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La belle France (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2020



    
La belle France

Sur la route du passé
Vois-tu venir la France ?
Quelle belle garce, la riguedondé
Dans ses beaux habits brodés
Couleur d’espérance !
Elle a les yeux étoilés
Quand elle marche, elle danse !
Forte en gueule, l’esprit salé
Quel air ! Quelle aisance !
Sur la route du passé
Vois-tu venir la France ?
Le coeur vif, le corps racé
La rigue, la riguedondé

Vive la rose rouge

Dorée comme épis de blé
Dès son adolescence
A couché la riguedondé
Avec ces rois bien râblés
La belle alliance !
Ont ma foi bien travaillé
A chaque délivrance
Accouchait d’une cité
Terre de plaisance
Terre à vignes, terre à blé
Elle a grandi, la France
En remplissant vos greniers
La rigue, la riguedondé

Vive la rose rouge et le joli bleuet

Elle a souffert, a lutté
Pour son indépendance !
A chanté la riguedondé
L’amour et la liberté
Mais désespérance !
A vu le fruit se gâter
Là, trop d’abondance
Ici, trop de pauvreté
Trop de différence
Son grand coeur
S’est révolté
Reprenant sa balance
A rêvé d’égalité
La rigue, la riguedondé

Vive la rose rouge et le joli bleuet
Qu’à mon bouquet j’ajoute

Sur la Bastille a sauté
La Carmagnole de danse
Citoyens la riguedondé
Salut et Fraternité
Vive l’espérance !
Le soleil faisait monter
La bonne semence
Mais les gros rats empestés
Ceux de la finance
Et leurs féodalités
Oh la sinistre engeance !
Ont corrompu la cité
La rigue, la riguedondé

Vive la rose rouge et le joli bleuet
A mon bouquet j’ajoute
Un brin de blanc muguet

Mais entendez-vous monter
Du fond du grand silence
Cet appel la riguedondé !
De tous les déshérités ?
Assez de souffrances !
Mur d’argent, obscénité
Ombre sur la France
On te refera sauter
Un jour, patience !
Liberté, Egalité
Ces grands noms qui t’offensent
Redeviendront vérité
La rigue la riguedondé

Alors au soleil d’été
On verra la France
Qu’elle est belle la riguedondé
Saluant l’Humanité
Marchant en cadence
A ses grands yeux étoilés
Le ciel se fiance
Elle est comme un beau voilier
Sur la mer qui danse
Terre de la liberté
Alors pour ta défense
Tous voteront sans hésiter
La rigue la riguedondé

(Jean Villard–Gilles)

 

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Une Louise dans chaque port (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2019



Illustration: René Leforestier

    

Une Louise dans chaque port

C’était au bon temps des voiles latines
Nous, on naviguait sur la Madelon
Le patron c’était Jules d’Essertines
Il était beau comme Apollon
Il fallait le voir commander sa barque
Oeil clair, torse nu, gorgé de soleil
Plein de majesté, comme un vrai monarque
Doré ma foi jusqu’aux orteils
Un tombeur de charme, et un tout bon type
Les belles partout guettaient son retour
Il aimait la vie, il aimait sa pipe
Son bateau, le vin, et l’amour

(Refrain)
Car après Dieu seul maître à bord
Comme tous les marins du monde
Il avait pour son réconfort
Une Louise dans chaque port

Par le Bouveret, c’était, grassouillette
L’Angèle une blonde aux jolis yeux pers
Qui lui tricotait maillots et chaussettes
Pour qu’il s’enrhume pas l’hiver
A Thonon l’Irma, la belle cafetière
L’abreuvait d’amour et de vin clairet
Mais il apprenait les belles manières
Avec une Anglaise à Revers
Y avait l’Amanda, la muse de Morges
Qui lui donnait tout dans sa véranda
Son corps, son esprit, sa superbe gorge
C’était lui l’amant d’Amanda

(Au refrain)

On le surnommait parfois « Fend-la-bise »
Mais le plus souvent « Jules-le-tombeur »
Pour bien bourlinguer entre les Louises
Fallait un fort navigateur
Y avait les maris, y avait les tempêtes
Le soleil, la pluie, et le calme plat
On restait des jours sans bouger en quête
D’un souffle d’air et puis voilà
Le coup de Vauder, escale à l’auberge
Douchy où l’Esther, l’ange du quartier
Lui jouait au piano « La prière d’une vierge »
Qu’il exauçait bien volontiers

(Au refrain)

Mais le vent tournait, rabattait les voiles
Et la Madelon, chargée de graviers
Mettait cap à l’ouest, et Jules en sandales
Veillait au grain sans sourciller
Le vent fraîchissait, on voyait les grèves
Défiler ma foi vite et joliment
Puis on débarquait au port de Genève
Ahuri sans savoir comment
Pour nous accueillir, toutes les grandes gueules
De Piogre étaient là, ça faisait du bruit
La grande Lulu disait : « Pas de meule
J’emmène Jules pour la nuit »

(Au refrain)

C’était le bon temps, mais trop de Louises
Et trop de bordées, c’est bien épuisant
C’est ainsi qu’un soir, notre Fend-la-bise
Il allait sur ses cinquante ans
En faisait escale au port de Villeneuve
Est tombé, ma foi, mort en plein bonheur
Dans les bras douillets d’une jolie veuve
On peut bien dire « au champ d’honneur »
Au navigateur de charme et d’eau douce
On a fait alors un bel enterrement
Toutes étaient là, les blondes, les rousses
Toutes les perles du Léman

Et les pirates de tous bords
Pour fleurir la tombe où repose
Désormais celui qui est mort
D’une Louise dans chaque port

(Jean Villard–Gilles)

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Vive la vigne de chez nous ! (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018



    

Vive la vigne de chez nous !

