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Poésie

Posts Tagged ‘interne’

La substance interne n’est plus qu’un oeil (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2021




    
La substance interne
n’est plus qu’un oeil

un oeil acharné
à s’élucider

à pénétrer
le plus enfoui

atteindre
le dedans du dedans

là où s’offrent
la paix et la lumière

l’inaltérable joyau
de la haute connaissance

(Charles Juliet)

 

Recueil: Moisson
Traduction:
Editions: P.O.L.

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SÈVE ASCENDANTE (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2020



Illustration: Vincent Van Gogh
    
SÈVE ASCENDANTE

Un frisson parcourt les arbres
comme un battoir vert
Ossip Mandelstam

ce sont les arbres
du grand paysage interne
écoutons-les croître
ce sont arbres à visions

arbres résistants
aux racines comme des mains
arbres-personnages
selon Van Gogh

arbres de vie vivante
dont chaque feuille
est une prophétie
arbres aux mélancolies fulgurantes

arbres d’un Paul Klee
pénétrant dans les profondeurs de la forêt
pour se réfugier dans le vert
chaud tendre abyssal

arbres aux tendresses
qui trouent le ciel
interprètes des vents solaires
babels de toutes les géographies

arbres voyants
hommes posés sur la tête
dont la sève bleutée
circule dans notre sang

(Zéno Bianu)

Illustration: Paul Klee 

Recueil: Infiniment proche et Le désespoir n’existe pas
Traduction:
Editions: Gallimard

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À fleur de peau (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2019




Illustration: Egon Schiele

    
À fleur de peau

Les pétales mouillés s’agitent sur les tempes
dans les rameaux secrets des coquilles intimes
du clignement de l’oeil aux chemins de halage
les courbes discourent dans les épis de la neige

La rosée

Le calice tendre frémit
délicieusement entre le cuivre et l’orangé
dans l’écrin des paupières vertes
baisers de seins clairs
germent avec les ongles sombres
sur les nuques saupoudrées de pollen

L’étamine
le parfum brille
je t’aime

La corolle striée grandit chante
les roues marbrées des veines caressantes
le duvet des lueurs les liqueurs d’émoi
rouillent dans les ruines où tremblent nos brumes

Le pistil
rosée de fièvre
la neige de soie tombe
respire

Tout autour de nous
tout proche
le scintillement des découvertes

Respire encore

Le sang vif perle
autour du fard dans les coquilles
caressantes entre le bronze et les rameaux
charmeurs de soies passagères
valsent en lèvres
niellées dans la lueur des pétales

(Michel Butor)

 

Recueil: Collation précédé de HORS-D’OEUVRE scandés par les SOUVENIRS ILLUSOIRES D’UN JAPON TRES ANCIEN
Traduction:
Editions: Seghers

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LES ROSES (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2018




    
LES ROSES

1
Si ta fraîcheur parfois nous étonne tant,
heureuse rose,
c’est qu’en toi-même, en dedans,
pétale contre pétale, tu te reposes.

Ensemble tout éveillé, dont le milieu
dort, pendant qu’innombrables, se touchent
les tendresses de ce coeur silencieux
qui aboutissent à l’extrême bouche.

2
Je te vois, rose, livre entrebâillé,
qui contient tant de pages
de bonheur détaillé
qu’on ne lira jamais. Livre-mage,

qui s’ouvre au vent et qui peut être lu
les yeux fermés…,
dont les papillons sortent confus
d’avoir eu les mêmes idées.

3
Rose, toi, ô chose par excellence complète
qui se contient infiniment
et qui infiniment se répand, ô tête
d’un corps par trop de douceur absent,

rien ne te vaut, ô toi, suprême essence
de ce flottant séjour;
de cet espace d’amour où à peine l’on avance
ton parfum fait le tour.

4
C’est pourtant nous qui t’avons proposé
de remplir ton calice.
Enchantée de cet artifice,
ton abondance l’avait osé.

Tu étais assez riche, pour devenir cent fois toi-même
en une seule fleur;
c’est l’état de celui qui aime…
Mais tu n’as pas pensé ailleurs.

5
Abandon entouré d’abandon,
tendresse touchant aux tendresses…
C’est ton intérieur qui sans cesse
se caresse, dirait-on;

se caresse en soi-même,
par son propre reflet éclairé.
Ainsi tu inventes le thème
du Narcisse exaucé.

6
Une rose seule, c’est toutes les roses
et celle-ci : l’irremplaçable,
le parfait, le souple vocable
encadré par le texte des choses.

