Un chant au prunier
À l’écart de la grand-route, près du pont rompu,
Silencieux, solitaire, il fleurit à sa guise.
Voici déjà le crépuscule, et seul à son chagrin
Il subira encore le vent avec la pluie.
Sans intention de s’acharner pour gagner le printemps,
Seul à soutenir d’une volée de fragrances la jalousie.
Que ses fleurs fanent et tombent, réduites en boue et poussière,
Subsistera toujours ce parfum comme avant.
***
(Lù Yóu) (1125-1210)
Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise
Nuages vagabonds, éternels pèlerins
Par la steppe azurée, en des colliers de perles,
Vos libres flots, sans être ainsi que moi contraints,
Du nord abandonné vers le sud se déferlent.
Qu’est-ce qui vous poursuit: implacable destin,
Secrète jalousie ou haine qui se terre,
Ou portez-vous le poids d’un crime clandestin,
Sentez-vous des amis le souffle délétère?
Vous en avez assez de ces plaines flétries.
Exempts de passions, gardant votre équilibre,
Vous ignorez l’exil, à défaut de patrie,
Eternellement froids, éternellement libres.
(Michel Lermontov)
Recueil: Michel Lermontov Poèmes
Traduction: Igor Astrow
Editions: Du Tricorne
T’es pas la femme du boulanger
J’en crève rien qu’à te regarder
Je suis un mauvais comédien
Amoureux de toi jusqu’aux mains
Il te parle et tu lui souris
Moi je caresse ma jalousie
Non ça ne m’ennuie pas du tout
Qu’il vienne s’asseoir auprès de nous
Tout le monde lève son verre de champagne
Tout le monde m’a trouvé formidable
Cette chanson de mon enfance
Ca les a émus jusqu’aux larmes
Je dis merci en plaisantant
C’est peut-être ça le talent
Etre à la scène comme à la ville
Un sentimental imbécile
Toi tu ne me vois pas tu t’en fous
Tes yeux ressemblent à des bijoux
C’est un hold up très ordinaire
Il y a changement de cavalière
Quand il allume ta cigarette
Tu penches légèrement la tête
A ton oreille tous ces discours
C’est pire que de lui faire l’amour
S’il vous plaît garçon la même chose
J’ai envie d’arracher ces roses
Ni le plus grand des incendies
N’éteindra cette jalousie
T’es pas la femme du boulanger
J’en crève rien qu’à te regarder
Je suis un mauvais comédien
Amoureux de toi jusqu’aux mains
Il te parle et tu lui souris
Moi je caresse ma jalousie
Non ça ne m’ennuie pas du tout
Qu’il vienne s’asseoir auprès de nous
Tout le monde lève son verre de champagne
Tout le monde m’a trouvé formidable
Cette chanson de mon enfance
Ca les a émus jusqu’aux larmes
Je dis merci en plaisantant
C’est peut-être ça le talent
Etre à la scène comme à la ville
Un sentimental imbécile
Parfois, je suis triste. Et, soudain, je pense à elle.
Alors, je suis joyeux. Mais je redeviens triste
de ce que je ne sais pas combien elle m’aime.
Elle est la jeune fille à l’âme toute claire,
et qui, dedans son coeur, garde avec jalousie
l’unique passion que l’on donne à un seul.
Elle est partie avant que s’ouvrent les tilleuls,
et, comme ils ont fleuri depuis qu’elle est partie,
je me suis étonné de voir, ô mes amis,
des branches de tilleuls qui n’avaient pas de fleurs.
(Francis Jammes)
Recueil: Clairières dans le Ciel
Traduction:
Editions: Gallimard
Je marchais avec toi et une autre femme
Dans le bois d’un parc, l’herbe murmurante
Mêlait ses doigts à notre silence complice
Et les arbres s’ouvrirent soudain sur une clairière
Où nous assîmes à l’ombre.
La candeur de la lumière, je pense, nous a troublés.
Nous avons parlé du désir et de la jalousie,
Notre conversation, une large robe unique
Ou une nappe blanche étalée pour le repas
Comme un traité de moeurs dans la nature sauvage.
« Montre-moi », ai-je dit à notre compagne, « ce
Ce que j’ai longtemps désiré, l’étoile mauve de ton sein. »
Et elle consentit. Ô ni ma prudence, ni même ces vers,
Mon amour, ne pourront guérir ton regard blessé.
Entre chien et loup
il sillonnait les rues
portant sa hotte sur le dos;
Une hotte de ferraille
remplie d’amours brûlantes,
de flammes ardentes
qu’il accordait
telle une aubade
aux demoiselles longilignes
sagement alignées
de part en part
au lit crépusculaire des trottoirs
impudiques à recevoir,
sans jalousie aucune
envers leurs rivales voisines,
de cet amant de chaque soir
la même étreinte incendiaire,
le même baiser
volé au sombre oreiller de la nuit.
Pardonnes-tu ma jalousie en rêve
Et mon amour follement agité?
Tu m’es fidèle, alors pourquoi sans trêve
Rendre craintif mon esprit tourmenté?
Dis-moi pourquoi tu veux paraître aimable
Envers chacun de tes admirateurs,
Donner à tous, espoir invraisemblable,
Ton beau regard, triste ou plein de douceur?
Tu m’as saisi, m’as fait perdre la tête,
Asservissant mon amour malheureux,
Ne me vois-tu, seul et silencieux,
Plein de tourment, de dépit, quand s’apprête
A t’encenser tout ce monde étranger?
Pour moi, cruelle, aucun mot, aucun geste!
Veux-je m’enfuir, prêt à te supplier,
De ton regard, tu ne me dis pas: reste!
Une beauté me tient-elle un discours
A double sens, toi tu restes tranquille,
Et même gaie en blâmant cette idylle,
Et moi j’en meurs: tu parles sans amour.
Si mon rival éternel t’a surprise
A mes côtés, en tête à tête assise,
Pourquoi vient-il te saluer, narquois?
Qu’est-il pour toi? Dis-moi donc de quel droit
Devient-il blême et pris de jalousie?
Et quand vient l’heure indiscrète du soir,
Pourquoi dois-tu, seule, le recevoir,
Nue à moitié, quand ta mère est partie?
Mais je suis préféré. Seule avec moi
Tu es si tendre. Et que tu es ardente
Dans tes baisers ! Ton âme est éloquente
Quand tu me dis ton amour avec foi.
Tu crois que mes tourments, je les invente.
Mais je suis préféré: je te comprends.
Epargne-moi, s’il te plaît, toute offense:
Ne sait-tu pas que j’aime fortement,
Ne sais-tu pas qu’atroce est ma souffrance.
Au-delà du relais de poste
Un pont en ruine
Une fleur en éclosion
Solitaire, dans l’abandon
Triste à l’approche de la nuit
Et plus encore aux caprices du vent et de la pluie
Cette fleur ne rivalise pas de beauté avec le printemps
La jalousie des autres fleurs la laisse indifférente
Une fois tombée dans la boue
Elle devient poussière
Son parfum reste pourtant intact