Je cherche la grande douceur,
celle que personne n’a jamais vue
et dont l’existence ne fait aucun doute
car c’est à elle qu’on doit la beauté odorante des jacinthes,
la lumière dans les yeux étonnées des bêtes
et tout ce qu’il y a sur terre
et dans les livres de bienfaisant.
Tel visage telle ombre
du plus lointain de ton enfance
d’un vent de neige et de départ
entrevue sur les marches du temps
Plus jamais disais-tu
dans la pâle incertitude des jacinthes
les soirs de long retour
et dans tes yeux se levait l’aube
Ou dit que tu as rendu l’âme.
Rendue à quoi, ton âme, dis ?
Je sais : L’eau qui gonfle et grandit
Les jacinthes et les jonquilles,
L’eau des ruisseaux et l’eau des larmes
A l’océan sera rendue,
Rendue avec exactitude.
Mais ces limites adorables ?
Mais ces façons, ah ! sans doute à jamais uniques
De capter, de régir l’immuable trésor,
De prendre part à l’aventure,
De refléter cette lumière en marche ?
Je sais, d’autres viendront, pareils à toi ;
Pareils ? Comme le sont tous les fruits du même arbre :
Il n’y en a pas deux qui aient exactement
Même couleur, même forme et même parfum.
On dit que tu as rendu ton âme…
La médaille au creuset rendue
N’est plus que poids et que métal.
Ton esprit n’est plus que l’Esprit.
Ah ! que l’or brut soit éternel., peu nous importe !
Nous aimions ce lingot frappé
A ton effigie,
Et dont rien ne reste qu’une empreinte
— Déjà changée ! —
Dans nos mémoires.
Assis au pied des choses,
tu reprends doucement ton ancien métier
de musicien des rues :
tu notes les gouttes
capricieuses de mars
tombant du toit sur les jacinthes,
les oiseaux revenus,
la conversation des filles qui passent
avec leurs secrets.
Toutes les voix se posent
sur les balcons, les branches, les fils parallèles
qui traversent ton coeur.
Toutes sont accordées.
Tu cherches des yeux au sommet des arbres,
entre les nuages,
l’ange silencieux qui t’a rapporté
la mesure et la clef.
Le ciel ne m’aime pas d’un amour ordinaire
les amants s’aiment moins que ne m’aime l’aurore.
Je dis la vérité puisque je ne mens pas,
puisque la vérité m’empêche de mentir.
Je vais où la beauté me commande d’aller,
je fais exactement ce que l’azur décide,
puisque j’ai mis mes pas dans les pas de l’azur.
Mon travail est d’aimer tout ce qui est aimable:
la jacinthe sculptée dans le bleu de l’azur,
la neige qui jamais ne s’est méfiée de moi,
la neige qui changeait ma tristesse en beauté,
et le pur entretien de la neige et de l’âme.
Je t’aimerais autant que j’aime la beauté
si tu pouvais m’aimer comme m’aime l’aurore.
jour de rien,
ça arrive…
le soleil a encore escaladé
une marche de cristal.
Un jour vacant,
porte qui bouge
et qui revient,
même pas de vent…
les jacinthes ont descellé
avec leurs petites épaules
une capsule de terre
et toi tu ne sens rien,
tu n’as rien fait
grandir…