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Poésie

Posts Tagged ‘île’

Île (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023




    
Île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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Les Vacances au bord de la mer (Michel Jonasz)(Pierre Grosz)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




    
Les Vacances au bord de la mer

On allait au bord de la mer
Avec mon père, ma sœur, ma mère
On regardait les autres gens
Comme ils dépensaient leur argent
Nous il fallait faire attention
Quand on avait payé le prix d’une location
Il ne nous restait pas grand-chose

Alors on regardait les bateaux
On suçait des glaces à l’eau
Les palaces, les restaurants
On ne faisait que passer d’vant
Et on regardait les bateaux
Le matin on se réveillait tôt
Sur la plage pendant des heures
On prenait de belles couleurs

On allait au bord de la mer
Avec mon père, ma sœur, ma mère
Et quand les vagues étaient tranquilles
On passait la journée aux îles
Sauf quand on pouvait déjà plus
Alors on regardait les bateaux
On suçait des glaces à l’eau
On avait le cœur un peu gros
Mais c’était quand même beau

On regardait les bateaux
La la la la la…

(Michel Jonasz)(Pierre Grosz)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Ma vie, ma vie (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2023




    
Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé
Il a fallu que tu reviennes

Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de. meilleur,
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s’unissent et renaissent.

Entré en dépendance entière
Je sais le tremblement de l’être
L’hésitation à disparaître
Le soleil qui frappe en lisière

Et l’amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l’instant
Il existe, au milieu du temps,
La possibilité d’une île.

(Michel Houellebecq)

Recueil: Non réconcilié
Editions: Gallimard

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RETOUCHE A LA FEMME ADULTÈRE (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023


 


 Declan Boyle (3) [1280x768]

RETOUCHE A LA FEMME ADULTÈRE

La dame qui s’enfuit avec l’expert-comptable
rêve plus que jamais
du poète qu’elle a dans un livre trouvé

mais sa main lamentable
ne porte désormais
que la cage des rimes
d’où s’est sauvée la vérité
l’oiseau des Iles
son ombre démesurée

(Daniel Boulanger)

Illustration: Declan Boyle

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A marée basse (Laurent Graff)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2023




    
A marée basse, on voit toute la dentition de l’île,
avec ses caries d’algues, ses amalgames de moules.

(Laurent Graff)

Recueil: Au nom de sa majesté
Editions: Le dilettante

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Bateau-île (Laurent Graff)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2023



Illustration: Ron Mueck  
    
Bateau-île ou île-bateau,
ça dépend du vent.

(Laurent Graff)

Recueil: Au nom de sa majesté
Editions: Le dilettante

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Il existe des îles dans l’île (Laurent Graff)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2023



Illustration
    
Il existe des îles dans l’île:
l’île de son métier,
l’île de sa solitude,
l’île de son mariage,
l’île de son âge.

(Laurent Graff)

Recueil: Au nom de sa majesté
Editions: Le dilettante

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RÉSISTER (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2023




    
RÉSISTER
(pour Gérard Trougnou)

Je résiste
Et me rebelle
Je me révolte
Contre moi-même
En fronde
En jacquerie
Je m’insurge
Contre la vie
Je rejette
Ce monde
Voué à mort
Et vieillesse
Que sont devenus
Ces temps étoilés
Ces temps lumineux
Où les regards étincelaient
Ces temps offerts
Entre un miracle
Et l’autre
Ces temps d’amour
Et de partage
Où l’on bondit
D’île en île
Bravant la nuit ?

Résister aux temps
Qui nous courbent
Et nous voûtent
Résister aux vents
Qui fracassent
Notre chant
Résister
A tous ceux
Qu’on redoute

Résister
Et debout
Clamer
Notre liberté.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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SOLEIL DE MES VINGT ANS… (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2023



Illustration: Alexis Leborgne
    
SOLEIL DE MES VINGT ANS…

Soleil de mes vingt ans vous offensez mes ombres
Par vos jeux indiscrets
Car d’un temple inconnu je déchiffre les nombres
Et les calculs secrets.

Du sommeil de l’amour j’avais chanté l’étude.
Son flux et son reflux
Peuplaient et dépeuplaient l’île de solitude
Où je n’habite plus.

Vers un lieu sous-marin environné de pieuvres
Dans mon sommeil parti
Mon regard de noyé observe de mes œuvres
Le navire englouti.

J’avais pour vous rêvé, navire, des voyages
Toutes voiles dehors…
Et voilà maintenant qu’algues et coquillages
Recouvrent vos trésors.

Vitesse enivrez-vous je vous cède la place
Passez votre chemin
Votre orgueilleuse gloire étant que je vous fasse
Un signe de la main.

Passez m’éclaboussant de boue et de lumière.
Je ne le ferai pas.
Je vous laisse à vos buts. Le mien c’est la manière
Dont je pose mes pas.

(Jean Cocteau)

 

Recueil: Clair-obscur
Traduction:
Editions: Points

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