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J’ai écrit sur la solitude (Doina Ioanid)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2023



    

J’ai écrit sur la solitude,
des poèmes sur la solitude.
Mais je ne la connaissais pas vraiment.

La solitude qui te cisaille les tripes
et te balance contre les murs,
la solitude d’un ghetto bucarestois, avec ses tsiganes
qui te crient des conteneurs de ne pas t’approcher.

La solitude avec son odeur rance et croupie,
avec son indifférence crasse.
La solitude, qui te vide le corps de tous ses organes,
jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une carcasse
errant la nuit dans les rues.

Et voici que la solitude,
avec sa bave de bouledogue,
écrit ses poèmes,
ses propres poèmes,
à même mon corps.

(Doina Ioanid)

Recueil: Rythmes pour apprivoiser la hérissonne
Traduction: du roumain par Jan H. Mysjkin
Editions: l’Arbre à paroles

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Les frontières sont là (Inger Christensen)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2022



    

les frontières sont là, les rues, l’oubli

et l’herbe et les concombres, et les chèvres et le genêt,
l’enthousiasme est là, oui les frontières sont là;

les branches sont là, le vent qui les agite
est là, et l’unique signe des branches

de cet arbre qu’on appelle précisément le chêne est là,
de cet arbre qu’on appelle précisément le frêne, le bouleau
le cèdre est là, et le signe répété

est là, sur le gravillon de l’allée; elles sont là
aussi les larmes, l’armoise et le laurier sont là,
les otages, l’oie cendrée, et les petits de l’oie cendrée;

et les fusils sont là, un jardin d’énigmes,
sec et sauvage, orné des seules groseilles,
les fusils sont là; au milieu du ghetto
éclairé et chimique ils sont là les fusils oui,
avec leur précision ancienne et paisible ils sont là

les fusils, et les pleureuses sont là, rassasiées
comme hiboux inassouvis, le lieu du crime est là;
le lieu du crime oui, insouciant, naturel, abstrait,
baigné d’une lumière de chaux, pitoyable,
ce poème tout blanc, vénéneux, qui s’effrite

***

grænserne findes, gaderne, glemslen

og græs og agurker og geder og gyvel,
begejstringen findes, graenserne findes;

grenene findes, vinden der løfter dem
findes, og grenenes eneste tegning

af netop det træ der kaldes egetræet findes,
af netop det træ der kaldes asketræet, birketræet,
cedertrœet findes, og tegningen gentaget

findes, i havegangens grus; findes
også gråden, og gederams og gråbynke findes,
gidslerne, grågåsen, grågåsens unger;

og geværerne findes, en gådefuld baghave,
tilgroet, gold og kun smykket med ribs,
geværerne findes; midt i den oplyste
kemiske ghetto findes geværerne,
med deres gammeldags, fredelige præcision findes

geværerne, og grædekonerne findes, mætte
som grådige ugler, gerningsstedet findes;
gerningsstedet, døsigt, normalt og abstrakt,
badet i et hvidkalket, gudsforladt lys,
dette giftige, hvide, forvitrende digt

(Inger Christensen)

Traduction de Zéno Bianu,
avec la collaboration de Karl Ejby Poulsen

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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Soeurs ennemies (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 10 juin 2020



Soeurs ennemies

La femme à la langue meurtrie
Lasse d’égrener l’exil
La femme à la langue scellée
Lasse de prévoir les ghettos
Surprennent dans l’exil de leurs fils
L’aiguillon de la haine
Les fièvres du talion

Pourtant
Dans la sagesse de leur sang millénaire
Dans l’espérance d’un sang pour vivre
Dans le secret d’un sang
Où s’abreuvent mêmes racines
S’ébranle le souffle de l’alliance
Et des promesses à venir

Elles vont Elles iront
Dans le futur qu’elles nomment
Ces femmes sans frontières
Au présent dévasté.

(Andrée Chedid)


Illustration

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LA RUMEUR (Gaston Puel)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2020



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LA RUMEUR

La terre émerge des brumes, les épis craquent comme du pain frais, une grappe d’abeilles se pend à un prunier.
L’âme s’évase pour accueillir fa joie des hommes qui s’enracine dans le vent.
Mais le vent rebrousse la laine du bonheur ;
une ignoble cicatrice témoigne : des hommes raturés par les hommes, leur rumeur d’essaim jusqu’à l’horrible du cri et de la salve.
Sur leurs bouches ouvertes s’effondrent les murailles du ghetto de Varsovie.

(Gaston Puel)

Illustration

 

 

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SOEURS ENNEMIES (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 7 novembre 2018



 

soeurs ennemies

SOEURS ENNEMIES

La femme à la langue vitrifiée
lasse d’égrener l’exil

La femme à la langue scellée
lasse d’annoncer les ghettos
Surprennent dans l’oeil de leurs fils
l’aiguillon de la haine
et les fièvres du talion

Pourtant
dans la sagesse de leur sang millénaire
dans l’assurance d’un sang pour vivre
dans les promesses d’un sang d’avenir
S’ébranle le fleuve des alliances
Se modèle la barque qui portera
tous leurs enfants.

Dans le silence d’elles-mêmes
A l’écoute d’un même sang
où s’abreuvent mêmes racines

Elles vont elles iront
dans le futur qu’elles portent
Ces femmes des deux frontières
au présent martelé.

(Andrée Chedid)

 

 

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L’AUBERGE « À LA PETlTE ÎLE » (Umberto Saba)

Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2018



 

VIncent Van Gogh

L’AUBERGE « À LA PETITE ÎLE »

La nuit, pour calmer un âpre combat,
d’autant plus féroce qu’il se passe en moi seul,
je pense à des luttes plus lointaines : je pense à Lissa,

aux Balkans, à Trieste, au vieux ghetto ;
enfin je me réfugie dans une taverne;
de son seul souvenir j’attends le sommeil.

Déserte tout au long de la chaude journée,
elle a sur ses murs une petite île peinte,
vert émeraude, et tout autour la mer et ses poissons.

Mais de fumée et de chants à la nuit elle est pleine ;
un Dalmate tient contre lui la fille la plus dévêtue ;
le matelot retrouve la sirène.

Moi j’écoute et la compagnie me plaît,
il me plaît de ne pas penser à un paradis
trop différent de cette allégresse

qui s’enroue dans les choeurs et enflamme le visage.

(Umberto Saba)

Illustration: Vincent Van Gogh

 

 

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TRANSFUSION (Paul Auster)

Posted by arbrealettres sur 6 mai 2018



 

transfusion  0

TRANSFUSION

Incandescence de four. Ou immense
jet
d’hémoglobine —

: le blasphème
de leur parole vouée à la mort, gisant
dans le sang même
que ton coeur ouvert
prodigue toujours.

Pulsation —
et puis ce qui — (puis
quoi ?) — perce sous le crâne
du sphinx de ghetto — qui met au jour
l’ignominie
et la fièvre de ceux
qui ont renoncé. (Comme toi,
ils errent toujours, toujours
affamés, enfermés dans le pain
de la chair de personne, toujours se font
sentir) :
comme si, dans l’espace entre
le coucher et le lever du soleil,
une main
avait recueilli ton âme
et l’avait pétrie avec les pierres
dans le levain
de la terre.

(Paul Auster)

Illustration : Sandrine Genet

 

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Ici (Lucie Albertini)

Posted by arbrealettres sur 14 juin 2017



Ici
Graphite pur
Ou diamant hors cristal

Inertie primordiale
Du ghetto viscéral

Néant
Vide noir vivant
D’un espace agissant

(Lucie Albertini)

Illustration: Béatrice Hunckler

 

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