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Poésie

Posts Tagged ‘indolence’

Cent fois que je vais à la poste (Varlam Chalamov)

Posted by arbrealettres sur 21 décembre 2022




    
Cent fois que je vais à la poste
Pour aller chercher ta lettre.
À présent la nuit je ne dors plus,
je ne vis plus le jour.

Je crois, je crois à tous les signes,
Aux songes comme aux araignées,
Je crois aux skis, je crois en été
Aux barques étroites qui filent.

Je crois au vrombissement des automobiles,
À leurs orageux diesels,
Aux colombes messagères,
Aux mâts des navires.

Je crois aux sifflets des vapeurs,
Je crois aux trains,
Même à l’été
Je crois parfois.

Je crois dans les traîneaux à rennes,
Dans la boussole du voyageur
Près de ses cartes engivrées
Et dans la désolation de l’heure.

Dans les vaillantes kibitkas
Et dans les chiens d’attelage,
Aux escargots et leur sang-froid,
À l’indolence des tortues.

Je crois comme par enchantement,
Au sang qui se glace,
Je crois aussi à la patience
Et à ton amour.

(Kibitka : traîneau couvert)

(Varlam Chalamov)

 

Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau

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BESTIAIRE DE L’ÉCUREUIL (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2020



Illustration

    
BESTIAIRE DE L’ÉCUREUIL

Tes doigts distraits, à force d’indolence,
de se dénouer, d’effleurer tes cheveux,
tes doigts légers, écheveau d’impatience,
ont inventé un pelage et deux yeux.

Un écureuil se glisse auprès de moi,
courtois et roux comme un bois en automne
sensible aux mots, aux regards, à la voix,
un écureuil, attentive personne.

Il me regarde et je regarde ailleurs.
Comment répondre à son appel discret ?
La vie est là, et moi toujours ailleurs,
pas plus que lui je ne sais le secret.

Être écureuil est un jeu difficile
hors des forêts, très loin des noisetiers.
Notre lit n’est pas arbre ni asile,
être écureuil ici devient très malaisé.

Tes doigts distraits, à force d’innocence,
ont effacé en peignant tes cheveux
cet écureuil, ce timide non-sens
qui vit ici – parce que je le veux.

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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Brouillard de l’opium (Paul-Jean Toulet)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2019



Illustration: Paul-Baudry Cécile
    
Brouillard de l’opium tout trempé d’indolence,
Robe d’or suspendue aux jardins du silence.

(Paul-Jean Toulet)

 

Recueil: Les contrerimes
Traduction:
Editions: Gallimard

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LA CIGALE ET LE GRILLON (John Keats)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2019



 

LA CIGALE ET LE GRILLON

La Poésie de la Terre jamais ne meurt :
Quand tous les oiseaux défaillent sous le soleil brûlant,
Et se cachent dans la fraîcheur des arbres, une voix court
De haie en haie par la prairie fraîche fauchée ;
C’est la voix de la cigale ; elle mène le branle
Dans la féerie d’été puis — car il n’est point de terme
A ses enchantements — épuisée de plaisir,
S’enivre d’indolence sous une herbe accueillante.
La Poésie de la Terre ne s’achève jamais :
Dans la désolation d’un soir d’hiver, quand le gel
A tissé son silence, de l’âtre monte
Le chant aigu du grillon, dont la chaleur sans cesse croît,
Apportant à celui que gagne la torpeur
Le chant de la cigale parmi les monts herbeux.

(John Keats)

 

 

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HAPPÉS SERONT LES CHANTS… (Attila József)

Posted by arbrealettres sur 11 juin 2018



 

 

Attila József
    
HAPPÉS SERONT LES CHANTS…

Happés seront les chants par le gel, le silence.
L’héroïsme, en douceur, fait taire sa cadence.
L’impétuosité
— La folle avidité —
Des passions sombre… sombre dans l’indolence.
Ne trichons pas. Il vaut mieux, n’est-ce pas
Et comme assurément me guette le trépas,
Ne me demande point de rester ici-bas.

(Attila József)

 

Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus

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Le soir (Remy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2017



Ernesto Arrisueño 1957 - Peruvian-born Australian painter -  [1280x768]

 

Le soir

Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses
Ont un sourire si grave et nous disent des choses
Si tendres que nos coeurs en sont tout embaumés ;
Le jour est pâle ainsi qu’une femme oubliée,
La nuit a la douceur des amours qui commencent,
L’air est rempli de songes et de métamorphoses ;
Couchée dans l’herbe pure des divines prairies,
Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis,
La vie offre ses lèvres aux baisers du silence.

Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles
Se promènent à travers les naissantes étoiles
Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides,
Sous le vent qui les porte aux rives d’Atlantide ;
Une lueur d’amour s’allume comme un adieu
À la croix des clochers qui semblent tout en feu
Et à la cime hautaine et frêle des peupliers :
Le jour est pâle ainsi qu’une femme oubliée
Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux.

Heure incertaine, heure charmante et triste : les heures
Meurent quand ton parfum, fraîche et dernière fleur,
Épanche sur le monde sa candeur et sa grâce :
La lumière se trouble et s’enfuit dans l’espace,
Un frisson lent descend dans la chair de la terre,
Les arbres sont pareils à des anges en prière.
Oh ! reste, heure dernière ! Restez, fleurs de la vie !
Ouvrez vos beaux yeux bleus déjà presque endormis…

Heure incertaine, heure charmante et triste : les femmes
Laissent dans leurs regards voir un peu de leur âme ;
Le soir a la douceur des amours qui commencent.
Ô profondes amours, blanches filles de l’absence,
Aimez l’heure dont l’oeil est grave et dont la main
Est pleine des parfums qu’on sentira demain ;
Aimez l’heure incertaine où la mort se promène,
Où la vie, fatiguée d’une journée humaine,
Entend chanter enfin, tout au fond du silence,
L’heure des songes légers, l’heure des indolences !

