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Poésie

Posts Tagged ‘inépuisable’

Vers du souvenir (Shen Yue)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Vers du souvenir

Je songe à sa venue
Brillante, brillante en haut des marches du jardin
Impatient, impatient de faire cesser notre séparation
Inépuisables, inépuisables, nous parlons d’amour
Nos regards s’embrassent sans pouvoir se rassasier
Je te contemple et en oublie ma faim

Je songe à l’instant où elle s’assit,
Consciencieuse, devant le rideau fin.
Elle chante par trois fois
Et par trois fois pince les cordes du luth.
Son rire efface le souvenir des autres êtres.
Elle fait la mine et n’en est que plus belle.

Je songe à son sommeil
Gardant l’éveil quand tous se reposent
Elle défait la torpeur sans y être poussée
Immobile sur le coussin,
Elle attend qu’une caresse la trouve.
Effrayée par mes regards,
Elle rougit sous la lueur des chandelles.

(Shen Yue)

(441-513)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Les semaines du calendrier, les murs (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022



 

Les semaines du calendrier, les murs
Les lundis broyés sans murmure
Les semaines et leur succession
Inévitable et sans passion
Les semaines,
Les heures
Sans haine,
Meurent.

Soleil,
Soleil sur la mer
Plus rien n’est pareil ;
Matinées bleues en solitaire,
Je m’émerveille entre les pins ;
La journée a le goût d’une naissance sans fin ;
Alcools inépuisables, purifiés, de la Terre.

(Michel Houellebecq)

Illustration: ArbreaPhotos

 

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Soudain, avec une délicatesse, une pureté indicible… (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 27 septembre 2022



 

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Soudain, avec une délicatesse, une pureté indicible,
une chose apparaît, se fait entendre, vous émeut et bouge jusqu’au fond de vous-même.
On écoute, on ne cherche plus ; on accepte sans s’informer du donateur;
une pensée brûle en un éclair, s’impose comme une nécessité,
ne vous laisse aucune hésitation sur la forme où il convient de l’exprimer : je n’ai jamais eu le choix.

C’est une extase dont la tension formidable se dissout parfois en un fleuve de larmes,
pendant que le pas instinctivement se ralentit ou s’accélère.
On se sent ravi, hors de soi, on garde seulement conscience d’une source inépuisable de frissons subtils
et de ruissellements qui vous parcourt jusqu’aux orteils.

C’est un abîme d’extase si profond que la douleur et la tristesse ne font plus l’effet de forces hostiles,
mais paraissent une condition requise, une nuance toute nécessaire par cette abondance de lumière.
On ressent instinctivement les grands rythmes qui embrassent les immenses espaces où bougent les formes ;
l’amplitude de l’oscillation, le besoin d’un rythme large semble être la mesure d’une semblable inspiration,
une espèce de contrepoids à sa pression et à sa tension.

Tout cela involontaire au premier abord,
semble entraîné par une rafale de liberté, d’indépendance, de puissance, de divinité.
Ce qui est le plus remarquable, c’est la qualité involontaire de l’image et des symboles.
Tout se donne à vous comme l’expression la plus proche, la plus juste, la plus simple.
Il semble en vérité, pour reprendre les paroles de Zarathoustra,
que les choses s’approchent d’elles-mêmes et viennent s’offrir à vous servir d’images…

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Duy Huynh

 

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Le verger (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022




    

Le verger

Dans le jardin, sucré d’oeillets et d’aromates,
Lorsque l’aube a mouillé le serpolet touffu
Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates
Chancellent de rosée et de sève pourvus,

Je viendrai, sous l’azur et la brume flottante,
Ivre du temps vivace et du jour retrouvé,
Mon coeur se dressera comme le coq qui chante
Insatiablement vers le soleil levé.

L’air chaud sera laiteux sur toute la verdure,
Sur l’effort généreux et prudent des semis,
Sur la salade vive et le buis des bordures,
Sur la cosse qui gonfle et qui s’ouvre à demi ;

La terre labourée où mûrissent les graines
Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots,
Heureuse de sentir dans sa chair souterraine
Le destin de la vigne et du froment enclos…

Des brugnons roussiront sur leurs feuilles, collées
Au mur où le soleil s’écrase chaudement,
La lumière emplira les étroites allées
Sur qui l’ombre des fleurs est comme un vêtement,

Un goût d’éclosion et de choses juteuses
Montera de la courge humide et du melon,
Midi fera flamber l’herbe silencieuse,
Le jour sera tranquille, inépuisable et long.