Comment jamais dire sans elle
ce que furent nos espérances,
et les tendres intermittences
dans la partance continuelle.

7
T’appuyant, fraîche claire
rose, contre mon oeil fermé —,
on dirait mille paupières
superposées

contre la mienne chaude.
Mille sommeils contre ma feinte
sous laquelle je rôde
dans l’odorant labyrinthe.

8
De ton rêve trop plein,
fleur en dedans nombreuse,
mouillée comme une pleureuse,
tu te penches sur le matin.

Tes douces forces qui dorment,
dans un désir incertain,
développent ces tendres formes
entre joues et seins.

9
Rose, toute ardente et pourtant claire,
que l’on devrait nommer reliquaire
de Sainte-Rose…, rose qui distribue
cette troublante odeur de sainte nue.

Rose plus jamais tentée, déconcertante
de son interne paix; ultime amante,
si loin d’Ève, de sa première alerte —,
rose qui infiniment possède la perte.

10
Amie des heures où aucun être ne reste,
où tout se refuse au coeur amer;
consolatrice dont la présence atteste
tant de caresses qui flottent dans l’air.

Si l’on renonce à vivre, si l’on renie
ce qui était et ce qui peut arriver,
pense-t-on jamais assez à l’insistante amie
qui à côté de nous fait son oeuvre de fée.

11
J’ai une telle conscience de ton
être, rose complète,
que mon consentement te confond
avec mon coeur en fête.

Je te respire comme si tu étais,
rose, toute la vie,
et je me sens l’ami parfait
d’une telle amie.

12
Contre qui, rose,
avez-vous adopté
ces épines ?
Votre joie trop fine
vous a-t-elle forcée
de devenir cette chose armée ?

Mais de qui vous protège
cette arme exagérée ?
Combien d’ennemis vous ai-je enlevés
qui ne la craignaient point.
Au contraire, d’été en automne,
vous blessez les soins
qu’on vous donne.

13
Préfères-tu, rose, être l’ardente compagne
de nos transports présents ?
Est-ce le souvenir qui davantage te gagne
lorsqu’un bonheur se reprend ?

Tant de fois je t’ai vue, heureuse et sèche,
— chaque pétale un linceul —
dans un coffret odorant, à côté d’une mèche,
ou dans un livre aimé qu’on relira seul.

14
Été : être pour quelques jours
le contemporain des roses;
respirer ce qui flotte autour
de leurs âmes écloses.

Faire de chacune qui se meurt
une confidente,
et survivre à cette soeur
en d’autres roses absente.

15
Seule, ô abondante fleur,
tu crées ton propre espace;
tu te mires dans une glace
d’odeur.

Ton parfum entoure comme d’autres pétales
ton innombrable calice.
Je te retiens, tu t’étales,
prodigieuse actrice.

16
Ne parlons pas de toi. Tu es ineffable
selon ta nature.
D’autres fleurs ornent la table
que tu transfigures.
On te met dans un simple vase —,
voici que tout change :
c’est peut-être la même phrase,
mais chantée par un ange.

17
C’est toi qui prépares en toi
plus que toi, ton ultime essence.
Ce qui sort de toi, ce troublant émoi,
c’est ta danse.

Chaque pétale consent
et fait dans le vent
quelques pas odorants
invisibles.

O musique des yeux,
toute entourée d’eux,
tu deviens au milieu
intangible.

18
Tout ce qui nous émeut, tu le partages.
Mais ce qui t’arrive, nous l’ignorons.
Il faudrait être cent papillons
pour lire toutes tes pages.

Il y en a d’entre vous qui sont comme des dictionnaires;
ceux qui les cueillent
ont envie de faire relier toutes ces feuilles.
Moi, j’aime les roses épistolaires.

19
Est-ce en exemple que tu te proposes ?
Peut-on se remplir comme les roses,
en multipliant sa subtile matière
qu’on avait faite pour ne rien faire ?

Car ce n’est pas travailler que d’être
une rose, dirait-on.
Dieu, en regardant par la fenêtre,
fait la maison.

20
Dis-moi, rose, d’où vient
qu’en toi-même enclose,
ta lente essence impose
à cet espace en prose
tous ces transports aériens ?

Combien de fois cet air
prétend que les choses le trouent,
ou, avec une moue,
il se montre amer.
Tandis qu’autour de ta chair,
rose, il fait la roue.

