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Poésie

Posts Tagged ‘hâte’

Il pleut très doucement dans un poème (Claude Esteban)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
Il pleut très doucement dans un poème
et la ville est couchée là tout près comme un bon chien,
des choses passent et puis d’autres reviennent

il y a des mots qui sont lourds de soleil
et qui disent très bien la fourrure secrète d’une femme
et d’autres qui sont pleins de brume jusqu’au réveil

il pleut si doucement que c’est peut-être un autre monde
pareil à celui-ci mais sans hâte et sans orgueil
et c’est dans le dedans de soi comme des gouttes de silence.

(Claude Esteban)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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Sans arrimage et arrimé (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023



Saint Jean de la Croix    
    
Sans arrimage et arrimé
Glose divinisée

Sans arrimage et arrimé,
sans lumière et dans l’obscur vivant,
tout entier me vais consumant.

1.
Mon âme s’est déprise
de toute chose créée,
et au-dessus d’elle élevée,
et dans une vie savoureuse,
à son seul Dieu arrimée.
C’est pourquoi l’on dira désormais
ceci que j’estime le plus,
que mon âme se voit déjà
sans arrimage et arrimée.

2.
Bien que j’endure les ténèbres
en cette vie mortelle,
mon mal n’est pas si grand,
car si je manque de lumière,
je possède la vie céleste ;
car l’amour d’une telle vie,
plus il devient aveugle,
plus il domine l’âme,
sans lumière et dans l’obscur vivant.

3.
L’amour fait un tel ouvrage,
depuis que je l’ai connu,
que si bien ou mal sont en moi,
il donne à tout même saveur,
et transforme l’âme en soi-même ;
et en sa flamme savoureuse,
que dans moi-même je ressens,
en hâte, ainsi, sans rien laisser,
tout entier me vais consumant.

***

Sin arrimo y con arrimo
Glosa a lo divino

Sin arrimo y con arrimo,
sin luzy a oscuras viviendo
todo me voy consumiendo.

1.
Mi alma está desasida
de toda cosa criada
y sobre sí levantada
y en una sabrosa vida
sólo en su Dios arrimada.
Por eso ya se dirá
la cosa que más estimo
que mi alma se ve ya
sin arrimo y con arrimo.

2.
Y aunque tinieblas padezco
en esta vida mortal
no es tan crecido mi mal
porque si de luz carezco
tengo vida celestial
porque el amor da tal vida
cuando más ciego va siendo
que tiene al ama rendida
sin luz y a oscuras viviendo.

3.
Hace tal obra el amor
después que le conocí
que si hay bien o mal en mí
todo lo hace de un sabor
y al alma transforma en sí
y así en su llama sabrosa
la cual en mí estoy sintiendo
apriesa sin quedar cosa,
todo me voy consumiendo.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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CHANSON SUR LA PLUIE (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023




    
CHANSON SUR LA PLUIE

Je voudrais vous dire une phrase apprise jadis,
le temps l’efface du tableau, elle n’est guère ;
c’est encore la pluie, mais seulement pour les petits
qui se serrent, heureux, sous la gouttière.

Dès que les gouttes s’attaquent à leurs capuches,
le moulinet du ruisseau se met à bruire ;
moi, je regarde leurs mains avec envie
et m’enfuis, en hâte, dans mes souvenirs.

Quand la pluie cessera, je voudrais dire à quelqu’un
avec qui, un long moment, je suis resté là
que l’eau coule encore brièvement des arbres
et qu’elle tombe encore longtemps du haut des cathédrales.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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Apprendre (Hervé Lesage)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Karen l’Hemeury
    
Apprendre

la patience et l’ivresse douce
de parler aux arbres

eux qui vous font réponse
sans faillir
et vous portent à aimer
le silence.

Le chemin s’ouvre sans hâte.
Il y a loin du premier pas
A la première souche
A la première pause.

La lumière joue le jeu des
ombres où tu cherches trop tôt
le miracle d’une clairière.

Mais la souffrance décroît
ou emprunte d’autres voies
que tu veux ignorer.

(Hervé Lesage)

Recueil: Ecrits pour le feu
Editions: Rétro-Viseur

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Ne me donnez rien de fixe, d’assis, de statique (David Herbert Lawrence)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023




    
Ne me donnez rien de fixe, d’assis, de statique.
Ne me donnez pas l’infini ou l’éternel :
rien de l’infinité, rien de l’éternité.

Donnez-moi le calme, le blanc bouillonnement,
l’incandescence et la froideur du moment incarné :
le moment, la chair vive de tout changement,
de toute hâte et de toute opposition :

le moment, le présent immédiat,
le Maintenant.

(David Herbert Lawrence)

 

Recueil: 52 poèmes d’Occident pour apprendre à s’émerveiller
Editions: Pocket

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Le Nom (Patrick Bertrand)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2023



Illustration: Serge Ceccarelli
    
Le Nom

Il viendra, j’en suis sûr!
S’il a le pelage souris,
Je l’appellerai Gris-Gris.
S’il conduit un char,
Ce sera Ben Hur.
Si c’est un gros matou,
Une force de la nature,
Hercule lui conviendra.
Victor, Hector, Nestor ou Arthur
S’il porte noble minois.
S’il a une belle voix,
Léo me plaira.
j’en suis sûr, il viendra!

Un jour, le bonheur à ma porte a sonné.
j’ai ouvert, j’avais hâte.
— Nelson, enchanté !
A-t-il dit en me tendant sa patte.

