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Posts Tagged ‘gril’

Seul (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2022




    
Seul

Seul debout.
Seul assis.
Seul couché.
Seul sur the gril.
Seul écartelé par les chevaux de labour
dont il ne voyait que les croupes.
Seul pendu et son sperme devint mandragore.
Seul dans la vitesse qui n’est pas,
dans la minute qui n’est pas,
dans l’espace qui n’est pas,
dans le temps qui n’est pas,
dans l’éternité qui n’est pas,
dans l rien qui ne l’est pas,
dans le vide plein de boue.

Seul dans un bloc de quartz ignoble,
dans un iceberg en voyage.
Seul avec la solitude qui n’en est pas une.
Avec la lune qui fut sans être.
Avec ses pas qui n’en sont pas.
Avec ce tison qui se croûte et qui brûle au milieu
et se croûte et brûle dans un songe qui n’est même pas un songe.
Seul avec le sommeil du condamné à mort.

***

Alone

Alone standing.
Alone sitting.
Alone lying down.
Alone on the grille.
Alone drawn and quartered by workhorses,
seeing only their rumps.
Alone hanging, ejaculating a mandrake.
Alone in the quickness that isn’t,
in the minute that isn’t,
in the space that isn’t,
in time that isn’t,
in eternity that isn’t,
in the nothing that isn’t,
in an emptiness full of mud.
Alone in a corrupted chunk of quartz,
in an iceberg floating by.
Alone in solitude that isn’t.
With a moon that was without being.
With his footsteps that aren’t footsteps.
With this ember that crusts over and burns at its center,
and crusts and burns in a dream that isn’t even a dream.
Alone in the sleep of the condemned to death

Translated by Mary-Sherman Willis

(Jean Cocteau)

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Cette chaudière, cette fournaise, ce gril qu’est la vie (Georges Perec)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2017



 

Cette chaudière, cette fournaise, ce gril qu’est la vie,
ces milliards de sommations, d’incitations, de mises en garde, d’exaltations, de désespoirs,
ce bain de contraintes qui n’en finit jamais,
cette éternelle machine à produire, à broyer, à engloutir,
à triompher des embûches, à recommencer encore et sans cesse,
cette douce terreur qui veut régir chaque jour, chaque heure de ta mince existence !

(Georges Perec)

Découvert chez Lara ici

Illustration: Bosch Hieronymus

 

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CHANT DE TUAN MAC CAIRILL (Poésie Irlandaise)

Posted by arbrealettres sur 6 juillet 2016



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CHANT DE TUAN MAC CAIRILL

Cinq invasions furent en Irlande,
personne n’y vint avant le déluge,
après le déluge, personne n’y vint
avant trois cent douze ans.
Partholon, fils de Sera, vint en Irlande,
en exil avec vingt-quatre hommes,
avec chacun leur femme.

Puis vint Nemed, fils d’Agnoman
qui prit la terre d’Irlande.
Son père était frère du mien.
Je le voyais du haut des rochers
mais je ne voulus pas me montrer.
J’avais de grands cheveux, de grands ongles,
j’étais gris, décrépit et nu,
dans la misère et la souffrance.
Un soir je me suis endormi et je me suis réveillé sous la forme d’un cerf.

Je fus jeune et mon esprit se réjouit.
J’ai revêtu encore un autre aspect,
un poil rude et gris.
Quand j’eus pris cette forme animale,
je devins chef des troupeaux d’Irlande.
De grandes troupes de cerfs couraient autour de moi
quelques chemins que j’allasse.
Telle fut ma vie au temps de Nemed.

Or j’étais sur le seuil de mon antre,
le souvenir m’en est resté,
je sais que changea l’aspect de mon corps
et je pris un sanglier.
Alors je fis des vers sur cette merveille :

Aujourd’hui je suis sanglier,
je suis roi, fort et victorieux.
Autrefois dans les assemblées,
mon chant était agréable,
il plaisait aux jeunes et jolies femmes,
mon char était beau et majestueux,
ma voix avait des sons graves et doux,
j’étais rapide dans les combats,
j’avais un visage charmant,
aujourd’hui je suis un noir sanglier.

Puis j’atteignis encore la vieillesse,
j’avais l’esprit triste, je ne pouvais
faire ce que je faisais autrefois.
J’habitais de sombres cavernes,
des rochers perdus, j’étais seul.
Je suis rentré dans ma demeure
me souvenant de mes formes antérieures
et j’ai jeûné pendant trois jours.
Au bout de trois jours je n’avais plus de force.
Je fus changé en un grand vautour,
en un énorme aigle de la mer.
Mon esprit fut de nouveau joyeux,
je fus capable de tout faire,
je devins chercheur et actif,
je parcourus toute l’Irlande
et je sus ce qui s’y passait.
Alors je chantai ces vers :

Vautour aujourd’hui,
j’étais sanglier autrefois.
Je vécus d’abord dans la troupe des cochons,
me voici maintenant dans celle des oiseaux.

J’ai gardé cette forme de vautour
jusqu’à ce que j’allasse en un trou d’arbre
au bord d’une rivière où je jeûnai neuf jours.
Le sommeil m’a alourdi,
j’ai été changé en saumon.
Alors je fus en la rivière.
J’y fus bien, j’y fus actif et heureux.
Je savais bien nager.
et j’échappai longtemps à tous les périls.

Mais un pêcheur me prit et me porta
à la femme de Cairill, roi de ce pays,
je m’en souviens très bien.
L’homme me mit sur le gril,
la femme eut envie de moi
et me dévora en entier.
Et je fus en son ventre.
Je me souviens du temps où j’étais
dans le ventre de la femme de Cairill,
je me souviens aussi qu’après cela
je commençais à parler comme les hommes.
Je savais tout ce qui fut en Irlande,
je fus prophète, on me donna un nom :
on m’appella Tuan fils de Cairill.

Leabhar na hUidhre.

(Poésie Irlandaise)

Illustration

 

 

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