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Poésie

Posts Tagged ‘incapable’

Chimère (Adil Mahmud)

Posted by arbrealettres sur 18 janvier 2023




    
Chimère

J’imaginais avoir beaucoup appris,
j’ai passé bien des années dans des rêveries,
et ai récolté maintes déceptions de mes chimères.
J’ai fait ce que j’étais incapable de faire :
j’ai déplacé les montagnes, fait rouler des trains
dans leur ventre.
Comme un roi content que ses volontés soient faites
j’étais satisfait,
et ma conscience s’envolait haut comme un oiseau et revenait à moi

Mais ce que j’ai raté,
la plus grande chose que j’ai ratée, c’est d’apprendre
à dire
au bon moment
à qui j’aime
je
t’aime.

(Adil Mahmud)

***

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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Tristes souvenirs (Mei Yaochen)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Tristes souvenirs

Du temps où tu gagnas ma maison
Jamais je n’ai eu dans tes yeux l’impression d’être pauvre.
Chaque soir, jusqu’à minuit aux travaux de couture ;
Le repas toujours prêt au temps accordé.
Neuf jours sur dix, nous nous contentions de légumes salés.
Mais toujours tu gardais en surprise une belle pièce de viande.
Nous comme l’est et l’ouest unis dix-huit ans durant,
Partageant l’amer et le doux.
Nous comptions alors sur cent ans d’amour.
Mais en une nuit seulement je t’ai perdu.
Ta fin me revient inlassable en mémoire ;
Comme tu tenais ma main, incapable de parler.
Ce corps vieilli qui dure encore,
Te rejoindra vite dans la poussière.

(Mei Yaochen)

(1002-1060)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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DEPUIS QUE JE VOUS AI QUITTÉ… (William Shakespeare)

Posted by arbrealettres sur 31 mai 2022




    
DEPUIS QUE JE VOUS AI QUITTÉ…
(sonnet CXIII)

Depuis que je vous ai quitté, mon oeil sans cesse
Est dedans mon esprit et guide mal mes pas.
Il semble regarder les choses d’ici-bas
Mais, aveugle à demi, les ignore et délaisse.

Au coeur, aucun aspect n’est transmis par ses soins
De ce qu’il peut saisir : l’oiseau, la fleur, l’image.
De ce vif, à l’esprit rien n’échoit en partage
Lui-même ne retient rien de ce qu’il étreint.

Le rude et le charmant, la mer et le sommet,
L’être comblé de dons, ou bien déshérité,
Le corbeau, la colombe, et le jour et la nuit,

S’il les perçoit, ce n’est que de vos traits formés.
Incapable de plus, et de vous tout empli,
Trop vrai, mon esprit fait mon oeil sans vérité.

***

Since I left you, mine eye is in my mind,
And that which governs me to go about
Doth part his function, and is partly blind,
Seems seeing, but effectively is out;

For it no form delivers to the heart
Of bird, of flow’r, or shape which it doth latch.
Of his quick objects hath the mind no part,
Nor his own vision holds what it doth catch;

For if it see the rud’st or gentlest sight,
The most sweet favour or deformed’st creature,
The mountain, or the sea, the day, or night,

The crow, or dove, it shapes them to your feature.
Incapable of more, replete with you,
My most true mind thus makes mine untrue.

(William Shakespeare)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: Jean Rousselot
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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LES VAGABONDS (Langston Hughes)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2020



 

LES VAGABONDS

Nous sommes les désespérés,
Les jamais soucieux,
Les affamés,
Qui n’avons aucun lieu
Pour manger,
Aucun endroit pour dormir,
Les sans larmes
Incapables
De pleurer.

***

Vagabonds

We are the desperate
Who do not care,
The hungry
Who have nowhere
To eat,
No place to sleep,
The tearless
Who cannot
Weep.

(Langston Hughes)

Illustration: Théophile Alexandre Steinlen

 

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Quand vous éliminez (Randall Jarrell)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2019


 


 

Ettore Aldo Del Vigo 33

Quand vous éliminez l’un des éléments contradictoires de votre oeuvre d’art,
vous ne vous débarrassez pas simplement de lui,
mais aussi de la contradiction dont il faisait partie;
et ce sont les contradictions contenues dans les oeuvres d’art
qui leur donnent la faculté de nous dépeindre –
ce dont les généralisations logiques et méthodiques sont incapables –
notre monde et nous-mêmes,
remplis eux aussi de contradictions.

(Randall Jarrell)

Illustration: Ettore Aldo Del Vigo

 

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C’EST À DIRE (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2019




Illustration: Fernand Dubuis

    
C’EST À DIRE
(Le bruit qui n’est pas entendu)

Pour Fernand Dubuis, qui a enrichi ce texte de couleurs rares aux harmonies inattendues.

