Si sous les eaux les icebergs étaient capables de chaleur
Nul ne grimacerait à leurs sommets dentés,
S’élevant et plongeant sur la houle
Ils pourraient signaler que tout est pour le mieux.
Mais dans les eaux obscures les icebergs sont froids,
Aussi froids à la base que blanchis à la crête,
Et ceux qui plongent pour en avoir la preuve
Peuvent ne trouver aucun indice qui change leur opinion.
Il n’y a pas de mots sous l’eau,
Pas davantage de locutions,
De phrases, excepté celle
Qui vous informe que votre vie est terminée
Et que ce dont vous avez joui
N’était que la neuvième ou la dixième partie;
Le reste, simple claque à ceux qui osèrent supposer
Les icebergs sous l’eau capables de chaleur.
***
Icebergs
If icebergs were warm below the water
One would not wince at their jagged tops,
Lifting and dipping on the swell
They still might signal all was well.
But icebergs are cold in the dark water,
Cold their base as white their crest,
And those who dive to check the fact
Can find no signal to retract.
There are no words below the water,
Let alone phrases, let alone
Sentences – except the one
Sentence that tells you life is done
And what you had of it was a mere
Ninth or tenth; the rest is sheer
Snub to those who dared suppose
Icebergs warm below the water.
(Louis MacNeice)
Traduction de Marie Etienne
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
Noir c’est mon nom quand je m’éveille
Noir le singe qui me tracasse
Qui grimace moule à manies
Devant le miroir de ma nuit
Noir c’est mon poids de déraison
C’est ma moitié froide pourrie
Noir où la flèche s’est plantée
Où le tison a prospéré
Noir le gentil corps foudroyé
Noir le coeur pur de mon amour
Noire la rage aux cheveux blancs
A la bouche basse et baveuse
Cette envie folle de hurler
Ne cessera qu’avec ma voix
Que sur les charmes de ma tombe
Où viendront pleurer mes complices
Tous ceux qui m’approuvaient d’aimer
Et qui voudraient fêter mon deuil
J’étais construit les mains ensemble
Doublé de deux mains dans les miennes
J’étais construit avec deux yeux
Qui se chargeaient des miens pour voir
Mais aujourd’hui je sens mes os
Se fendre sous le froid parfait
Je sens le monde disparaître
Rien ne demeure de nos rires
Ni de nos nuits ni de nos rêves
Et la rosée est charbonneuse
J’ai trop pleuré la coque est vide
Où ne nous pouvions qu’être deux
Écartez-vous de ma douleur
Elle vient droit de la poussière
Elle nie tous les sacrifices
La mort n’est jamais vertueuse
Écartez-vous si vous avez
Envie de vivre sans mourir
Sous vos paupières desséchées
Et dans la boue de vos désirs
Noir un zéro s’arrondirait
Zéro petit et très immense
Qui est capable de gagner
La souveraine part de l’homme
N’étranglez pas les singes
Ils me regardent
Leurs bras sont maigres comme les miens
Leur souffrance jumelle
Je suis gibbon de mot en mot
Chimpanzé, orang-outang, gorille
Macaque, babouin electrodisé
Bonobo
Pauvre poilu au cul pelé
Je suis l’encagé vif
Le mangeur de bananes
Le branleur grimaçant
Qui singe sa mort
Qui singe sa vie
Qui ne vaut pas une cacahuète
Pas un pet de ouistiti…
Homme noir
Homme blanc
N’étranglez pas les singes aux yeux verts
Ça m’arrache les poils du coeur
Ça m’arrache le sang du ventre
(Gérard Mordillat)
Recueil: Le linceul du vieux monde
Traduction:
Editions: Le temps qu’il fait
L’amour,l’amour,l’amour
Dont on parle toujours
À l’amour, c’est un printemps craintif
Une lumière attendrie, ou souvent une ruine
L’amour, l’amour, c’est le poivre du temps
Une rafale de vent, une feuillée de lune
L’amour, l’amour, à l’amour
Dont on parle toujours
L’amour, met la nuit a un bonnet
Et le jour porte un masque
Qui veulent que l’on grimace
L’amour, l’amour
C’est parfois même aussi, que le visage d’un autre
Qui n’est ni lui ni l’autre
À l’amour, à l’amour, à l’amour
Dont on parle toujours
À l’amour, à l’amour c’est plus d’une fois
Un panier vide aux bras l’arc-en-ciel sur deux coeurs
À l’amour, à l’amour
À l’amour c’est quand je t’aime
À l’amour c’est quand tu m’aimes
Sans me le dire
Sans te le dire
À l’amour, à l’amour
L’amour c’est quand tu m’aimes
L’amour c’est quand je t’aime
Sans te le dire
Sans me le dire
Beauté exquise
Dans une lumière intense
Près d’un feu ardent
Tu mesures le jour
Au nombre de tes joies
Et à la transparence du matin.
Alors que l’horizon arbore
Les plus riches couleurs
Tu vas sous un ciel habité
Par un soleil sphériquement parfait
Enchâssé dans un nuage
Et la rêverie du jardin
T’empreint de mélancolie.
Les fleurs se prosternent devant toi
Tu ris dans l’herbe
Sous un gai soleil
Et dans la candeur d’un vierge univers.
Ton regard prend la couleur de l’eau.
Tu ris sous le feuillage attentif
D’un arbre qui songe
Fécond et intarissable de fruits
Quand la prairie recèle
Les germes de tes rêves.
Dans le soir noir et froid
La bise froisse le miroir
Des eaux polies
Et déforme l’image
Des branches du saule pleureur.
La lune y grimace
Alors que ton visage
Garde sa pureté.
entre deux entrées en scène
la danseuse nue
recherche le sommeil au bord de la table dans la loge
et repoussant une bouteille de jus d’orange
elle grimace légèrement
tandis que dans une fausse douceur
l’ombre resserre
les jambes longues