Quittant ses genêts et sa lande
Quand le Breton se fait marin
En allant aux pêches d’Islande
Voici quel est le doux refrain
Que le pauvre gars
Fredonne tout bas
J’aime Paimpol et sa falaise
Son église et son Grand Pardon
J’aime surtout la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !
Le brave Islandais, sans murmure
Jette la ligne et le harpon
Puis, dans un relent de saumure
Il se glisse dans l’entrepont
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas
Je serais bien mieux à mon aise
Devant mon joli feu d’ajonc
À côté de la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !
Mais souvent l’océan qu’il dompte
Se réveillant lâche et cruel
Et lorsque que le soir on se compte
Bien des noms manquent à l’appel
Et le pauvre gars
Soupire tout bas
Pour trotter la flotte irlandaise
Puisqu’il faut plus d’un moussaillon
J’épouserons ma petite Paimpolaise
En rentrant au pays breton !
Puis, quand la vague le désigne
L’appelant de sa grosse voix
Le brave Islandais se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans l’océan sans fond
En songeant à sa Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton!
(Théodore Botrel)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Revêtu d’un scaphandre
Et d’un casque d’acier
Je m’apprête à descendre
Au fond de l’encrier
Comme un harpon ma plume
Remonte des poissons
Quand la lune s’allume
Sur d’étranges moissons
Le flot de l’écriture
S’écoule de ma main
Qui s’agrippe au grappin
Que lance une rature.
Ce chemin d’aube et de pervenches
S’ouvre à l’orée de la clairière
Murée par le givre et la neige
A notre image prisonnière
Et désormais infranchissable.
Quel vent a dispersé la manne,
Froment sapide du désert
Que charrie la houle océane
Sur ce versant de l’univers
Qui nous enserre en ses lianes ?
Venus du matin et porteurs
D’un fret d’écume et de chardons,
Parmi les écueils qui affleurent
Qui donc dirigerait le harpon :
Atropos ou Deucalion ?
Les mains entravées, les prunelles
Consumées par la nuit d’orage,
Nous portons sur notre visage,
Comme une étrave qui chancelle,
Les cicatrices du naufrage.
Mais seuls nous sombrons et l’espace
Qui vogue, attisant en sa course
Le murmure des peupliers,
Reprend de l’estuaire à la source
Le périple des alizés.
Arrête-toi, enfant: tes yeux ne sont pas faits pour voir cela,
ferme-les encore un moment, dors en aveugle,
oh encore un moment ignore, et que tes yeux
restent pareils au ciel naïf.
Recueille les oiseaux et la lumière
un temps encore,
toi qui grandis pareille à un tremble scintillant,
ou recule – si tu ne veux pas crier de peur
sous le harpon.
Enclos
Dans le fruit délectable
De nos corps
Dans la pulpe savoureuse
De notre chair
Nous oublions le temps
Son harpon impitoyable
Qui peu à peu nous dégrade
Et nous entraîne
Dans les filets de la mort
Comment se soumettre
Au détissage de nos peaux
Aux flux de nos rides
Aux piétinements de l’âme
Au pourrissement des os.
Comment ignorer
La morosité de l’aube
Les pâleurs de la nuit
Les brisures de la flamme
Ou le chant appauvri
Comment redresser
La fourbe courbure
Comment se détourner
De l’avenir suspendu ?