On allait au bord de la mer
Avec mon père, ma sœur, ma mère
On regardait les autres gens
Comme ils dépensaient leur argent
Nous il fallait faire attention
Quand on avait payé le prix d’une location
Il ne nous restait pas grand-chose
Alors on regardait les bateaux
On suçait des glaces à l’eau
Les palaces, les restaurants
On ne faisait que passer d’vant
Et on regardait les bateaux
Le matin on se réveillait tôt
Sur la plage pendant des heures
On prenait de belles couleurs
On allait au bord de la mer
Avec mon père, ma sœur, ma mère
Et quand les vagues étaient tranquilles
On passait la journée aux îles
Sauf quand on pouvait déjà plus
Alors on regardait les bateaux
On suçait des glaces à l’eau
On avait le cœur un peu gros
Mais c’était quand même beau
On regardait les bateaux
La la la la la…
(Michel Jonasz)(Pierre Grosz)
Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON
Le poing noué d’un saule secoue l’argent de ses feuilles
la rivière gonflée de pluies déborde sur la patience des prés
dans l’herbe haute une couleuvre file
à l’approche du gamin venu repêcher un ballon
Le vent bouscule les nuages
vers les cités grises de la banlieue
demain
le béton recouvrira
d’une chappe de silence glacé
l’herbe et la couleuvre
le saule et la rivière
(Joseph-Paul Schneider)
Recueil: Jean Orizet: Les plus beaux poèmes pour les enfants
Voici que tu surgis de l’eau
très blanche
et ton ample chevelure est encore la mer
et les vents te poussent, les vagues te guident
comme au point du jour, les vagues, toi sérénissime.
Te voici glacée comme le point du jour.
Voici le bonheur qui te vêt comme un voile.
(Gabriel Zaïd)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
O femmes des pierres
vos maris sont partis
et coupent des glaces
vos sexes sont usés comme un miroir
et vos pieds les remplacent
Vos maris sont partis
Dans la main de leur meilleur ami
vit un scarabée
léger et lucide
C’est la vie
Mais si vous regardez les plantes merveilleuses
qui s’agitent dans les tiroirs secrets
un secret amour pour le jeu
et les étoiles filantes
occupera tous vos instants
Il n’est pas rare que je me plonge dans un livre de haïkus
quand je traverse des événements rudes et âpres :
décès d’un proche, maladie, creux de la vague…
Se frotter à la beauté abrupte et sans apprêt du haïku
aide à affronter les épreuves de la vie,
ces moments où la réalité semble se dérober sous nos pas.
Dans ces instants-là,
tous les ornements de la littérature tape-à-l’oeil
sonnent creux et faux.
On a soif d’authenticité, de dénuement,
de simplicité radicale.
Ce n’est pas par de mièvres flonflons
que l’on soigne le vague à l’âme ou la mélancolie,
mais par le silence sec des déserts
et l’eau glacée des torrents.
Mon amour, était-ce toi ou mon seul élan,
le nom que ma parole a donné à son désir.
As-tu existé, toi l’autre? Était-il véritable,
sous de larges pommiers entre les pignons,
ce long corps étendu tant d’années?
L’azur a-t-il été un vrai morceau du temps?
N’ai-je pas imaginé une vacance dans l’opaque?
Étais-tu venue, toi qui t’en es allée?
Ai-je été ce feu qui s’aviva, disparut?
Tout est si loin. L’absence brûle comme la glace.
Les ramures de mémoire ont charbonné.
Je suis arrêté pour jusqu’à la fin ici,
avec un souvenir arrêté qui n’a plus de figure.
Si c’est un rêve qu’éternel amour,
qu’importe j’y tiens.
J’y suis tenu ou je m’y trouve abandonné.
Désert irrémédiable et la creuse fierté.
Quand tu reviendras avec un autre visage,
je ne te reconnais pas, je ne sais plus voir, tout n’est rien.
Hier fut. Il était mêlé de bleu et frémissait,
ordonnancé par un regard qui change.
Une chevelure brillait, violemment dénouée,
recomposée autour de moi, je le croyais.
Le temps remuait parmi l’herbe souterraine.
Éclairés de colère et de rire, les jours battaient.
Hier fut.
Avant que tout ne s’ébranlât un amour a duré,
verbe qui fut vivant, humain amour mortel.
Mon amour qui tremblait par la nuit incertaine.
Mon amour cautionné dans l’oeil de la tempête
et qui s’est renversé.
(André Frénaud)
Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard
Le désespoir même s’est lassé désormais
de rejouer la partie que je perds toujours
où il m’attend sans surprise
embusqué au bord du chemin
pour m’offrir un moment sa compagnie glacée
et s’éloigne
laissant entre nous la distance de son ombre
qui porte encore mes pas jusqu’au grand vide
dans l’abîme des rêves sans lumière
que n’éloigne plus le signe précaire de l’Aube
tremblant au fond du chemin.
par la maison de ma tante passe la route des fourmis,
cette route ancestrale attestée par les chroniques de l’Orient.
Les fourmis montent du jardin de la voisine, le long d’une lézarde dans le mur.
Dans la salle de bains, elles valsent sur les dalles blanches et bleues,
traversent le panier à linge, la paroi et soudain, dans le salon,
elles défilent sur le cadre doré de la glace ronde.
***
(Constantin Abaluta)
Traduction de Carl Norac et d’Annie Bentoïu
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
Il y aura des journées et des temps difficiles
Et des nuits de souffrance qui semblent insurmontables
Où l’on pleure bêtement les deux bras sur la table
Où la vie suspendue ne tient plus qu’à un fil ;
Mon amour je te sens qui marche dans la ville.
Il y aura des lettres écrites et déchirées
Des occasions perdues des amis fatigués
Des voyages inutiles des déplacements vides
Des heures sans bouger sous un soleil torride,
Il y aura la peur qui me suit sans parler
Qui s’approche de moi, qui me regarde en face
Et son sourire est beau, son pas lent et tenace
Elle a le souvenir dans ses yeux de cristal,
Elle a mon avenir dans ses mains de métal
Elle descend sur le monde comme un halo de glace.
Il y aura la mort tu le sais mon amour
Il y aura le malheur et les tout derniers jours
On n’oublie jamais rien, les mots et les visages
Flottent joyeusement jusqu’au dernier rivage
Il y aura le regret, puis un sommeil très lourd.