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Poésie

Posts Tagged ‘incorruptible’

Toise (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2022




    
Toise

L’amour ne se laisse mesurer, il mesure,
Juge incorruptible qui étalonne tout
A la toise de sa démesure.
Appelés nous le sommes tous : seuls il élit
Ceux de nous qui sauront convertir
En flamme verticale l’heure consumée.
En mains tendues les doigts retenus.

***

Craveira

Não deixa amor que o meçam, antes mede,
Incorrupto juiz que tudo afere
Na craveira da sua desmedida.
Chamados todos somos: só elege
Quantos de nós soubermos converter
Em chama vertical a hora consumida,
Em mãos de dar os dedos de reter.

(José Saramago)

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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Il ne manque à l’amour que la durée (René de Chateaubriand)

Posted by arbrealettres sur 7 janvier 2021



Illustration: Henri Matisse    
    

[…]
il ne manque à l’amour que la durée
pour être à la fois l’Éden avant la chute
et l’Hosanna sans fin.

Faites que la beauté reste,
que la jeunesse demeure,
que le cœur ne se puisse lasser,
et vous reproduirez le ciel.

L’amour est si bien la félicité souveraine
qu’il est poursuivi de la chimère d’être toujours ;
il ne veut prononcer que des serments irrévocables ;
au défaut de ses joies, il cherche à éterniser ses douleurs;

ange tombé, il parle encore le langage
qu’il parlait au séjour incorruptible;
son espérance est de ne cesser jamais;

dans sa double nature et dans sa double illusion ici-bas,
il prétend se perpétuer par d’immortelles pensées
et par des générations intarissables.
[…]
(René de Chateaubriand)

 

Recueil: Mémoires d’outre-tombe
Traduction:
Editions:

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L’HOMME ET SON OMBRE (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 10 avril 2020



Illustration
    
(Recueil Pages d’écriture)
L’HOMME ET SON OMBRE

La déroute des idoles n’a pas étouffé en nous le désir
de construire quelques êtres démesurés, étrangers à la raison,
capables de contenir toutes nos craintes, et, en même temps,
de nous conduire aux portes d’un empire incorruptible, paré
des augustes prestiges de l’impersonnalité.
Mais, par un bizarre paradoxe, puisque nulle chose, même
au bord du néant, ne peut nous arracher au souvenir de notre
condition, il semble qu’aujourd’hui la première de ces figures
mythiques, encore obscure et tremblante comme un monde
naissant, ne soit autre que l’Homme lui-même. Dans les
définitions qu’il se donne de sa propre nature et de son propre
destin, il n’est pas un trait, pas une notion qui ne le dépasse.
Son ombre gigantesque l’entraîne et il la suit en gémissant.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: Jean Tardieu Un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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Dans la marée des choses vivantes (Lionel Ray)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2019




    
Dans la marée des choses vivantes
— chimères et grimaces,
étranger tu demeures :
qu’est-ce que cette vie ?

Y a-t-il un autre temps
dans le temps ? un autre lieu
dans le lieu ? une parole fleur
double ouverte dans la parole ?

La mort en marche, seule
incorruptible, sculpte
en toi la statue de l’impossible.

Tu regardes le ciel inchangé
où flottent de vains nuages
dans l’oubli de quelque dieu.

(Lionel Ray)

 

Recueil: Syllabes de sable Poèmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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Le dessein de la poésie (René Char)

Posted by arbrealettres sur 13 mai 2018



 

Christian Schloe - Austrian Surrealist Digital painter - Tutt'Art@ (33)

Le dessein de la poésie étant de nous rendre souverains en nous impersonnalisant,
nous touchons, grâce au poème,
à la plénitude de ce qui n’était qu’esquissé ou déformé
par les vantardises de l’individu.

Les poèmes sont des bouts d’existence incorruptibles
que nous lançons à la gueule répugnante de la mort,
mais assez haut pour que, ricochant sur elle,
ils tombent dans le monde nominateur de l’unité.

(René Char)

Illustration: Christian Schloe

 

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LES VILLES DEVIENNENT DES JOYAUX (Tennessee Williams)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017



Illustration
    
LES VILLES DEVIENNENT DES JOYAUX

Les villes deviennent des joyaux
à sept heures, le soleil couché,
perlées de lampadaires,
les galeries s’éclairent à plaisir…

Haute, haute, haute
est la fine musique de la nuit sur elles !

Oh, pourquoi ne sont-elles
ce que nous avons cru qu’elles étaient,

des gemmes incorruptibles,
de vrais diamants tombés dans l’eau ?

