Ô tous ces noms bretons qui chantent dans ma tête
Pays de marée basse et de jours de tempête
De Saint Benoît des Ondes jusqu’à Vivier-sur-Mer
Grise s’étend la grève où le regard se perd
Sur un rivage sombre où les grappes de moules
Se balancent sans cesse au beau milieu de houles
Vildé-la-Marine où la barque jette l’ancre
Sur le sable infini que le reflux échancre
Aveuglant de clarté le fier Mont-Saint-Michel
Se dresse à l’horizon perçant un ciel cruel.
Ménilmontant mais oui madame
C´est là que j´ai laissé mon cœur
C´est là que je viens retrouver mon âme
Toute ma flamme
Tout mon bonheur…
Quand je revois ma petite église
Où les mariages allaient gaiement
Quand je revois ma vieille maison grise
Où même la brise
Parle d´antan
Elles me racontent
Comme autrefois
De jolis contes
Beaux jours passés je vous revois
Un rendez-vous
Une musique
Des yeux rêveurs tout un roman
Tout un roman d´amour poétique et pathétique
Ménilmontant!
Quand midi sonne
La vie s´éveille à nouveau
Tout résonne
De mille échos
La midinette fait sa dînette au bistro
La pipelette
Lit ses journaux
Voici la grille verte
Voici la porte ouverte
Qui grince un peu pour dire « Bonjour bonjour
Alors te v´là de retour? »
Ménilmontant mais oui madame
C´est là que j´ai laissé mon cœur
C´est là que je viens retrouver mon âme
Toute ma flamme
Tout mon bonheur…
Quand je revois ma petite gare
Où chaque train passait joyeux
J´entends encor dans le tintamarre
Des mots bizarres
Des mots d´adieux
Je suis pas poète
Mais je suis ému,
Et dans ma tête
Y a des souvenirs jamais perdus
Un soir d´hiver
Une musique
Des yeux très doux les tiens maman
Quel beau roman d´amour poétique
Et pathétique
Ménilmontant!
Que j’aime à voir, dans la vallée
Désolée,
Se lever comme un mausolée
Les quatre ailes d’un noir moutier!
Que j’aime à voir, près de l’austère
Monastère,
Au seuil du baron feudataire,
La croix blanche et le bénitier!
Vous, des antiques Pyrénées
Les aînées,
Vieilles églises décharnées,
Maigres et tristes monuments,
Vous que le temps n’a pu dissoudre,
Ni la foudre,
De quelques grands monts mis en poudre
N’êtes-vous pas les ossements?
J’aime vos tours à tête grise,
Où se brise
L’éclair qui passe avec la brise,
J’aime vos profonds escaliers
Qui, tournoyant dans les entrailles
Des murailles,
A l’hymne éclatant des ouailles
Font répondre tous les piliers!
Oh! lorsque l’ouragan qui gagne
La campagne,
Prend par les cheveux la montagne,
Que le temps d’automne jaunit,
Que j’aime, dans le bois qui crie
Et se plie,
Les vieux clochers de l’abbaye,
Comme deux arbres de granit!
Que j’aime à voir, dans les vesprées
Empourprées,
Jaillir en veines diaprées
Les rosaces d’or des couvents!
Oh! que j’aime, aux voûtes gothiques
Des portiques,
Les vieux saints de pierre athlétiques
Priant tout bas pour les vivants!
Comme les cailloux
Que font danser sur l’eau calme
Les enfants des pêcheurs
Et qui font parfois deux sauts
Et parfois vingt
Ainsi je ne sais point
Jusqu’où mon coeur lancé
Par ta main douce
Se rendra palpiter
Sur l’eau grise
Des jours que j’ai cessé d’appeler
Ma jeunesse…
Nudité, dernier voile de l’âme
qui cependant demeure celée.
Le langage fertile du corps
ne la détecte ni la déchiffre.
Mais au-delà de la peau, des muscles,
et des nerfs, et du sang, et des os,
elle esquive l’intime contact,
le mariage floral, l’étreinte
divinisante de la matière
grisée et enivrée pour toujours
par cette sublime conjonction.
Pauvres de nous, mendiants affamés:
Nous ne pressentons que les reliefs
de ce banquet au-delà des nues
si contingentes de notre chair.
C’est pourquoi triste est la volupté
dans la minute suivant l’extase.
…d’immenses tartines d’enfant
sur qui le beurre fraîchissait
sur qui la confiture glaçait
étaient parfois pendant le jeu
posées sur une borne grise
jusqu’à l’oubli.
Toute architecture est ce que vous faites d’elle quand vous la regardez,
(Pensiez-vous que le monument était dans la pierre blanche ou grise ?
Y était-elle la ligne des voûtes et des corniches ?)
Toute musique est ce qui s’éveille en vous quand les instruments vous le rappellent,
Ce ne sont ni les violons, ni les cornets, ni les hautbois
ou les tambours battants, le solo du baryton filant sa romance
ou la partie du choeur des hommes ni celle du choeur des femmes,
C’est plus près et plus loin que cela.
Ma main et la pierre,
sage rébellion de particules
tenant dans ma paume.
J’ai fait mienne sa réalité
grise, lourde et ovale.
Pierre millénaire
jusqu’en son cri
elle ne se prétend autre chose
qu’un défi à l’oubli.