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Poésie

Posts Tagged ‘insatisfait’

Le tigre (Lu Ji)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Le tigre

Le sage a soif mais il ne boit pas aux sources malignes
Le sage a chaud mais il ne s’abrite pas sous des ombres faciles
L’homme véritable sait porter le poids de la liberté.
Mon cheval est sellé ; il m’emporte auprès du devoir.
Ma cravache rythme son pas vif vers l’aventure qui appelle
Ma faim recherche l’antre des tigres — je me nourris de leur sauvagerie
Le froid et le sommeil me conduisent au bois des oiseaux où trouver refuge
La fin du jour presse mon coeur insatisfait — ma quête n’est pas finie.
Je vois le déroulement des jours ; l’an s’épuise dans la nuit qui vient.
De lourds nuages occupent le rivage et poussent leurs soupirs vers la montagne.
La vallée retient mes vers et la crête des pics libère mes souffles angoissés.
Si l’agitation heurte les cordes du luth, Les hautes aspirations élèvent la parole.
Ô ! Comme vivre peut être pesant parfois !
Mais que se passe-t-il en moi qui braille la lâcheté qui s’épanche ?
Je frappe mon coeur — « réveille-toi et garde droite la vertu nécessaire ! »
Si ma poitrine se gonfle, voilà ma tête qui s’abaisse — comme j’ai honte…

(Lu Ji)

(261-303)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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La tristesse dans le parc (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2018




    
La tristesse dans le parc

Entrons dans l’herbe florissante
Où le soleil fait des chemins
Que caressent, comme des mains,
Les ombres des feuilles dansantes.

Respirons les molles odeurs
Qui se soulèvent des calices,
Et goûtons les tristes délices
De la langueur et de l’ardeur.

Que nos deux âmes balancées
Se donnent leurs parfums secrets,
Et que le douloureux attrait
Joigne les corps et les pensées…

L’été, dans les feuillages frais,
S’ébat, se délasse et s’enivre.
Mais l’homme que rien ne délivre
Pleure de rêve insatisfait.

Le bonheur, la douceur, la joie,
Tiennent entre les bras mêlés ;
Pourtant les coeurs sont isolés
Et las comme un rameau qui ploie.

Pourquoi est-on si triste encor
Quand le destin est favorable,
Et pourquoi cette inéluctable
Inclination vers la mort ?…

(Anna de Noailles)

Découvert ici: https://eleonoreb.wordpress.com/

Recueil: Le cœur innombrable
Traduction:
Editions:

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Amour (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2017



Illustration: Cesar Santos   
    
Amour, crassier où le vent s’allume
crispé comme une main qui ne peut pas se rompre,
il n’y a sous tes cendres qu’un cri mal refermé,
un cri qui s’est repu de fièvre et de clarté
et pour lequel les gorges n’étaient pas assez rauques
et la bouche pas assez meurtrie, pas assez chaude.

Tous les baisers ont une odeur de brûlé.
Les mains tombent des seins comme des larves
et pendent insatisfaites autour de l’homme
hanté de toute cette chair qui s’est faite femme
et vers laquelle il tend un monde de désirs
qui roule dans son sang comme un noyé qui ne peut pas mourir.

Amour intime et tiède comme des entrailles,
toute ta force tient dans l’éclat d’un regard
apparu comme un peu d’eau parmi l’herbe,
dans la fermeté d’un sein qu’on froisse à travers sa lingerie,
dans quelques mots qui sous une apparence banale
ouvrent des chemins vertigineux autour des êtres,
dans quelques caresses qui collent à la peau
si exactement qu’elles prennent la forme d’un autre corps.

(Lucien Becker)

 

Recueil: Rien que l’amour
Editions: La Table Ronde

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Oie bleue, oie blanche (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 20 juillet 2017



Converging shadows on fresh snow

La floraison du bâton

[4]
Oie bleue, oie blanche, tu peux bien dire,
oui, je connais cette dualité, cette double nostalgie ;

je connais cet insatiable désir
en hiver, pour l’ombre du palmier

et le sable et le bois flotté calciné ;
mais en été, quand j’observe

la vague lorsque le bord de l’écume
touche le sable chaud et d’un seul coup

disparaît comme la neige à l’équateur,
je voudrais crier, reste, reste ;

alors je me rappelle le gel délicat et tenace
et son dessin à l’aube au coeur de l’hiver ;

à la chaleur du soleil de midi, je pense à l’aube
grise opalescente de l’hiver ; quand la vague

brûle sur les galets, je pense,
tu es moins belle que le gel ;

mais il est vrai aussi que je prie,
ô, donne-moi le bleu brûlant

et les algues fragiles calcinées
sur la laisse de haute mer,

quand je me tiens, toujours insatisfaite,
sous la longue ombre-sur-la-neige du pin.