***

TOWNS BECOME JEWELS

Towns become jewels
at seven, after sunset,
pearled with lamps,
the arcades lit for pleasure…

High, high, high
is the night’s thin music above them!
Oh, why are they not
as once we believed they were,
incorruptible gems,

true diamonds dropped in water?

(Tennessee Williams)

 

Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers

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J’ENFERMAI A CLÉ… (Sophia de Mello Breyner Andresen)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2017



J’ENFERMAI A CLÉ…

J’enfermai à clé tous mes chevaux
La clé je l’égarai dans la course du fleuve
Qui m’emporta vers la mer aux longues crinières

Où le chaos recommence — incorruptible

***

FECHEI A CHAVE…

Fechei à chave todos os meus cavalos
A chave perdi-a no correr de um rio
Que me levou para o mar de longas crinas

Onde o caos recomeça — incorruptível

(Sophia de Mello Breyner Andresen)

Illustration

 

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Au miroir incorruptible de la page (Abdellatif Laâbi)

Posted by arbrealettres sur 25 juin 2016



Au miroir incorruptible de la page
impossible de mentir
Je sais maintenant
qu’aucun calcul savant
aucune intelligence supérieure
ne pourront m’éclairer
de mon vivant
sur l’énigme de l’Univers
Devant celle-ci
même la poésie la plus aventureuse
doit honnêtement rendre les armes
Je mourrai donc
idiot

(Abdellatif Laâbi)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

 

 

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Est-ce toi qui viens d’apparaître (Louis Emié)

Posted by arbrealettres sur 20 juin 2016



 

Alexandra Kirievskaya  8 [1280x768]

— Est-ce toi qui viens d’apparaître
Dans le sillage de ton nom,
Cette rumeur qui voudrait être
Celle où je ferais ma prison ?

Est-ce toi, ce vivant murmure
Qui fait trembler toute la nuit
Autour d’une ombre, ta figure,
Et de ce corps qui m’a détruit?

Est-ce toi, ce beau front limpide,
Ce regard qui porte le mien
Dans celui, toujours plus avide,
Où tu ne me caches plus rien ?

Est-ce toi, mon autre lumière
Éparse au coeur du demi-jour,
Sur cette muraille de lierre
Qui me lie aux vents sans retour ?

Est-ce toi, cette transparence,
Cette image où tu dors en moi
Dans l’incorruptible apparence
De celle où nous n’étions que toi ?

Est-ce toi, ces pas sur le sable
Qui me mènent vers des déserts
Où ton secret insaisissable
Transfigure mon univers ?

Est-ce toi, ma dernière chance,
Mon enlacement absolu,
Forme d’un coeur qui recommence
A souffrir d’un coeur révolu ?

Est-ce toi ? Je ne suis sur terre
Que par la grâce de pouvoir
Au mystère de ton mystère
Donner tous ces yeux pour te voir.

Est-ce toi, belle ombre implacable,
Ma fraîcheur, mon mal et mon bien,
Est-ce toi, ce corps qui m’accable
Dans celui qui n’est plus le mien ?

(Louis Emié)

Illustration: Alexandra Kirievskaya

 

 

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Il est des instants étranges, uniques (Yannis Ritsos)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2016



Il est des instants étranges, uniques, presque cocasses.
Un homme marche à midi en portant un panier sur sa tête;
le panier lui cache entièrement le visage
comme s’il était sans tête ou déguisé,
portant une tête monstrueuse et sans yeux,
aux yeux innombrables.

Tel autre,qui flâne rêveusement dans le crépuscule,
trébuche quelque part, pousse un juron,
revient sur ses pas, cherche;
— un caillou minuscule; il le soulève; il l’embrasse;
puis il s’inquiète soudain : quelqu’un d’autre a pu le surprendre;
il s’éloigne d’un air coupable.

Une femme met sa main dans sa poche; elle n’y trouve rien;
elle ressort sa main, l’élève, l’observe attentivement :
une main imprégnée de la poussière du vide.

Un garçon de café a refermé sa paume sur une mouche
— il ne la serre pas;
un client l’appelle; il a oublié la mouche;
il desserre sa paume; la mouche s’envole, se pose sur le verre.

Un papier roule dans la rue avec hésitation,
en marquant des temps d’arrêt,
sans attirer l’attention de qui que ce soit, — cela lui plaît.
Pourtant, à chaque instant,
il émet un craquement particulier qui est un démenti;
comme s’il cherchait maintenant
quelque témoin incorruptible de sa marche modeste, mystérieuse.

Et toutes ces choses ont une beauté solitaire, inexplicable,
une peine très profonde venue de nos propres gestes, étrangers et inconnus
— n’est-ce pas?

(Yannis Ritsos)

Illustration: Théodore Géricault

American Beauty

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