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Poésie

Posts Tagged ‘ici’

Le désert (Maître Eckart)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2023


desert

Ce point est la montagne
à gravir sans agir
Intelligence!
Le chemin t’emmène
au merveilleux désert,
au large, au loin,
sans limite il s’étend.
Le désert n’a
ni lieu ni temps,
il a sa propre guise.

Ce désert est le Bien
par aucun pied foulé,
le sens créé
jamais n’y est allé:
Cela est; mais personne ne sait quoi.
C’est ici et c’est là,
c’est loin et c’est près,
c’est profond et c’est haut,
c’est donc ainsi
que ce n’est ça ni ci.

***

Des puntez berk
stîg âne werk,
vorstenlichkeit!
der wek dich treit
in eine wûste wunderlîch,
die breît, di wît,
unmêzik lît.
dî wûste bat
noch zît noch stat,
ir wîse dî ist sunderlîch.

Daz wûste gût
nî vûz durch wût,
geschaffen sin
quam nî dâ hin:
us ist und weis doch nimant was.
us hî, us dâ
us verre, us nâ
us tîf, us hô
us ist alsô,
daz us ist weder diz noch daz.

(Maître Eckart)

Illustration

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Une porte (Hélène Cadou)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2023




    
Une porte
Entre ici
Et là-bas
Ne s’est jamais refermée

Tu vas
Tu viens
Avec la mer
Avec les grandes marées
Du cœur

Si un jour
Tu ne revenais plus
Sur ce rivage
Je saurais que la mort
Lasse d’attendre

Se dresse
Juste
Derrière mon épaule

Prête à jeter
La clé
Dans la nuit
Sans retour.

(Hélène Cadou)

Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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Quand vous écrivez des haïkus (Marjorie Miles)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2023




    
Quand vous écrivez des haïkus,
votre intuition vous révèle
ce que vous ne saviez pas savoir
avant de l’écrire.

Cette façon de se surprendre soi-même
avec ses propres mots de sagesse
— ou d’être surpris par la sagesse
contenue dans les poèmes des autres —
est au coeur de la guérison poétique.

***

la mort n’a pas sa voix ici
l’espoir, le soutien, le courage, se partagent
Nous sommes des survivants!

(Marjorie Miles)

Recueil: L’effet haïku (Pascale Senk)
Editions: POINTS

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Il n’y a pas d’ailleurs (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2023




    
il n’y a pas d’ailleurs
où guérir d ici

(Eugène Guillevic)

Recueil: L’effet haïku (Pascale Senk)
Editions: POINTS

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Exil (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023




    
Exil

Je ne suis plus d’ici
Lieu de transit
Comptoir d’un hôtel
Baie vitrée panoramique
Les silhouettes tournent
Et me reviennent
La ville les appelle
Vivre vite
Ne plus chercher un visage en particulier
J’ai échoué en suivant des ombres
Dans les impasses de l’amitié
Alors je me glisse dans la première valise venue
Retiens mon souffle
Bringuebalé aux douanes du hasard
En passe-muraille de mon époque
Je rentre peut-être chez moi

(Grégory Rateau)

Recueil: Imprécations nocturnes
Traduction:
Editions: Conspiration

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SI L’AMOUR FUT (André Frénaud)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2023




    
SI L’AMOUR FUT

Mon amour, était-ce toi ou mon seul élan,
le nom que ma parole a donné à son désir.
As-tu existé, toi l’autre? Était-il véritable,
sous de larges pommiers entre les pignons,
ce long corps étendu tant d’années?

L’azur a-t-il été un vrai morceau du temps?
N’ai-je pas imaginé une vacance dans l’opaque?
Étais-tu venue, toi qui t’en es allée?
Ai-je été ce feu qui s’aviva, disparut?

Tout est si loin. L’absence brûle comme la glace.
Les ramures de mémoire ont charbonné.
Je suis arrêté pour jusqu’à la fin ici,
avec un souvenir arrêté qui n’a plus de figure.

Si c’est un rêve qu’éternel amour,
qu’importe j’y tiens.
J’y suis tenu ou je m’y trouve abandonné.
Désert irrémédiable et la creuse fierté.
Quand tu reviendras avec un autre visage,
je ne te reconnais pas, je ne sais plus voir, tout n’est rien.

Hier fut. Il était mêlé de bleu et frémissait,
ordonnancé par un regard qui change.
Une chevelure brillait, violemment dénouée,
recomposée autour de moi, je le croyais.
Le temps remuait parmi l’herbe souterraine.
Éclairés de colère et de rire, les jours battaient.
Hier fut.
Avant que tout ne s’ébranlât un amour a duré,
verbe qui fut vivant, humain amour mortel.

Mon amour qui tremblait par la nuit incertaine.
Mon amour cautionné dans l’oeil de la tempête
et qui s’est renversé.

(André Frénaud)

Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Mon nez vieillit (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 1 janvier 2023



    
Mon nez vieillit

Ouaip.
Septembre, long regard paresseux
dans le miroir,
mais dis donc c’est vrai :

j’ai 31 ans
et mon nez
vieillit.

