Comme si je n’avais jamais vécu dans cette maison
qui, libérée des meubles lourds,
essaye à présent de garder l’équilibre.
Pareille à une louve qui soudain s’est retrouvée
dans une clairière, je tourne en rond
autour du sapin de Noël
incliné au milieu du salon vide.
Deux louveteaux posent en silence
leurs museaux dans la neige
et regardent les pommes sèches
et les guirlandes parmi les branches.
Mais la lumière qui rayonne de leurs yeux
lave tous les îlots boueux dans le courant
de la Voie lactée
et nous entrons avec des chaussures propres
dans une autre année.
(Aksinia Mihaylova)
Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard
Tel un Jack Sparrow, je remonte mes manches
J’assure pas, j’assure plus, sans mon verre sur la planche
Tel un Jack de trop, du dimanche au dimanche
J’assume pas, non j’assume plus, je ne suis plus étanche
C’est pas la mer à boire tu sais, juste un peu d’eau salée
Solo, et soûlé, sur mon îlot isolé
J’ai des idées noires tu sais, une mouche dans un verre de lait
Même si je perds la mémoire, je bois pour oublier
Et j’entends les sirènes
Résonner au loin
Elles vont, elles viennent
Chercher les marins
Et j’entends les sirènes
Dans la tempête au loin
Avec la vie que je mène
Elles viendront pour moi demain
Tel un Jack Sparrow, je remonte les marches
Je les servais les mecs comme moi tu sais, dans ma chemise blanche
À trinquer un peu trop, perroquet sur la planche
Mon rein a coulé comme un radeau qui prend l’eau, et qui flanche
C’est pas la mer à boire tu sais, juste un peu d’eau salée
Sous l’eau, et soûlé, sur mon îlot isolé
J’ai des idées noires tu sais, une mouche dans un verre de lait
Même si je perds la mémoire, je bois pour oublier
Et j’entends les sirènes
Résonner au loin
Elles vont, elles viennent
Chercher les marins
Et j’entends les sirènes
Dans la tempête au loin
Avec la vie que je mène
Elles viendront pour moi demain
J’entends les sirènes
J’ai plongé profond
Ma tristesse est comme la mer
Elle n’a pas de fond
Majesté du torii
Passage dans un monde d’esprits Kamis
Apaisant
Hors du temps
Reflets impressionnistes
Souffle venteux, frêle risée
Grands arbres froissés
Vaguelette rosée, frisotante,
Mille fleurs envolées
Écrin de nature
Rives aux teintes contrastées
Feuillages tendres juste éclos
Nuages d’arbustes vert profond
Coulées d’azalées rouge nacré
Ilot de camélias allure fuchsia
Tableau éphémère
Ancré dans le temps.
Flamboyant,
Un pont japonais, campé,
Vermillon écarlate
Entre terre et terre
Entre rêve et onde
Pétale blanc au gré du courant…
Le matin le brouillard cache
La vague endormie
Qui se réveille avec
Un bâillement de bateau
Un courant furtif
Entoure d’un clapotis
La barque attachée à la berge
Et ma Seine m’entraîne
En rêve jusqu’à la mer
Elle ceinture une robe
Bariolée de champs vastes
Et de jardins petits
De villes et de villages
Elle étrangle
Des îlots de verdure
Glisse sous les ponts
Ses anneaux
Secoués de convulsions
Et avale la lente navigation
De lourdes péniches
Qu’elle digère mal.
Le loquet se soulève,
un îlot de lumière
S’étend dans la cour.
Voûtant le dos sous la porte basse,
Dans ce couloir doré ils passent
Puis s’évanouissent dans l’obscurité.
Flaque d’eau, pavés ronds, chambranle et seuil
Restent figés dans ce bloc de lumière
Jusqu’à ce qu’à grands pas,
au-delà de son ombre
Elle rentre,
et que tout redevienne noir.
Je suis né sur les bords de la Seine et de l’Oise,
Auprès d’un archipel d’îlots embroussaillés
Qui me semblaient voguer avec les mariniers
Vers Mantes-la-Jolie, ou venir de Pontoise.
Les lourds chalands de bois saluaient la Fin d’Oise
Et menaient à Paris leurs frets dépareillés :
Le vin bleu du Maghreb et la pâte à papier,
L’anthracite du Nord et la bière lilloise.
Sur leur route en lacets c’est dévidé mon âge,
Sans hâte et sans arrêt, le rouleau du voyage
A laminé mon temps jusqu’au dernier filet.
S’il coula dans le creux de mes mains par hasard,
Comme un libre désordre est un effet de l’art,
J’ai pu croire un instant qu’il s’éterniserait.