Et la maison avec sa toiture d’ardoises,
Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts,
Respirera l’odeur des coings et des framboises
Éparse lourdement autour des buissons verts ;

Mon coeur, indifférent et doux, aura la pente
Du feuillage flexible et plat des haricots
Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente
Et coule sans troubler son rêve et son repos.

Je serai libre enfin de crainte et d’amertume,
Lasse comme un jardin sur lequel il a plu,
Calme comme l’étang qui luit dans l’aube et fume,
Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus,

Je ne saurai plus rien des choses de ce monde,
Des peines de ma vie et de ma nation,
J’écouterai chanter dans mon âme profonde
L’harmonieuse paix des germinations.

Je n’aurai pas d’orgueil, et je serai pareille,
Dans ma candeur nouvelle et ma simplicité,
À mon frère le pampre et ma soeur la groseille
Qui sont la jouissance aimable de l’été,

Je serai si sensible et si jointe à la terre
Que je pourrai penser avoir connu la mort,
Et me mêler, vivante, au reposant mystère
Qui nourrit et fleurit les plantes par les corps.

Et ce sera très bon et très juste de croire
Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils
Et que mon coeur, ardent et lourd, est cette poire
Qui mûrit doucement sa pelure au soleil…

(Anna de Noailles)

 

Recueil: Poésie au féminin
Traduction:
Editions: Folio

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Présentation du maître chan (Xutang Zhiyu)

Posted by arbrealettres sur 13 juin 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    
Présentation du maître chan

Ce que le maître enseigne est déjà en vous-même,
Pensée inépuisable que vous scrutez sans voir.
Si, le coeur concentré, vous voulez la saisir,
Feuille effrayée d’automne, elle tombe dans le vide.

(Xutang Zhiyu)

Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier

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Visages (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2022



Illustration: Marie-Paule Deville Chabrole
    
Visages qui apaisent

Visages qui ne sont que refus

Visages au regard éteint

Visages que verrouille la timidité

Visages qui inquiètent

Visages creusés par la faim

Visages qui ouvrent la porte
sur une amitié

Visages vides qui ne laissent
pressentir aucun arrière-pays

Visages dévastés par la maladie

Visages empreints d’une bonté
qui réchauffe

Visages durcis par la haine

Visages où demeurent les traces
du combat qui les a pacifiés

Visages qui vous font
vous rétracter

*

Visages trop lisses
sur lesquels rien ne se lit

Visages dont la dureté
vous glace vous scelle les lèvres

Visages douloureux
où affleure un secret
qu’on aimerait connaître

Visages et regards
de ceux qui sombrent

Visages qu’un excès de souffrance
a figés à jamais
au-delà du désespoir

Visages à l’expression
décidée et hautaine

Visages qui rayonnent
une douce lumière
et dont on garde le souvenir

Visages compassés
façonnés par les conventions

*

Visages qui consentent
au regard qui les pénètre

Visages las impavides
revenus de tout

Visages d’enfants
d’une grâce infinie

Visages concentrés
à l’écoute
du murmure intérieur

Visages dont la beauté
émerveille

Visages qui vous ouvrent
vous dilatent
vous aimantent

Visages visages visages

Une des grandes et inépuisables
richesses de la vie

(Charles Juliet)

Recueil: Pour plus de lumière anthologie personnelle
Traduction:
Editions: Gallimard

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Visages (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 6 février 2021