***

Blue-geese, white-geese, you may say,
yes, I know this duality, this double nostalgia;

I know the insatiable longing
in winter, for palm-shadow

and sand and burnt sea-drift;
but in the summer, as I watch

the wave till its edge of foam
touches the hot sand and instantly

vanishes like snow on the equator,
I would cry out, stay, stay;

then I remember delicate enduring frost
and its mid-winter dawn-pattern;

in the hot noon-sun, I think of the grey
opalescent winter-dawn; as the wave

burns on the shingle, I think,
you are less beautiful than frost;

but it is also true that I pray,
O, give me burning blue

and brittle burnt sea-weed
above the tide-line,

as I stand, still unsatisfied,
under the long shadow-on-snow of the pine.

(Hilda Doolittle)

Illustration

 

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Satisfaite, insatisfaite, rassasiée ou figée par la faim (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 11 mai 2017



La floraison du bâton

[5]
Satisfaite, insatisfaite,
rassasiée ou figée par la faim,

c’est
là l’éternel désir,

c’est
là le désespoir, le désir d’équilibrer

la variante éternelle ;
tu comprends cet appel insistant,

cette demande d’un moment donné,
la volonté de jouir, volonté de vivre,

pas seulement la volonté d’endurer,
la volonté du vol, la volonté de réussite,

la volonté du repos après un long vol ;
mais qui connaît le désir désespéré

des tous ces autres — oiseaux réels ou peut-être
maintenant mythiques — cherchant le repos sans le trouver

jusqu’à se laisser choir du plus haut point de la spirale
ou tomber du centre précis du cercle toujours plus étroit ?

car ils se rappellent, se rappellent, en tanguant, en planant
ce qui avait été — ils se rappellent, se rappellent

ils ne dévient pas — ils ont connu la félicité,
le fruit qui satisfait — ils sont revenus —

et si les îles sont perdues ? et si les eaux
couvrent les Hespérides ? ils préféreraient se rappeler —

se rappeler les pommiers d’or ;
ô, ne les plains pas, en les voyant choir l’un après l’autre,

car ils tombent épuisés, engourdis, aveugles
mais avec une extase certaine,

car la faim pour le Paradis
est à eux.

***

Satisfied, unsatisfied,
satiated or numb with hunger,

this is the eternal urge,
this is the despair, the desire to equilibrate

the eternal variant;
you understand that insistent calling,

that demand of a given moment,
the will to enjoy, the will to live,

not merely the will to endure,
the will to flight, the will to achievement,

the will to rest after long flight;
but who knows the desperate urge

of those others—actual or perhaps now
mythical birds—who seek but find no rest

till they drop from the highest point of the spiral
or fall from the innermost centre of the ever narrowing circle?

for they remember, they remember, as they sway and hover,
what once was—they remember, they remember—

they will not swerve—they have known bliss,
the fruit that satisfies—they have come back—

what if the islands are lost? what if the waters
cover the Hesperides? they would rather remember—

remember the golden apple-trees;
O, do not pity them, as you watch them drop one by one,

for they fall exhausted, numb, blind
but in certain eostasy,

for theirs is the hunger
for Paradise.

(Hilda Doolittle)

 

 

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Rien n’est venu (Werner Lambersy)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2016



Rien n’est venu
De ce que nous attendions
Avec l’obstination
De ceux qui grattent
Dans le plâtre des cellules
Le compte des jours

Aucune aube
Qui ne soit restée une aube
Aucune lumière
Que l’ombre ne rattrapera

Et nous nous somme mis
A aimer

La persistance des vinaigres
Et l’amertume
Insatisfaite des alcools

Rien n’est venu
De ce que nous attendions

L’instant
N’est pas dans ce qui attend

(Werner Lambersy)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

 

 

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Que de gènes insatisfaits en tous (Henri Michaux)

Posted by arbrealettres sur 8 septembre 2015


 


Josef Vachal  5_z [1280x768]

Que de gènes insatisfaits en tous, en chacun !
Et toi aussi, tu pouvais être autre, tu pouvais même
être quelconque et… l’accepter.
Quel être t’es-tu mis à être ?

(Henri Michaux)

Illustration: Josef Vachal

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