21
Cela ne te donne-t-il pas le vertige
de tourner autour de toi sur ta tige
pour te terminer, rose
Mais quand ton propre élan t’inonde,

tu t’ignores dans ton bouton.
C’est un monde qui tourne en rond
pour que son calme centre ose
le rond repos de la ronde rose.

22
Vous encor, vous sortez
de la terre des morts,
rose, vous qui portez
vers un jour tout en or

ce bonheur convaincu.
L’autorisent-ils, eux
dont le crâne creux
n’en a jamais tant su ?

23
Rose, venue très tard, que les nuits amères arrêtent
par leur trop sidérale clarté,
rose, devines-tu les faciles délices complètes
de tes soeurs d’été ?

Pendant des jours et des jours je te vois qui hésites
dans ta gaine serrée trop fort.
Rose qui, en naissant, à rebours imites
les lenteurs de la mort.

Ton innombrable état te fait-il connaître
dans un mélange où tout se confond,
cet ineffable accord du néant et de l’être
que nous ignorons ?

24
Rose, eût-il fallu te laisser dehors,
chère exquise ?
Que fait une rose là où le sort
sur nous s’épuise ?

Point de retour. Te voici
qui partages
avec nous, éperdue, cette vie, cette vie
qui n’est pas de ton âge.

(Rainer Maria Rilke)

 

Recueil: Oeuvres 2 Poésie
Traduction: Jacques Legrand, Lorand Gaspar, Philippe Jaccottet, Armel Guerne, Maurice Betz
Editions: Seuil

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Les longues pluies d’automne (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 22 juin 2018



    
les longues pluies
d’automne
qui me coupent
du monde

journées de silence
et de bien-être

l’oeil fouillant
l’interne

trouvant
quelques pépites

(Charles Juliet)

 

Recueil: L’Opulence de la nuit
Traduction:
Editions: P.O.L.

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La substance interne (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 17 juin 2018




    
La substance interne
n’est plus qu’un oeil

un oeil acharné
à s’élucider

à pénétrer
le plus enfoui

atteindre
le dedans du dedans

là où s’offrent
la paix et la lumière

l’inaltérable joyau
de la haute connaissance

(Charles Juliet)

 

Recueil: L’Opulence de la nuit
Traduction:
Editions: P.O.L.

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Espérer (Stéphanie Ferrat)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2018




    
espérer
animaux dans la haie
à la place du vent

s’incliner
devant l’ombre interne

la petite voix
ne peut plus

(Stéphanie Ferrat)

 

Recueil: Caisson
Traduction:
Editions: La lettre volée

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J’ai toujours avancé sur le fil (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 8 août 2017



Illustration: Rafal Olbinski
    
j’ai toujours avancé sur le fil
mon fil d’Ariane
pour m’égarer toujours plus
dans le labyrinthe
noyé au fil de l’eau
au fil des heures
remontant sans relâche
le fil de mes rivières internes
me passant moi-même
au fil de l’épée
funambule sur le fil du rasoir
aveuglé par la neige de tes yeux

(Zéno Bianu)

Recueil: Chet Baker (Déploration)
Editions: Le Castor Astral

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Satori express (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 8 août 2017




    
satori express
journal de bord de la voix
un vivant des profondeurs
s’adresse aux autres vivants

satori express
juste tendre l’oreille
pour puiser
dans la réserve aux mystères

satori express
ton souffle
comme un oracle
illimité

satori express
retour de chaleur bienveillante
manifeste
pour les ultrasensibles

satori express
ne cherchons plus à cicatriser
le sol glisse sous nos pieds
rien que le monde

satori express
voici la grande ouverture respirante
dont rien
ne saurait nous déprendre

satori express
au coeur de l’épreuve
sans répit sans relâche
vers la longue célébration

satori express
ton souffle
prend
comme le feu

satori express
aimante et brasse
les écritures
en proximité résonante

satori express
ricoche en galets internes
danse et crépite
jusqu’à la cinquième saison

(Zéno Bianu)

 

Recueil: Satori Express
Editions: Le Castor Astral

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J’ai tout d’un coup conçu (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 7 août 2017



    

seul
le silence de ton esprit
tout est si chaud
tu considères
chaque grain de lumière
à mesure
de son surgissement
ton coeur
ne cesse de danser
s’accorde
au tremblement d’amour
des nativités internes

J’ai tout d’un coup conçu un amour immense et inégalable

(Zéno Bianu)

 

Recueil: Satori Express
Editions: Le Castor Astral

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