    
Visages qui apaisent

Visages qui ne sont que refus

Visages au regard éteint

Visages que la timidité verrouille

Visages qui inquiètent

Visages creusés par la faim

Visages qui ouvrent la porte
sur une amitié

Visages vides qui ne laissent
pressentir aucun arrière-pays

Visages dévastés par la maladie

Visages empreints d’une bonté
qui réchauffe

Visages durcis par la haine

*

Visages où demeurent les traces
du combat qui les a pacifiés

Visages qui vous font
vous rétracter

Visages trop lisses
sur lesquels rien ne se lit

Visages dont la dureté
vous glace vous scelle les lèvres

Visages douloureux
où affleure un secret
qu’on aimerait connaître

Visages et regards
de ceux qui sombrent

Visages qu’un excès de souffrance
a figés à jamais
au-delà du désespoir

Visages à l’expression
décidée et hautaine

Visages qui rayonnent
une douce lumière
et dont on garde la nostalgie

*

Visages compassés
façonnés par les conventions

Visages qui consentent
au regard qui les pénètre

Visages las impavides
revenus de tout

Visages d’enfants
d’une grâce infinie

Visages concentrés
à l’écoute
du murmure intérieur

Visages dont la beauté
émerveille

Visages qui vous ouvrent
vous dilatent
vous aimantent

Visages visages visages

Une des grandes et inépuisables
richesses de la vie

(Charles Juliet)

 

Recueil: Moisson
Traduction:
Editions: P.O.L.

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LE PORT ENSEVELI (Giuseppe Ungaretti)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2019



    
Illustration
    
LE PORT ENSEVELI

Y pénètre le poète
et retourne à la lumière avec ses chants

et les disperse

De cette poésie
il ne me reste
qu’un rien
d’inépuisable secret

(Giuseppe Ungaretti)

 

Recueil: Vie d’un homme Poésie 1914-1970
Traduction:
Editions: Gallimard

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Flots de félicité (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 5 mai 2019



Illustration: Alwy Fadhel
    
Flots de félicité

Que de flots de félicité traversent le monde,
Jour et nuit, que de nectar d’immortalité déferle par le vaste ciel
Dont s’abreuvent le soleil et la lune à satiété.
La lumière inépuisable persiste, radieuse,
Pénétrant la terre, sans cesse, de vie et de splendeur.
Pourquoi donc passer le temps tel un esprit solitaire,
Envahi par les soucis pour ton moi ?
Elargis ton coeur et contemple l’alentour :
Au mépris des menus malheurs
Remplis le vide de la vie avec de l’amour.

***

Currents of Joy

Floods of felicity pervade the world,
Day and night such nectar of immortality is surging
down the vast sky
For quenching the thirst of the sun and the moon.
Inexhaustible and radiant persists the light,
Ceaselessly suffusing the earth with life and splendour.
Why then waste time in a solitary mood
Haunted by worries for your self ?
Open wide your heart and contemplate all around :
Disdaining trivial mishaps
Fill the vacuum of life with love.

(Rabindranath Tagore)

 

Recueil: Tantôt Dièse, Tantôt Bémol
Traduction: Prithwindra Mukherjee
Editions: Shahitya Prakash

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Où aller ? (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2019



Ô de quelle façon, avec quel gémissement
nous nous sommes caressés, épaules et paupières.
Et la nuit se terrait dans les chambres,
comme un animal blessé que nous aurions transpercé de douleur.

Étais-tu élue entre toutes pour moi,
n’était-ce pas assez d’être la soeur ?
Ton être était pour moi comme une vallée délicieuse,
et maintenant, à la proue du ciel il

s’incline en une apparition inépuisable
et il étend son empire. Où aller ?
Hélas dans l’attitude de la déploration
tu te penches vers moi, toi qui ne consoles pas.

Lorsque ton visage me fait ainsi me consumer,
comme une larme celui qui pleure,
que je multiplie mon front, ma bouche
autour des traits que je connais pour tiens,
il me semble, par-dessus ces ressemblances
qui nous séparent parce qu’elles sont doubles,
déployer une pure identité.

***

O wie haben wir, mit welchem Wimmern,
Augenlid und Schulter uns geherzt.
Und die Nacht verkroch sich in den Zimmern
wie ein wundes Tier, von uns durchschmerzt.

Wardst du mir aus alien auserlesen,
war es an der Schwester nicht genug?
Lieblich wie ein Tal war mir dein Wesen,
und nun beugt es auch vom Himmelsbug

sich in unerschöpflicher Erscheinung
und bemächtigt sich. Wo soll ich hin?
Ach mit der Gebärde der Beweinung
neigst du dich zu mir, Untrösterin.

Wenn ich so an deinem Antlitz zehre
wie die Träne an dem Weinenden,
meine Stirne, meinen Mund vermehre
um die Züge, die ich an dir kenn,
mein ich über jene Ähnlichkeiten
die uns trennen, weil sie doppelt sind
eine reine Gleichung auszubreiten.

(Rainer Maria Rilke)

Illustration retirée sur demande de l’artiste

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