L’ombre s’extasiera des prières muettes
Qui monteront pour nous des parfums fraternels.
L’azur, royal, avec ses noirs manteaux de fêtes
Nous versera la paix des cloîtres éternels.
Tomberont une à une, et chastes et candides,
Les larmes que depuis la genèse des jours
Le sort tient en suspens aux flancs des pyramides
Et fraîche sera la citerne des séjours.
De l’espace et du temps proclamant le désastre,
Unis nous sentirons, ainsi qu’un javelot,
Harponner le tumulte étincelant des astres
L’Hymen, au bord du puits, penché comme un bouleau.
Je ne suis pas, je ne suis pas de braise ardente,
je suis fait de linge et de rhumatismes,
de papiers déchirés, de rendez-vous manqués,
de modestes signes rupestres
sur ce qui fut pierres d’orgueil.
Que reste-t-il du château de la pluie,
de cette adolescence avec ses tristes rêves,
de cette intention entrouverte
d’être aile déployée, d’être un aigle en plein ciel,
une flamme héraldique?
Je ne suis pas, je ne suis pas l’éclair de feu
bleu, planté comme un javelot,
dans le coeur de quiconque échappe à l’amertume.
La vie n’est pas la pointe d’un couteau
ni le heurt d’une étoile,
elle est vieillissement dans une garde-robe,
soulier mille fois répété,
médaille qui se rouille
dans les ténèbres d’un écrin.
Je ne demande ni rose nouvelle ni douleurs,
ni indifférence, elle me consume,
chaque signe a été écrit,
le sel avec le vent effacent l’écriture
et l’âme est maintenant un tambour muet
au bord d’un fleuve, de ce fleuve
qui continuera de couler où il coulait.
Le javelot de joie a défoncé la porte ;
Un chanteur inconnu est passé dans le bois
Qui est passé en chantant de sorte
Que les oiseaux riaient vers sa voix
Et que les fleurs naissaient pareilles
A des essaims vifs d’abeilles
A ouïr sa voix !
Les jougs sont teints de pourpre aux taureaux de l’automne
Et les filles qui mènent les taureaux entonnent
Des dithyrambes à entendre le chanteur,
Dont la lyre d’or s’alourdit de fleurs,
Dont les pas foulent l’aube,
Dont le geste cueille les roses
Et dont la haute main
Au vieux sapin
Suspend le luth !
Des songes sont entrés par des portes d’ivoire
Et par des portes de corne d’autres songes ;
Le javelot a défoncé la porte noire,
Son dard a découvert la porte sombre,
Et la voix du Printemps et de l’Automne
Avec celle des rossignols d’été
Et celle de la brise dans les fleurs,
Toutes les voix sont entrées
Dans ma Demeure.
Que ma chanson soit simple comme l’éveil du matin,
comme la rosée tombant des feuilles goutte à goutte,
simple comme les couleurs des nuages et des ondées nocturnes.
Mais les cordes de mon luth, nouvellement tendues,
lancent leurs notes tranchantes
comme des javelots fraîchement aiguisés.
Ainsi elles n’atteignent pas l’esprit du vent
et blessent la lumière du ciel;
et les accents de ma chanson luttent, obstinément
pour repousser ta propre musique!
Saisir l’onde
le vent qui bat des ailes
une lueur furtive
une poussière de neige
un ciel têtu
le silence
les éclairs comme des javelots
des oiseaux muets
des arbres fugitifs
la terre savoureuse
et le temps dans l’horloge