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Poésie

Posts Tagged ‘indélébile’

RYTHMES (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2020




    
RYTHMES

Tout débuta
Dans l’arythmie
Le chaos

Des vents erratiques
S’emparaient de l’univers
L’intempérie régna

L’indéchiffrable détonation
Fut notre prologue

Tout fut
Débâcle et dispersion
Turbulences et gaspillage
Avant que le rythme
Ne prenne possession
De l’espace

Suivirent de vastes accords
D’indéfectibles liaisons
Des notes s’arrimèrent
Au tissu du rien
Des courroies invisibles
Liaient astres et planètes

Du fond des eaux
Surgissaient
Les remous de la vie

Dans la pavane
Des univers
Se prenant pour le noyau
La Vie
Se rythma
Se nuança

De leitmotiv
En parade
De reprise
En plain-chant

La Vie devint ritournelle
Fugue Impromptu
Refrain
Se fit dissonance
Mélodie Brisure
Se fit battement
Cadence Mesure

Et se mira
Dans le destin

Impie et sacrilège
L’oiseau s’affranchissait
Des liens de la terre

Libre d’allégeance
Il s’éleva
Au-dessus des créatures
Assujetties aux sols
Et à leurs tyrannies

S’unissant
Aux jeux fondateurs
Des nuages et du vent
L’oiseau s’allia à l’espace
S’accoupla à l’étendue
S’emboîta dans la distance
Se relia à l’immensité
Se noua à l’infini

Tandis que lié au temps
Et aux choses
Enfanté sur un sol
Aux racines multiples
L’homme naquit tributaire
D’un passé indélébile

Le lieu prit possession
De sa chair
De son souffle
Les stigmates de l’histoire
Tatouèrent sa mémoire
Et sa peau

Venu on ne sait d’où
Traversant les millénaires
L’homme se trouva captif
Des vestiges d’un monde
Aux masques étranges
Et menaçants

Il s’en arrachait parfois
Grâce aux sons et aux mots
Aux gestes et à l’image
À leurs pistes éloquentes
À leur sens continu

Pour mieux tenir debout
L’homme inventa la fable
Se vêtit de légendes
Peupla le ciel d’idoles
Multiplia ses panthéons
Cumula ses utopies

Se voulant éternel
Il fixa son oreille
Sur la coquille du monde
À l’écoute
D’une voix souterraine
Qui l’escorte le guide
Et l’agrandit

Alors
De nuits en nuits
Et d’aubes en aubes
Tantôt le jour s’éclaire
Tantôt le jour moisit

Faiseur d’images
Le souffle veille

De pesanteur
Le corps fléchit

Toute vie
Amorça
Le mystère
Tout mystère
Se voila
De ténèbres
Toute ténèbre
Se chargea
D’espérance
Toute espérance
Fut soumise
À la Vie

L’esprit cheminait
Sans se tarir
Le corps s’incarnait
Pour mûrir
L’esprit se libérait
Sans périr
Le corps se décharnait
Pour mourir

Parfois l’existence ravivait
L’aiguillon du désir
Ou bien l’enfouissait
Au creux des eaux stagnantes

Parfois elle rameutait
L’essor
D’autres fois elle piétinait
L’élan

Souvent l’existence patrouillait
Sur les chemins du vide
Ou bien se rachetait
Par l’embrasement du coeur

Face au rude
Mais salutaire
Affrontement
De la mort unanime
L’homme sacra
Son séjour éphémère
Pour y planter
Le blé d’avenir.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: Rythmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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Je te parle tu n’entends pas (Bernard Friot)

Posted by arbrealettres sur 10 novembre 2019



Illustration: Luc Thébault
    
Je te parle
tu n’entends pas
j’agite les bras
tu ne me vois pas.

Dos tourné
oreilles bouchées
déjà
tu m’as oublié.

Amour volage volatil
tu n’as fait que passer
mais dans mon coeur tu as laissé
ta marque indélébile.

(Bernard Friot)

 

Recueil: Je t’aime, je t’aime, je t’aime… Poèmes pressés
Traduction:
Editions: Folio Junior

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Instantanés (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2018





Illustration

    

Instantanés

J’appartiens au silence
Que troublent parfois
Des bruits non désirés
Et je foudroie du regard
Le clapotis des vagues

Les étoiles pâlissent
Que le soleil éclabousse
Fantasque
La lune cabriole
Sur la densité de la nuit
Et des images naviguent
Dans un coin de clarté et de paix
Où sous des cils sombres
Ton regard clair
Décape l’air frais
Sous un ciel coiffé de son bonnet d’hiver

La lumière traverse les volets
Pour modeler ton corps
Et jouer à cache-cache
Avec l’ombre de tes seins

Je sais que c’est par espièglerie
Que tu laisses sur le drap de lit
Ton empreinte indélébile
Mais je dois m’en contenter

(Jean-Baptiste Besnard)

Site de Jean-Baptiste

 

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DIX LIGNES POUR ANTONI TAPIES (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2018



 

Antoni Tapies_ 21

DIX LIGNES POUR ANTONI TAPIES

Sur les superficies urbaines,
les feuilles arrachées des jours,
sur les murs écorchés, traces
signes charbons, numéros en flammes.
Écriture indélébile de l’incendie,
ses testaments et ses prophéties
retours déjà taciturnes splendeurs.
Incarnations, désincarnations :
ta peinture est le linceul de Véronique
de ce Christ sans visage qui est le temps.

