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Poésie

Posts Tagged ‘importuner’

BRUIT (Régis Belloeil)

Posted by arbrealettres sur 30 octobre 2021




BRUIT

Ouvrir les yeux
Fixer le mur
Pourquoi serais-je attendu
Quelque part dans le noir ?

Rien d’inhabituel et pourtant
Rien de familier non plus
Quelque chose d’enfoui
Au fond de mon esprit
Tente de refaire surface
Avec le sentiment confus
Que je dois me souvenir

Les voix m’ont importuné
Pendant deux ou trois semaines
Puis elles sont sorties de ma vie
Poliment

Merveilleux silence
Merveilleuse paix
J’espère qu’elles ne reviendront pas

je vous en prie
Ne revenez pas

(Régis Belloeil)

Illustration

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Rondeau de la moule (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 4 février 2020




    
Rondeau de la moule

La moule bâille au clair de lune
Entre les étoiles de mer
L’arapède au rictus amer
Et l’oursin aux aiguilles brunes

La vague idiote l’importune
Et le crabe aux pinçons pervers
La moule bâille au clair de lune

Le vent qui souffle de la dune
Lui flanque un frisson dans la chair
Ah vivre au coeur du Loir-et-Cher
Près d’une plantation d’agrumes
La moule bâille au clair de lune

(Jacques Roubaud)

 

Recueil: Rondeaux poésies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Le vallon (Alphonse de Lamartine)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2018



Samsung

Le vallon

Mon coeur, lassé de tout, même de l’espérance,
N’ira plus de ses voeux importuner le sort ;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d’un jour pour attendre la mort.

Voici l’étroit sentier de l’obscure vallée :
Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais,
Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,
Me couvrent tout entier de silence et de paix.

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon ;
Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure,
Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.

La source de mes jours comme eux s’est écoulée ;
Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour :
Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée
N’aura pas réfléchi les clartés d’un beau jour.

La fraîcheur de leurs lits, l’ombre qui les couronne,
M’enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux,
Comme un enfant bercé par un chant monotone,
Mon âme s’assoupit au murmure des eaux.

Ah ! c’est là qu’entouré d’un rempart de verdure,
D’un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J’aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,
A n’entendre que l’onde, à ne voir que les cieux.

J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ;
Je viens chercher vivant le calme du Léthé.
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie :
L’oubli seul désormais est ma félicité.

Mon coeur est en repos, mon âme est en silence ;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu’affaiblit la distance,
A l’oreille incertaine apporté par le vent.

D’ici je vois la vie, à travers un nuage,
S’évanouir pour moi dans l’ombre du passé ;
L’amour seul est resté, comme une grande image
Survit seule au réveil dans un songe effacé.

Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile,
Ainsi qu’un voyageur qui, le coeur plein d’espoir,
S’assied, avant d’entrer, aux portes de la ville,
Et respire un moment l’air embaumé du soir.

Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ;
L’homme par ce chemin ne repasse jamais ;
Comme lui, respirons au bout de la carrière
Ce calme avant-coureur de l’éternelle paix.

Tes jours, sombres et courts comme les jours d’automne,
Déclinent comme l’ombre au penchant des coteaux ;
L’amitié te trahit, la pitié t’abandonne,
Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.

Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime ;
Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.

De lumière et d’ombrage elle t’entoure encore :
Détache ton amour des faux biens que tu perds ;
Adore ici l’écho qu’adorait Pythagore,
Prête avec lui l’oreille aux célestes concerts.

Suis le jour dans le ciel, suis l’ombre sur la terre ;
Dans les plaines de l’air vole avec l’aquilon ;
Avec le doux rayon de l’astre du mystère
Glisse à travers les bois dans l’ombre du vallon.

Dieu, pour le concevoir, a fait l’intelligence :
Sous la nature enfin découvre son auteur !
Une voix à l’esprit parle dans son silence :
Qui n’a pas entendu cette voix dans son coeur ?

