Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘horreur’

Horreur si longtemps redoutée (Tommaso Landolfi)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2023



Horreur si longtemps
Redoutée, en rêve je tombai
Dans l’eau noire d’un lac
Niché au creux d’un cirque pyrénéen.
Je nageais, mais la rive était loin.
De tous côtés menaçait la montagne ;
Plages enneigées ; inébranlables,
Impraticables rocs…
Je nageais sans pouvoir aborder ;
Je me sentais mourir,
Suffoquer d’épouvante…
Puis, éveillé, je vis que je nageais
Dans une eau noire entre des rocs
Inébranlables, entre d’impraticables
Plages enneigées, et que jamais
Je ne donnerai un chaste baiser
A la jeune fille de mon rêve,
Et ne déposerai mon fardeau à ses pieds.

***

Orrore tanto a lungo
Temuto, caddi in sogno
Nell’acqua nera d’un lago
Annidato in un circo pirenaico.
Nuotavo, ma la sponda era lontana.
D’ogni parte incombeva la montagna ;
Piagge nevose ; ferrigni,
Impraticabili scogli…
Nuotavo, e non giovava ;
Mi sentivo morire,
Soffocare dallo spavento…
Poi, desto, vidi che nuotavo
In un’acqua nera tra scogli
Ferrigni, tra impraticabili
Piagge nevose, e che non mai
Avrei raggiunto la proda,
Avrei recato un casto bacio
Alla fanciulla di sogno,
O desposto ai suoi piedi il mio fardello.

(Tommaso Landolfi)


Illustration

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Aux frontières errantes (Michaël Glück)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023




    
Aux frontières errantes
Variations sur une page de Jean-Jacques Rousseau

L’arbre a des racines, c’est bien
l’homme a des jambes, c’est mieux

GEORGES STEINER

les cartes
mappemondes planisphères
ont des lignes de partage des terres

comparables
aux cartes qu’on peut lire
dans certaines boucheries

découper la viande
selon les pointillés

les limites tracent les tranchées
entre deux morceaux

on se partage la bête
on se réserve la part du lion

on nous fait avaler qu’à chacun
il y a une part de gâteau

un premier
ayant enclos terrain
dit à moi

ce premier fonde
crimes guerres
meurtres misères

horreurs
un premier est
un imposteur

la terre n’est à personne

(Michaël Glück)

Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

Dire (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2022



Dire : cette vie est un jardin de roses, c’est mentir.

Dire : cette vie est un champ de ruines, c’est mentir.

Dire : je sais les horreurs de cette vie
et je ne m’en lasserai jamais d’en débusquer les merveilles,
c’est faire son travail d’homme et vous le savez bien :

ce genre de travail n’est jamais fini,
c’est comme les images,
elles continuent à trembler après le bain,
bien après la magie des révélations.

Vos images ne sont pas des mirages.
Vos images sont des points d’eau dans le désert.

(Christian Bobin)

 Illustration: Edouard Boubat

 

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Rwanda (Alain Boudet)

Posted by arbrealettres sur 31 octobre 2022




    
Rwanda

Encore un enfant
qui s’écroule

Encore mille enfants
émiettés par la guerre

Leurs yeux n’ont vu que l’incroyable
que l’innommable quotidien

Terre engraissée des longs massacres
où les corps n’ont aucun repos
que la mort portée par les fièvres

Terre abreuvée
des larmes rouges de l’innocence
exsangue et nue

Il en faudra
des nuits de sources des nuits lavées
sans hurlements
pour cicatriser les regards
blessés d’horreurs et de misère

Il en faudra des nuits sans peur
des nuits de mousse et de douceur
pour bercer les gorges à vif
et l’écorchure de leurs yeux

Il en faudra
du temps
pour les réconcilier avec l’enfance

(Alain Boudet)

Recueil: La révolte des poètes
Traduction:
Editions: Livre de poche Jeunesse

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE SURSAUT (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2022



 

Brendan Monroe_Competitors_2009_1518_97

LE SURSAUT

Le doit et l’avoir
ne se lisent plus
dans le cristal fou des temples

pour un instant
seulement
par-delà le gel des années inutiles
une force nouvelle se hisse
dans les yeux des officiants

instant d’alarme et de griffe
redoublement de grâce
au chevet de la grande forêt
où se perd le prix de chaque geste

L’horreur du lendemain
suffit à soutenir le rêve.