Au tournant du verbe
accablé de masques
dont l’être intermittent
parfois surgit
lampe éphémère
pour que renaissent
les ténèbres
en vain refoulées
parfois plonge à l’oubli définitif
recours
depuis l’origine inconnue
jusqu’au-delà du futur
où tant de douleurs
enfin pétrifiées seront
c’est-à-dire
ne seront plus
voici pour le veilleur
ensommeillé
l’écho qui s’interroge
au-dehors sans répondre
le sifflement de l’ennemi
sous la porte
peut-être la clé
perdue
ou du moins ce mince fil
conducteur de vocables
mais pour qui mais pourquoi
s’il n’est rien
s’il s’enroule inutile
à l’index
ou s’il
retentit solitaire
ou s’il est incapable
de révéler autre chose
que sur le sol
à l’ombre de l’été
ce peu de traces
d’un passage
ou le bruit qui n’est pas entendu
ou les couleurs légères
de l’averse que le soleil
dispense à l’ennui
du littoral
lorsque tout espoir
et tout mal
évanouis
le sable
entonne le tumulte
les cris les rires
la blessure
et le silence même
dans une tête
aux dents serrées
inutile témoin
sur l’astre feu
lentement refroidi
d’être là
et ainsi et ainsi
et toujours
et si vous voulez
que je m’arrête
donnez-moi le mot
sinon— sans fin

je continue.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: L’accent grave et l’accent aigu
Traduction:
Editions: Gallimard

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Incapable d’aucune pensée (Miriam Silesu)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2019



Illustration
    
Incapable d’aucune pensée,
elle ne pouvait que fermer les yeux
pour croire qu’elle était en elle-même.

(Miriam Silesu)

 

Recueil: Cinéraire
Traduction:
Editions: Lettres vives

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Plateau d’oeufs (Patrick Williamson)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2018




    
Plateau d’oeufs

Sur la table un grand plateau d’aras
tachetés de brun, coquilles endormies
qui tanguent comme des yachts
en régate poussés sur la mer.

Fragilité ; nous cassons si facilement,
enlevés au lit de l’amitié,
chaque coquille ronde sans visage
cherchant sa direction, incapable de bouger.

Plénitude et silence ; j’aimerais mettre
leur concentration collective
dans une photo, l’agrandir,
puis les étaler comme des galets
sur une plage et les aligner vers la mer.

***

Tray of eggs

On the table a tray of eggs
with mottled tans, rolling drunk
asleep in their shells, like racing
yachts blown across the sea.

Fragility; we crack so easily,
plucked from the bed of companionship
each rounded shell – faceless,
looking for direction, unable to move.

Full and silent: I would like to take
their massed concentration
in a photograph then, enlarging it,
lay them out like cobblestones
on a beach, and line them up to the sea.

(Patrick Williamson)

 

Recueil: Trois rivières
Traduction: Max Alhau
Editions: L’Harmattan

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Et cela suffisait (Tradition Hassidique)

Posted by arbrealettres sur 10 juin 2018




    
Quand le grand rabbin Israël BaalShem-Tov pensait qu’une menace se profilait contre le peuple juif,
il avait coutume d’aller concentrer son esprit en certain lieu du bois;
là, il allumait un feu, récitait certaine prière et le miracle s’accomplissait : le danger était écarté.

Plus tard, quand son disciple, le célèbre Maguid de Mezeritsch, devait implorer le ciel pour les mêmes raisons,
il accourait au même endroit et disait :
« Maître de l’Univers, écoute-moi. Je ne sais comment allumer le feu, mais je suis encore capable de réciter la prière. »
Et le miracle s’accomplissait.

Plus tard, le rabbin Mosh-Leib de Sassov allait également au bois pour sauver son peuple, et il disait :
« Je ne sais comment allumer le feu, je ne connais pas la prière,
mais je peux me placer à l’endroit propice et cela devrait suffire. »
Et cela suffisait, et le miracle s’accomplissait.

Ensuite, c’est au rabbin Israël de Rizsin qu’il revint d’éloigner la menace.
Assis dans son fauteuil, la tête entre les mains, il parlait à Dieu en ces termes :
« Je suis incapable d’allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne puis même pas trouver le lieu du bois.
Tout ce que je sais faire, c’est raconter cette histoire. Cela devrait suffire. »
Et cela suffisait.

Dieu a créé l’homme parce qu’il aime les histoires. »

(Tradition Hassidique)

 

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Rousse (Jacques Izoard)

Posted by arbrealettres sur 30 mai 2018



Illustration: Hiramatsu Reiji
    
Rousse, la lune m’emplit la bouche
et je demeure sidéré, terrorisé.
Incapable de faire un pas
dans ce jardin noyé de vert
où, pourtant, je respire.

(Jacques Izoard)

 

Recueil: Lieux épars
Traduction:
Editions: De la Différence

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