Deux voyageurs errant dans un seul rêve
Par des chemins d’or sur l’argent des mers
Au Paradis perdu nous sommes revenus,
Un instant réunis sous les arbres en fleurs,
Pour reprendre nos routes,
Inconsolés, et chacun seul.
***
Two wanderers in a single dream
By paths of gold on silver seas
We to lost Paradise came home,
Together stood beneath those blossoming trees,
But went our ways
Uncomforted, and each alone.
1
Femme d’embruns brûlés
Et de bourgeons d’étoile
Qui crayonne les cyclones
La monture des marées
Et par ravine chaude où sommeille ta chaleur
Redonne au monde le bel incendie
La première étincelle
La parole inconsolée des mythes
2
Il fait toujours soleil
Dans la splendeur des songes
Et la roue de tes mains
Lavée du plus beau sang
Au nom du chant des mers disparues
Témoigne
3
Femme aux tempes de pierre polie
Aux temples couleur de jungle
Qui conjure un mauvais sort
Danse de couleuvres
Terre tremblée
Cri mouillé
Femme du fond des nuits
Qui sort les pagaies lumineuses
De sa révolte
Épouse des aurores boréales
Ruche zélée des moussons
Remuant les vagues du commencement
4
Femme
Plus tendre que le coeur du déluge
Un grand sillage phosphorescent
Ta liberté
Feu de l’amour libre
Qui nourrit le soleil
Ta liberté
Mémoire
Tressant
La gerbe des rosées
L’impossible poinçon rouge cousu au front
Des voyances
(Ernest Pépin)
Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Ces mots rentrés qui m’étouffaient
Personne à qui parler
Personne à qui me confier
Hébété de souffrance et de solitude
j’allais me poster sur ce chemin
qui longe le parc où s’élève
l’imposante demeure du couple
qui t’avait adoptée
Tu lisais te baignais jouais au tennis
et je te guettais à travers les arbres
Je t’ai aimée avec la fureur
de mes quinze ans
Mais en raison du secret
un mur s’était érigé dans ma tête
et je n’ai pu le défoncer
Aller à toi
m’était interdit
Tu n’as jamais rien su de cet amour
coupable Rien su de ce qui m’a
dévasté Rien su de cet été noir
de cette fournaise de ces jours
où j’ai failli m’effondrer
J’ignorais que je voyais en toi
celle que je n’ai pas connue
et que je n’ai cessé de chercher
Reviennent sans fin les mornes
journées torrides de cet été noir
Tu es partie
et tu n’as rien su
Inconsolé
Inconsolable
(Charles Juliet)
Recueil: L’Opulence de la nuit
Traduction:
Editions: P.O.L.
Hé quoi ?… Déjà ?… Amour léger comme tu passes !
A peine avons-nous eu le temps de les croiser
Que mutuellement nos mains se désenlacent.
Je songe à la bonté que n’a plus le baiser.
Un jour partira donc ta main apprivoisée !
Tes yeux ne seront plus les yeux dont on s’approche.
D’autres auront ton coeur et ta tête posée.
Je ne serai plus là pour t’en faire un reproche.
Quoi ? sans moi, quelque part, ton front continuera !
Ton geste volera, ton rire aura sonné,
Le mal et les chagrins renaîtront sous tes pas ;
Je ne serai plus là pour te le pardonner.
Sera-t-il donc possible au jour qui nous éclaire,
A la nuit qui nous berce, à l’aube qui nous rit,
De me continuer leur aumône éphémère,
Sans que tu sois du jour, de l’aube et de la nuit ?
Sera-t-il donc possible, hélas, qu’on te ravisse,
Chaleur de mon repos qui ne me vient que d’elle !
Tandis que, loin de moi, son sang avec délice
Continuera son bruit à sa tempe fidèle.
La voilà donc finie alors la course folle ?
Et tu n’appuieras plus jamais, sur ma poitrine,
Ton front inconsolé à mon coeur qui console,
Rosine, ma Rosine, ah ! Rosine, Rosine !
Voici venir, rampant vers moi comme une mer,
Le silence, le grand silence sans pardon.
Il a gagné mon seuil, il va gagner ma chair.