(Remy de Gourmont)

Illustration: Ernesto Arrisueño

 

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Ambiguïté du témoin (Piero Bigongiari)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2017



 

Jeanie Tomanek scepter

Ambiguïté du témoin

Quelle est cette souffrance qui s’étale,
comme sur une tranche de ce pain doux amer
que l’enfant approche de ses lèvres,
sur l’indolence que l’âme atteint
entre bonheur et douleur?
L’absence ? Non. Entre les pôles qui s’opposent,
magique, une alliance naît,
une tension, en équilibre peut-être.
Ou est-ce la mort lente des illusions,
la risée des sons suggérés
au sein des faux pardons des hypocrites ?
Ou alors est-ce la présence du tiers
qui se reforme, de celui qui assista
plus pressé peut-être que distrait
à notre conversation qui
se perdait entre les silences
jonchés déjà de consensus suspendus
et le sourire des sens déjà en éveil.

Avant de s’éloigner, il mêla
le plus ambigu des sourires à ses regards
qu’allumait le désir. S’il est resté
quelque chose de ce feu, tandis qu’il
s’éloignait, dans une étrange mélancolie,
un tison crépitait dans les cendres.

Tel témoignage est alors une erreur
dans la tendre incohérence de Vénus
si l’espace objectif de ce « lui »
trop vite enfui alors, vide,
se remplit des ombres de ce jeu faussé
de celui qui, entre le « moi » et le « toi » triche sur l’oubli.
Étrange clapotis des ondes amères
ce colloque confond et le toi et le moi
où l’éloquence de l’être est un adieu.

(Piero Bigongiari)

Illustration: Jeanie Tomanek

 

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Extrême-Orient (Albert Samain)

Posted by arbrealettres sur 17 septembre 2017




    
Extrême-Orient

I

Le fleuve au vent du soir fait chanter ses roseaux.
Seul je m’en suis allé. – J’ai dénoué l’amarre,
Puis je me suis couché dans ma jonque bizarre,
Sans bruit, de peur de faire envoler les oiseaux.

Et nous sommes partis, tous deux, au fil de l’eau,
Sans savoir où, très lentement. – O charme rare,
Que donne un inconnu fluide où l’on s’égare !…
Par instants, j’arrêtais quelque frêle rameau.

Et je restais, bercé sur un flot d’indolence,
A respirer ton âme, ô beau soir de silence…
Car j’ai l’amour subtil du crépuscule fin ;

L’eau musicale et triste est la soeur de mon rêve
Ma tasse est diaphane, et je porte, sans fin,
Un coeur mélancolique où la lune se lève.

II

La vie est une fleur que je respire à peine,
Car tout parfum terrestre est douloureux au fond.
J’ignore l’heure vaine, et les hommes qui vont,
Et dans 1’Ile d’Émail ma fantaisie est reine.

Mes bonheurs délicats sont faits de porcelaine,
Je n’y touche jamais qu’avec un soin profond ;
Et l’azur fin, qu’exhale en fumant mon thé blond,
En sa fuite odorante emporte au loin ma peine.

J’habite un kiosque rose au fond du merveilleux.
J’y passe tout le jour à voir de ma fenêtre
Les fleuves d’or parmi les paysages bleus ;

Et, poète royal en robe vermillon,
Autour de l’éventail fleuri qui l’a fait naître,
Je regarde voler mon rêve, papillon.

(Albert Samain)

 

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Printemps plein d’indolence (André Gide)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2017



 

Kristoff L   mais-le-printemps

Printemps plein d’indolence,
j’implore ta clémence.
A toi, plein de langueur,
j’abandonne mon coeur.
Ma pensée indécise
flotte au gré de la brise.
Un ruissellement tendre me pénètre de miel.
Ah! N’entendre, ah! ne voir
qu’à travers le sommeil.
A travers ma paupière,
j’accueille ta lumière, Soleil,
qui me caresse, pardonne à ma paresse,
bois mon coeur sans défense,
Soleil plein d’indulgence.

(André Gide)

Illustration: Kristoff L

 

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SONIA ARAQUISTAIN (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 6 août 2016



 

suicide

SONIA ARAQUISTAIN

creusez
et il y aura un sourire
un sourire tombal
pour ceux qui prennent la vie au mot
creusez
et la poussière vous montera au coeur
et vous irez le coeur dans la poussière
et l’amour fainéant
immobile à la croisée du refus

creusez
et il y aura le ciel
il y aura peut-être le ciel
peut-être la dispersion des espèces
ou le goût navrant de la pluie
creusez
pour que cette femme déploie l’éventail de sa chute
pour qu’elle gifle à jamais l’indolence de l’espace
pour que de son beau visage de cristal brisé
elle épouse la terre ferme

creusez
et il y aura les yeux les plus seuls du monde
et sur le sol frileux de l’avenue
une étrangère soudain comme une fenêtre
creusez à ces yeux un regard impossible
creusez notre nom dans notre nuit
creusez pour nous.

(Georges Henein)

Illustration

 

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