(Octavio Paz)

Illustration: Antoni Tàpies

 

 

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La durée suborne tout (Séverine Daucourt-Fridriksson)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2018




Illustration: ArbreaPhotos
    

la durée suborne tout. sauf quelques bonheurs si déflagrants
que la durée semble un instant indélébile puis repartent. où

?

(Séverine Daucourt-Fridriksson)

 

Recueil: Salerni
Traduction:
Editions: La lettre volée

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Cette chair (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2018



 

Illustration: Viviane-Josée Restieau

    
Cette chair

En cette chair
Florissante ou putride
Carnassière ou paisible

En ce tissu de fange
En cette substance qui croît
Pour un jour s’abolir

En ces fibres
Où le verbe s’incarne
Où fermente le réel

En cette matière
Où se greffe le coeur
En cet éphémère perpétué

En cette trame obscure
S’implante la poésie
Réside toute pensée

En cette chair
De clémence ou de turpitudes
Liée à l’astre indélébile

En cette chair
Au précaire équilibre
Entre espoir et affliction

En cette pulpe savoureuse
Sillonnée par le rêve
Ravagée par le temps

Hors des gouffres de cette chair
Jusqu’aux épaules de l’espace
S’élèveront toujours les ailes

D’un infini improbable
D’un chant indéfini
D’un vol incandescent.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: Rythmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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Au commencement était la Parole (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2017



Thot

Les murs ne tombent pas
[10]

Mais nous luttons pour la vie,
nous luttons, disent-ils, pour le souffle,

donc à quoi bon vos gribouillages ?
à ceci — nous les emportons avec nous

au-delà de la mort ; Mercure, Hermès, Thot
inventèrent l’écriture, lettres, palette ;

les notes de flûte ou de lyre
sur papyrus ou parchemin

sont magiques, gravées, indélébiles,
sur l’atmosphère, quelque part,

à jamais ; souviens-toi, ô Épée,
tu es le plus jeune frère, le dernier-né,

ton Triomphe, même le plus jubilant,
doit un jour s’achever,

au commencement
était la Parole.

***

But we fight for life,
we fight, they say, for breath,

so what good are your scribblings?
this—we take them with us

S beyond death; Mercury, Hermes, Thoth
invented the script, letters, palette;

the indicated flute or lyre-notes
on papyrus or parchment

are magic, indelibly stamped
on the atmosphere somewhere,

forever; remember, O Sword,
you are the younger brother, the latter-born,

your Triumph, however exultant,
must one day be over,

in the beginning
was the Word.

(Hilda Doolittle)

 

 

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Toutes ces mains (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 31 juillet 2016




Toutes ces mains : les mains des morts enfin inertes
Qui tiennent droit un vieux crucifix comme une arme,
Ou bien parfois quelques violettes de Parme;
Et d’autres mains, les mains d’amants qui sont expertes

A manier la chevelure d’une amante,
A la bien partager en deux sur chaque épaule,
A l’agiter comme le feuillage d’un saule
Qui, dans le vent changeant, s’étrécit ou s’augmente.

Mains des fermes vendangeant les grappes du lait;
Mains des berceaux dépliant leurs roses trémières;
Et les mains des couvents en qui le chapelet
Est un silencieux écheveau de prières;

Toutes les mains s’évertuant vers des bonheurs,
Mains mystiques, mains guerrières, si variées :
Les mains, couleur de la lune, des mariées;
Les mains, couleur de grand soleil, des moissonneurs

Toutes : celles semant du grain ou des idées;
Accouchant le bloc de marbre, de la statue,
Ou la mère, de l’enfant qui la perpétue;
Toutes les mains, jeunes, vieilles, lisses, ridées,

Toutes ont pour tourment caché ces lignes fines,
Ces méandres de plis, cet enchevêtrement;
Or on dirait des cicatrices de racines,
Nos racines que nous portons, secrètement.

C’est là, nous le sentons, que gît l’essentiel;
Ces lignes sont vraiment les racines de l’être;
Et c’est par là, quand nous commençâmes de naître,
Que nous avons été déracinés du ciel.

La main en a gardé la preuve indélébile;
Et c’est pourquoi, malgré bonheurs, bijoux, baisers,
Elle souffre de tous ces fils entrecroisés
Qui font pleurer en elle une plaie immobile.

(Georges Rodenbach)

Illustration

 

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Toujours au porche du silence (Jacqueline Saint-Jean)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2016




Il marche dans le flash obsédant des figures
Au centre ce visage piétiné par mille pèlerins
dans un sommeil de fifres de poussière
Là-bas la passante au dernier pont des fuites
ses gestes minuscules de papier qui brûle
La fille aux yeux fous dans le tunnel des foules
Plus loin sur le théâtre rouge des captures
la silhouette indélébile des chasseurs
Au bord de l’ombre qui roule à pleins bords
il reconnaît à peine le profil
du passeur aux reins plus lourds
Mais toujours au porche du silence
la mendiante est assise au milieu de l’image

(Jacqueline Saint-Jean)

Illustration: ArbreaPhotos

 

 

 

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