Ça commence à
un pouce
sous l’arête
et retombe gériatriquement
d’un pouce environ
avant de faire
halte.

Par chance, le reste
du nez est comparativement
jeune.

Je me demande si les filles
voudront de moi avec mon
vieux nez.

je les entends d’ici
les garces sans coeur !

« Il est adorable
mais son nez
est vieux. »

***

My Nose Is Growing Old

Yup.
A long lazy September look
in the mirror
says it’s true:

I’m 31
and my nose is growing
old.

It starts about
an inch
below the bridge
and strolls geriatrically
down
for another inch or so:
stopping.

Fortunately, the rest
of the nose is comparatively
young.

I wonder if girls
will want me with an
old nose.

I can hear them now
the heartless bitches!

« He’s cute
but his nose
is old ».

(Richard Brautigan)

 

Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral

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Trou d’étoile (Richard Brautigan)

Posted by arbrealettres sur 31 décembre 2022




    
Trou d’étoile

Je m’assois ici
au bord parfait
d’une étoile,

et regarde la lumière
s’écouler vers
moi.

La lumière
passe à travers
un petit trou
dans le ciel.

Je ne suis pas très heureux
mais je peux voir
comment sont les choses
au loin.

***

Star Hole

I sit here
on the perfect end of
a star,

watching light
pour itself toward
me.

The light pours
itself through a
small hole in
the sky.

I’m not very happy,
but I can see how
things are
faraway.

(Richard Brautigan)

 

Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral

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POUR VIVRE ICI (Paul Éluard)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022




POUR VIVRE ICI

I

Je fis un feu, l’azur m’ayant abandonné,
Un feu pour être son ami,
Un feu pour m’introduire dans la nuit d’hiver,
Un feu pour vivre mieux.

Je lui donnai ce que le jour m’avait donné :
Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.

Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes,
Au seul parfum de leur chaleur;
J’étais comme un bateau coulant dans l’eau fermée,
Comme un mort je n’avais qu’un unique élément.

II

Le mur de la fenêtre saigne
La nuit ne quitte plus ma chambre
Mes yeux pourraient voir dans le noir
S’ils ne se heurtaient à des ruines

Le seul espace libre est au fond de mon coeur
Est-ce l’espace intime de la mort
Ou celui de ma fuite

Une aile retirée blessée l’a parcouru
Par ma faiblesse tout entier il est cerné
Durerai-je prendrai-je l’aube
Je n’ai à perdre qu’un seul jour
Pour ne plus même voir la nuit

La nuit ne s’ouvre que sur moi
Je suis le rivage et la clé
De la vie incertaine.

III

La lune enfouie les coqs grattent leur crête
Une goutte de feu se pose sur l’eau froide
Et chante le dernier cantique de la brume

Pour mieux voir la terre
Deux arbres de feu emplissent mes yeux

Les dernières larmes dispersées
Deux arbres de feu me rendent la vie

Deux arbres nus
Nu le cri que je pousse
Terre

Terre vivante dans mon coeur
Toute distance conjurée
Le nouveau rythme de moi-même
perpétuel

Froid plein d’ardeur froid plein d’étoiles
Et l’automne éphémère et le froid consumé
Le printemps dévoué premier reflet du temps
L’été de grâce par le coeur héros sans ombres

Je suis sur terre et tout s’accommode du feu.

IV

Autour des mains la perfection
Mains pâles à déchirer le sang
Jusqu’à ce que le sang s’émousse
Et murmure un air idéal

Autour de tes mains la nature
Compose ses charmes égaux
À ta fenêtre
Aucun autre paysage
Que le matin toujours

Toujours le jour au torse de vainqueur

La jeunesse comblant la chair

En caressant un peu la terre
Terre et trésor sont mêlés
En écartant quelques brins d’herbe
Tes mains découvrent le soleil
Et lui font de nouveaux berceaux.

V

Aucun homme n’est invisible
Aucun homme n’est plus oublié en lui-même
Aucune ombre n’est transparente

Je vois des hommes là où il n’y a que moi
Mes soucis sont brisés par des rires légers
J’entends des mots très doux croiser ma voix sérieuse
Mes yeux soutiennent un réseau de regards purs

Nous passons la montagne et la mer difficiles
Les arbres fous s’opposent à ma main jurée
Les animaux errants m’offrent leur vie en miettes
Qu’importe mon image s’est multipliée
Qu’importe la nature et ses miroirs voilés
Qu’importe le ciel vide je ne suis pas seul.

(Paul Éluard)

Illustration

 

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L’eau douce de notre regard (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 27 décembre 2022



L’eau douce de notre regard

Le ciel est trop haut, trop cruelle la marée;
C’est ici, c’est ici qu’il nous faut tout reprendre.
Mais aux mots de chaque jour nos langues se sont usées,
A trop vivre s’est perdue l’eau douce de notre regard.

(Andrée Chedid)

Illustration

 

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