D’un coeur inanimé, hélas, que fera-t-on ?
Eh bien, respire ailleurs, visage évanoui !
J’accepte. A ce signal séparons-nous ensemble…
Me voici seul ; l’hiver là… c’est bien… Nuit.
Froid. Solitude… Amour léger comme tu trembles !
Tu es le ténébreux le veuf l’inconsolé
Tu inventas la couleur des voyelles l’i rouge
Et tu penses donc tu es…
Demain dès l’aube demain dès l’aube tu partiras
Tu te souviens
… La carotte ce sont les vers du nez
C’est toto biographique l’âne dans l’enraciné
Puissent mes feuilles ne pas trop faner.
Elle s’engage entre les murs, elle est proie de la lumière…
peut-être était-ce toi, à présent c’est une apparition
ou peut-être tout ce qui n’a ni repos
ni mouvement ni lieu et n’est ni vrai
ni privé de substance, vacuité que seuls
de purs miroirs trahissent en frémissant.
C’est une figure errante, sans répit…
elle est nôtre, je la croyais une chimère
si quelqu’une par miracle apparaissait
sous des pentes arides, inconsolée,
dans des rues sombres où rien ne vit plus,
rien sinon l’espoir du tonnerre.
***
PRIMIZIE DEL DESERTO
S’AVVIA TRA I M URI, È PREDA DELLA LUCE
S’avvia tra i muri, è preda della luce…
forse eri tu, ora è un’apparizione
o forse è tuno ció che non ha pace
o sede o movimento e non è vero
né insostanziale, vanità che solo
puni specchi tradiscono fremendo.
È una vaga figura, non ha requie…
è nostra, la credevo una chimera
se alcuna ne appariva per miracolo
sono aride pendici inconsolata
per vie cupe ove mente vive più,
riente se non la speranza del tuono.
(Mario Luzi)
Recueil: Dans l’oeuvre du monde
Traduction: Philippe Renard, Bernard Simeone
Editions: Editions Unes
Bras dessus, bras dessous
On se « tu », on se « vous »
Bras dessus, bras dessous
Sens dessus dessous
Pour deux sous de fleurs
Pour dessus de lit
On se prend le cœur
Quand le cœur nous dit
Qu’on se couche ici
Qu’on se couche ailleurs
Tu es plus jolie
Sans papier à fleurs
Qu’on se touche ici
Qu’on se touche ailleurs
De la bouche au lit
On se sait par cœur
Bras dessus, bras dessous
On se « tu », on se « vous »
Bras dessus, bras dessous
Sens dessus dessous
Si tu étais fleur
Au jardin l’été
Je serais flâneur
Banc ou jardinier
Si tu étais sœur
Au cloître inconsolée
Je serais le Seigneur
Son fils ou un abbé
Si tu étais guillotine
À la Santé
Je prierais ces messieurs
De bien me condamner
Bras dessus, bras dessous
On se « tu », on se « vous »
Bras dessus, bras dessous
Sens dessus dessous
Et que vienne l’heure
De nous séparer
On se donne une heure
Tout est pardonné
Et que vienne l’heure
Pour moi de pleurer
Si je pleure pour toi
Je serai satisfait
Et que vienne l’heure
De ta tombe fleurie
À la première fleur
Je choisis de mourir
Bras dessus, bras dessous
On se « tu », on se « vous »
Bras dessus, bras dessous
Sens dessus dessous
Elle vécut ici sans moi celle qui fut l’oiseau
de passage en mon hiver inconsolé
elle a dormi sur cette plage, elle a lissé
son corps impatient à la douceur de ces eaux
C’est là qu’elle m’a dit qu’en l’ombre elle était mienne
là qu’elle m’a donné l’espoir inespéré
de croire que « je t’aime » ensemençait le même
sens jour après jour que « toujours je t’aimerai »
et c’est là que je vis dans la rumeur des mots
éteints, sur le sable sec qui brasse l’écho
du destin de l’insecte que l’orage mêle
si frêle aux grains du roc où se liment ses ailes
et c’est là dessillés qu’entre la vague et l’air
mes yeux cherchent l’espace où son serment se perd.