TRIOMPHALE ENTREE DE LA MORT
Voici la plus belle, la pure, celle qui vient avec le vent, avec
l’ami, et portée par les routes géantes de la mer, la toute
ouverte, la tant couverte par les anges et les capitaines qui
furent grands aux temps anciens, la trop parée, et qui va nue,
voici son front qui est de braise, voici son sein bleu comme
le ciel après l’orage,
voici sa main qui a pitié,
voici sa main qui est guerrière,
une courtisane,
une paysanne qui va très loin dans sa campagne redresser l’épi
courbé, et des jachères l’accompagnent jusqu’au porche de
la nuit,
une paysanne qui va de saison en saison, qui sarcle et brûle
le chiendent, qui fait sillon après sillon, le dos courbé, proche
la glèbe,
une paysanne de fenaison,
une courtisane,
une reine étendue sous les dais du désert, avec des gazelles
pour compagnes, et au loin, très loin, voici venir le cri roux
des buccins de la nuit,
une reine dressée au seuil de son empire, sous l’arbre qui est
rouge, une reine qui fait justice et injustice dans son coeur noir,
une courtisane,
qui entre, les lèvres peintes et drapée de tissus étranges où des
oiseaux sont imprimés, oui,
qui triomphe.
(Hubert Juin)