(Georges Henein)

Illustration: Brendan Monroe

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

BERCEUSE (Charles Cros)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    
BERCEUSE

Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j’ai mis l’éteignoir
Sur la chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux…
Moi rêver d’Elle.

Nous n’avons pas pris de café,
Et, dans notre lit bien chauffé
(Qui veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras,
J’oublierai l’heure.

Sous tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a déchiré
Ma vie entière.

Et ton cauchemar sur les toits
Te dira l’horreur d’être trois
Dans une idylle.
Je subirai les yeux railleurs
De son faux cousin, et ses pleurs
De crocodile.

Si tu t’éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D’une épée au bout du bras long
Du fat qu’elle aime.

Puis, hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris
Moi, des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car, au fond, l’homme et le matou
Sont bien stupides.

(Charles Cros)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Ils étaient jeunes ils étaient beaux (Béatrice Bastiani-Helbig)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022




    
Ils étaient jeunes
ils étaient beaux
de bleu vêtus
Ils sont partis
fleur au fusil

Il verrait bien de quel bois
on se chauffe
l’ennemi
On le repousserait chez lui
Et puis
on rentrerait chez soi
C’était l’affaire de quelques mois

Dans les tranchées d’en face
ils étaient jeunes
ils étaient beaux
de gris vêtus
Un peu plus blonds peut-être

D’un côté comme de l’autre
tous avaient laissé
leur mère, leur sœur, leur fiancée
leur femme, leurs enfants
et les enfants à naître

Ils leur avaient bourré la tête
les bons apôtres :
ils se battraient pour la Nation

Mais ils n’étaient rien que les pions
d’un échiquier géant
dont les joueurs étaient seuls maîtres

Chair à canon
ils ont été déchiquetés
les bruns, les blonds
les bleus, les gris
Leur sang était le même

Dans leur âme et dans leur corps
à tout jamais meurtris
tous ceux qui ne sont pas tombés
au champ d’horreur
en criant : « Maman ! »

Il y a toujours une guerre quelque part
Quand comprendrons-nous ?
Quand comprendrons-nous ?

(Béatrice Bastiani-Helbig)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

L’ arbre à poèmes (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2021



L’ arbre à poèmes

-Sors de ce vieux bourbier à poésie, poète !
de sa vase gluante aux crapauds endormis.
Soulève-toi d’horreur, mais non plus
à demi, couverts de lieux communs épais,
d’images blettes.

Jarrets gonflés par ton effort, soulève-toi
des eaux croupies du Rêve. -Oui, c’est
fait. Mais pourquoi, resté-je ainsi courbé,
vaincu par mon effort ! Un peuple de
sylvains me nargue sur ces bords ?…

A leurs cris je me dresse en piétinant
d’orgueil. Que fais-je là ? Je prends
racine, je m’enfeuille, et j’entends rire
Pan au cœur de ma feuillée… Je suis
un arbre à poèmes : un poémier.

(Paul Fort)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 8 Comments »

SILENCE ET POUSSIÈRES (Gérard Noiret)

Posted by arbrealettres sur 7 octobre 2021




SILENCE ET POUSSIÈRES

Qui, sous la pâleur des chairs,
avec la silhouette en cette horreur de contours !
identifierait la jolie blonde
fêtant son bac, pieds nus devant les seringas ?
Certainement pas elle, trois gosses plus tard
quand sortir en amoureux, dit la charcutière,
ça se compte sur les doigts…
CA-SE-COM-PTE-SUR-LES-DOIGTS !

(Gérard Noiret)

Illustration

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

REPOS DANS LE MALHEUR (Henri Michaux)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2021



 

Juliette Brigand-Damville

REPOS DANS LE MALHEUR

Le Malheur, mon grand laboureur,
Le Malheur, assois-toi,
Repose-toi,
Reposons-nous un peu toi et moi.
Repose,
Tu me trouves, tu m’éprouves, tu me le prouves,
Je suis ta ruine.

Mon grand théâtre, mon havre, mon âtre,
Ma cave d’or,
Mon avenir, ma vraie mère, mon horizon,
Dans ta lumière, dans ton ampleur, dans ton horreur,
Je m’abandonne.

(Henri Michaux)

Illustration: Juliette Brigand-Damville

 

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 
%d blogueurs aiment cette page :