(Patrick Bertrand)

 

Recueil: Silence la queue du chat balance
Traduction:
Editions: Actes Sud

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HOMME MORT (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022




    
HOMME MORT

Moi qui n’en suis pour rien dans ma venue sur terre
Qui n’ai jamais appris les mots que pour me taire
Et marche lentement de peur de tout briser
Croyez-vous que je puisse encor vous satisfaire

Tant de mains attendues n’en valent plus la peine
Une heure d’amitié ne fait pas la semaine
Est-ce mon sang déjà qui teinte le pavé
Mon coeur découragé qui tire sur sa chaîne

A quoi bon ces matins sans hâte de l’enfance
Ces fausses libertés mes désobéissances
Les grains d’or du soleil au fond du sablier
Puisque toute ma vie est faite de silence

C’est là dans mon grenier derrière la fenêtre
Avec le ciel qui bouge au fond pour me remettre
Un instant dans le cycle effarant du passé
Que je serai tenté un soir de disparaître

Alors que vous importe un cri dans le naufrage
Le fardeau de ma joie est un maigre bagage
De la douleur, mon Dieu, j’en eus toujours assez
Mon ombre fut mon seul compagnon de voyage

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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RELÈVE (Charles Vildrac)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2020




    
RELÈVE

À notre place
On a posé
Des soldats frais
Pour amorcer
La mort d’en face.
Il a fallu toute la nuit pour s’évader.
Toute la nuit et ses ténèbres
Pour traverser, suant, glacé,
Le bois martyr et son bourbier
Cinglé d’obus.
Toute la nuit à se tapir,
À s’élancer éperdument,
Chacun choisissant le moment,
Selon ses nerfs et son instinct
Et son étoile.
Mais passé le dernier barrage,
Mais hors du jeu, sur la route solide,
Mais aussitôt le ralliement
Aux lueurs des pipes premières,
Dites, les copains, les heureux gagnants,
Quelle joie titubante et volubile !
Ce fut la joie des naufragés
Paumes et genoux sur la berge
Riant d’un douloureux bonheur
En recouvrant tout le trésor ;
Tout le trésor fait du vaste monde
Et de la mémoire insondable
Et de la soif qu’on peut éteindre
Et même du mal aux épaules
Qu’on sent depuis qu’on est sauvé.
Et l’avenir ! Ah ! l’avenir,
Il sourit maintenant dans l’aube :
Un avenir de deux longues semaines
À Neuvilly dans une étable…

*

Ah ! les pommiers qui sont en fleurs !
Je mettrai des fleurs dans mes lettres.
J’irai lire au milieu d’un pré.
J’irai laver à la rivière.
Celui qui marche devant moi
Siffle un air que son voisin chante ;
Un air qui est loin de la guerre :
Je le murmure et le savoure.
Et pourtant ! les tués d’hier !
Mais l’homme qui a trébuché
Entre les jambes de la Mort
Puis qui se relève et respire
Ne peut que rire ou sangloter :
Il n’a pas d’âme pour le deuil.
La lumière est trop enivrante
Pour le vivant de ce matin ;
Il est faible et tout au miracle
D’aller sans hâte sur la route.
Et s’il rêve, c’est au délice
D’ôter ses souliers pour dormir,
À Neuvilly, dans une étable.

(Charles Vildrac)

 

Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard

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A TIRE-D’AILE (Franz Hellens)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2020



A TIRE-D’AILE

Comme la première hirondelle
J’ai pris le chemin de l’azur,
Je volerai de l’aube au crépuscule,
La nuit ne sera qu’un repos,

Pour repartir avec le premier cri du jour
Suivi de la première hirondelle
A jamais éveillé et plus près du soleil
Que de la terre, à tire-d’aile.

*

Matin midi et même soir
L’oeil ouvert à rompre son orbite
Cherche au large du ciel sans limites
Le chemin d’un énorme savoir.

La fleur ouverte sur sa tige
Inondée de lumière mais jamais
Satisfaite en oublie ses racines,
Sans avoir vu se flétrit au sommet.

L’eau des rivières et des fleuves
Se précipite vers la mer
Dans le grand large sans fond ni rives
Où sa hâte d’exil ne trouve que désert.

Mon oeil voyant fait de deux yeux qui se résorbent
Dans le cercle élargi de l’unité sans bords,
Va ton chemin de soir de minuit et d’aurore
Astre qui ne connais ni le Sud ni le Nord,

Vers ce là-bas que rien n’indique ni ne signe
Grand ouvert et tout plein de l’obscure clarté
Des désirs accomplis et des pensées insignes
Là où jamais les yeux séparés n’ont été.

(Franz Hellens)

Illustration

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Avant d’entrer dans les bois (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2020



    

Avant d’entrer dans les bois,
la pluie frappe aux feuilles
qui sont pour elles le seuil
d’une solitude sans poids.

Elle a parcouru tout l’espace
pour venir sans hâte couler
dans d’obscurs sentiers
où rien ne doit marquer son passage.

Il suffit pourtant d’un rayon de soleil
pour qu’éclate sa présence,
pour qu’un instant la forêt pense
aux vitres dont elle l’émerveille.

Un couchant doit surgir
de cet incendie d’eau
où la terre s’éclaire de ce qu’elle a de plus beau
parce qu’elle aime les forêts à en mourir.

(Lucien Becker)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Rien que l’amour
Traduction:
Editions: La Table Ronde

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