(Alphonse de Lamartine)

Illustration: Maurice Gabriel Malézieux

 

 

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Ne trouble pas l’eau claire (Gérard Mottet)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2018



Illustration  
    
Ne trouble pas l’eau claire

Ne trouble pas l’eau claire du ruisseau
en la frappant
de ton bâton aveugle

Ne trouble pas la vérité
en la cherchant
obstinément

d’elle-même elle se découvrira
quand elle sera disposée
à se montrer

ne l’importune pas de tes requêtes
tu sais bien que la vérité ne se dévoile
qu’aux yeux préparés à la voir.

Ne trouble pas l’eau claire du ruisseau
en la frappant
de ton bâton aveugle

(Gérard Mottet)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: L’ombre des étoiles
Traduction:
Editions: Encres Vives

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L’HOMME NOIR (Sergueï Essénine)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2018




    
L’HOMME NOIR

Mon ami, mon ami,
je suis si malade, si malade !
D’où me vient ce mal, je ne sais.
Est-ce le sifflement du vent
sur les champs vides et désolés,
est-ce l’alcool qui de matière grise me dépouille
tel en septembre le petit bois s’effeuille ?

Comme l’oiseau, de l’aile
ma tête bat des pavillons,
les jambes l’importunent
bouger est au-dessus de ses forces.
Un homme noir
noir, noir,
un homme noir, sur le lit
près de moi s’est assis,
un homme noir, de la nuit
ne me laisse de répit.

Nasillant au-dessus de moi
comme un moine sur un défunt
l’homme noir
le doigt sur un livre abject
me narre la vie
d’un faquin de noceur,
soufflant sur mon âme alarmes et terreurs.
L’homme noir,
noir, noir…

***

(Sergueï Essénine)

 

Recueil: Journal d’un poète
Traduction: Christiane Pighetti
Editions: De la Différence

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Qui a rejeté son démon (Henri Michaux)

Posted by arbrealettres sur 29 juin 2017




    
Qui a rejeté son démon
nous importune avec ses anges

(Henri Michaux)

 

Recueil: Face aux verrous
Editions: Gallimard

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Monsieur interroge Monsieur (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2016



Monsieur interroge Monsieur

Monsieur, pardonnez-moi
de vous importuner
quel bizarre chapeau
vous avez sur la tête !

-Monsieur vous vous trompez
car je n’ai plus de tête
comment voulez-vous donc
que je porte un chapeau !

– Et quel est cet habit
dont vous êtes vêtu ?

– Monsieur je le regrette
mais je n’ai plus de corps
et n’ayant plus de corps
je ne mets plus d’habit.

– Pourtant lorsque je parle
Monsieur vous répondez
et cela m’encourage
à vous interroger :

-Monsieur quels sont sont ces gens
Que je vois rassemblés
Et qui semblent attendre
Avant d’avancer ?

-Monsieur ce sont des arbres
Dans une plaine immense
Ils ne peuvent pas bouger
Car ils sont attachés.

-Monsieur Monsieur Monsieur
Au-dessus de nos têtes
Quels sont ces yeux nombreux
Qui dans la nuit regardent ?

-Monsieur ce sont des astres
Ils tournent sur eux-mêmes
Et ne regardent rien.

-Monsieur quels sont ces cris
Quelque part on dirait
On dirait que l’on rit
On dirait que l’on pleure
On dirait que l’on souffre ?

-Monsieur ce sont les dents
Les dents de l’océan
Qui mordent les rochers
Sans avoir soif ni faim
Et sans férocité.

– Monsieur quels sont ces actes
ces mouvements de feux
ces déplacements d’air
ces déplacements d’astres
roulements de tambour
roulements de tonnerre

on dirait des armées
qui partent pour la guerre
sans avoir d’ennemi ?

– Monsieur c’est la matière
qui s’enfante elle-même
et se fait des enfants
pour se faire la guerre.

-Monsieur soudain ceci
soudain ceci m’étonne
il n’y a plus personne
pourtant moi je vous parle
et vous, vous m’entendez
puisque vous répondez !

– Monsieur ce sont les choses
qui ne voient ni entendent
mais qui voudraient entendre
et qui voudraient parler.

– Monsieur à travers tout
quelles sont ces images
tantôt en liberté
et tantôt enfermées
cette énorme pensée
où des figures passent
où brillent des couleurs ?

– Monsieur c’était l’espace
et l’espace
se meurt.

(Jean Tardieu)


Illustration

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