à mi-ciel
pour choisir son arbre

inconnue
proche à faire peur
rassurante pourtant
comme une halte en pays tempéré

feu de position
qui détient en sa pupille
la direction de la nuit

friable
comme une poignée de main
entre deux êtres sans avenir

dure
comme le commencement du monde

visage clos
visible une fois par vie
en appuyant sur la gâchette.

(Georges Henein)

Illustration: Chen Yan Ning

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

L’HOMME POSTHUME (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2022



 

soldat mort  2 [1280x768]

L’HOMME POSTHUME

Nous étions nés pour la froideur des armes
nés pour contrarier le cours de la naissance
et pour tracer à l’intérieur des êtres
les signes du mauvais vouloir.
« Laissez errer le sang » nous disait notre Maître
et nous ne sûmes jamais
de l’errance ou de l’erreur
laquelle fut notre voie.

Sans cesse pourchassée
l’éternelle grimace de vivre
est loin de renoncer à nous
dans nos mouvements séparés de la terre
un souffle secret introduit la discorde
comme on disperserait des oiseaux.
« C’est la volonté des Absents » s’écrie l’un de nous
et sous nos épaulettes de roc
nous devinons que nous sommes nus

nous resterons, cette fois encore, d’improbables guerriers…

(Georges Henein)

Illustration

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE SURSAUT (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2022



 

Brendan Monroe_Competitors_2009_1518_97

LE SURSAUT

Le doit et l’avoir
ne se lisent plus
dans le cristal fou des temples

pour un instant
seulement
par-delà le gel des années inutiles
une force nouvelle se hisse
dans les yeux des officiants

instant d’alarme et de griffe
redoublement de grâce
au chevet de la grande forêt
où se perd le prix de chaque geste

L’horreur du lendemain
suffit à soutenir le rêve.

(Georges Henein)

Illustration: Brendan Monroe

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

UNE EXECUTION INTIME (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2022



 

_Paris_V_boulevard_Arago_rwk [1280x768]

UNE EXECUTION INTIME

c’est un instant toujours émouvant
que celui où l’on se demande
certains matins
si l’on va pouvoir reconnaître la vie

si les choses ont gardé la même place
si les places ont gardé le même nom
et s’il reste quelque part un miroir de secours
où l’on cesserait enfin de se voir
où l’on verrait plus loin que soi

alors c’est comme si l’on s’avançait tout seul
Boulevard Arago
à l’aube
pour une exécution intime
et l’on n’éprouve aucun soulagement
à l’idée que le bourreau n’est pas là

et pourtant tout à coup on se retourne
c’est bon signe
on se croyait suivi
il y a donc des gens qui en suivent d’autres
il y a donc une suite et c’est tout ce que l’on voulait savoir

dans les sous-bois du langage
une voix cherche à dire
le premier mot de la journée
comme on cherche sa clé
sur le palier dans le noir

on n’hésite plus
on mise sur cet objet perdu
sur cette voix déjà proche des faubourgs
sur l’étrangère qui s’appuie aux affiches lacérées de la vie
mais sur quoi ne s’appuierait-on pas ce matin ?
sur quelle blessure ?
— sur quel outrage ?

(Georges Henein)

Illustration

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

EN TOI (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2022



 

Bruno Walpoth

EN TOI

en toi
se loge ma paresse
mon grand pays paresseux
comme un serpent
dans un tronc évidé

en toi
roule le cerceau crispé du passé
tu fixes d’un regard égal
le lointain et l’immédiat
et les phares relèvent leur jupe d’écume
pour s’éteindre dans les faveurs de la mer
dénués de gardiens

en toi
l’irréfléchi fait parler les voiles
en toi
rebondit le long exil d’un baiser

en toi
je suis enfin
à ma merci

(Georges Henein)

Illustration: Bruno Walpoth

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE PIEGE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2022



 

LE PIEGE

le sort est une panthère chaude
et l’instant où l’on est frôlé
prend — dans la grande moquerie nocturne —
un goût d’orgie sarrasine

puis se fait la lumière
et l’on s’aperçoit que l’essentiel
c’est de bien conserver
les objets que l’on ne désire plus.

(Georges Henein)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

A FLEUR DE CHANCE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 21 juin 2022


 


Paige Bradley (6)

A FLEUR DE CHANCE

tu n’es pas venue d’aussi loin qu’on le penserait
tu n’as fait que ralentir ta marche à ma hauteur
j’ai trouvé ta tête près de moi comme une lettre sur ma table
comme une lettre que je n’ai pas besoin de décacheter
pour savoir ce qu’elle contient
et que tout s’y décline en clins d’herbe
en chevauchées d’écume à la poursuite du plus haut diamant rétif dans son nid d’aigle
désormais l’imprévu et l’habituel se confondent pour nous dans un grand cri de distraction
une seule rue suffit à nous rendre semblables
la barricade de la vie c’est un sourcil qui se hausse
la petite chanson de l’écolier puni qui trompe l’ennui dans un coin sombre
l’inaperçu nous berce comme un domaine acquis d’une seule caresse de la main
nous nous dirigeons l’oreille légère au fil rompu des torrents,
sur les deux rives les éventails mettent une pudeur d’enlèvement
nous sautons d’une roche à l’autre
notre sourire est le cerceau qui nous précède à fleur de chance
notre rôle n’a jamais été aussi beau
nous cultivons la première morsure des superstitions de l’avenir.

(Georges Henein)

Illustration: Paige Bradley

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 5 Comments »

C’ÉTAIT UNE AUTRE EPOQUE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2021



René Julien_le-jour-des-noces [1280x768]

C’ÉTAIT UNE AUTRE EPOQUE

Nous étions assis sous une horloge sans nuages
comme à la source du temps bref.
La jeune fille la plus proche parlait le sanscrit
et quelqu’un lui demanda un chemin qui n’existait pas.
Derrière nous un village
aux yeux agrandis par le loisir.

Nous froissions des caresses
longtemps retenues aux vitres de la pluie
et la rouille gagnait l’extrémité de nos doigts.
Enfants tardifs et désoeuvrés
dont les visages ne servaient à personne

nous laissions l’herbe monter autour de nous
comme un besoin coupable
et nous rêvions de disparaître
enfin voilés par ce caprice aux longs cils
exemptés de toute présence et de tout lieu.

C’était un jour incrusté d’oubli
comme une chapelle baroque
un jour qui n’avait pas la force de se lever
et de nous regarder pâlir.

(Georges Henein)

Illustration: René Julien

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 
%d blogueurs aiment cette page :