Autrefois, dans les temps antiques
Y avait au bord du bleu Léman
De la terre nue, des rocs, des champs
Et des forêts mélancoliques
Et de braves types un peu froids
Qu’étaient pas encore des Vaudois !

(Refrain)
Entends-tu le glou-glou dans les verres ?
Entends-tu le joli glou-glou ?
La servante n’est pas sévère
Vive la vigne de chez nous !

Mais un jour, c’est une vieille histoire
Voilà qu’le sire du Châtelard
Qui guerroyait chez les barbares
En revenant couvert de gloire
Voit ses beaux côteaux envahis
Par une étrange maladie

Qu’est-ce que c’est qu’ce fouillis qui pousse ?
Cette espèce de végétation ?
Par saint Saphorin, mon patron !
On se croirait en pleine brousse !
Taillez par-ci, taillez par-là
Et foutez-y des échalas !

(au Refrain)

Mais voilà qu’en sept mois à peine
On voit des milliers de fruits d’or
Dont le jus, sacré nom de sort !
Coule à pleins bords des cuves pleines,
Pour conjurer ce grand fléau
On le canalise en tonneaux !

Dans la nuit – Ah ! La sale histoire !
Le jus se met à fermenter
Tous les tonneaux vont éclater !
Mon Dieu, que faire ? – Il faut le boire !
S’écrient trois héros obscurs
Qui n’avaient pas peur des coups durs

(au Refrain)

Et voilà, ces hommes héroïques
Qui, pour préserver la région
Des risques d’une inondation,
Se mettent à vider des barriques !
Pendant ce temps, la larme aux yeux
Leurs épouses priaient pour eux !

C’est pourquoi, le soir à la brune
On en voit, presque à bout d’efforts
De ces héros, à demi-morts
Marcher en zigzag sous la lune !
Et parfois, même terrassés
Se lever pour recommencer !

(au Refrain)

Ces garçons à la rude écorce
Ils font ça pour nous protéger
On se passerait de manger
Mais pour le boire, l’on se force !
Car ce jus-là, quand on le boit,
C’est lui qui nous fait bons Vaudois !

(au Refrain, x2)

(Jean Villard–Gilles)

 

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Le mot de Cambronne (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018




    
Le mot de Cambronne

On nous dit qu’il est de Cambronne.
C’est bien possible, mais voilà
Très sincèrement je m’étonne
Que notre humanité bougonne
Ait pu s’en passer jusque-là.

Souvenez-vous des temps d’Homère !
Homère d’alors, quel mordant
T’eût donné ce mot légendaire
Si tu avais, grand visionnaire,
Pu te le mettre sous la dent !

Que serait donc notre existence
Si nous devions nous en passer ?
N’est-il pas bon français de France,
Riche en couleurs, riche en nuances ?
Essayez de le remplacer,

Par exemple, sortant de table,
Quand, ayant abusé, hélas,
Par trop de nectars délectables,
Dans une obscurité du diable,
Vous tombez sur un bec de gaz !

Vous le lâchez, ça vous soulage,
Vous ne sentez plus la douleur.
Ah ! Messieurs, le bel avantage,
Quel secours, quel appui ! J’enrage
Quand je vois d’austères censeurs

Aux visages de funérailles
Vouloir nous ôter ce trésor,
Ce cri – jailli sous la mitraille –
Du fond des humaines entrailles
D’un héros marchant à la mort !

Il peut tout dire : ardent, lyrique,
Tendre ou sec, placide, enragé,
Plébéien, aristocratique,
Il est à nous, il est unique,
Ils ne l’ont pas à l’étranger !

Je le vois, rocher solitaire,
Car de tous les mots que l’on sait
Il est presque seul, sur la terre,
À ne pas avoir, ô mystère,
De rime dans les mots français.

Si, une seule, le mot : perde…
Là devant, je me sens perdu,
Car il faut une rime à perdre,
Maintenant, et je n’ai que…
Pardon…ce fut sous-entendu !

Pourtant cet illustre vocable,
Je voudrais que, par un décret,
Il fût, en ces temps misérables,
Dont la cruauté nous accable,
Mis en quelque sorte au secret,

Afin qu’au fond de ce silence,
Tendant lentement ses ressorts,
Accumulant force et puissance,
Se chargeant d’âpre violence,
Au nom des vivants et des morts,

Il puisse, un jour, jaillir, sublime,
Du cœur des peuples outragés,
Tendres moutons, pauvres victimes,
Rejetant dans les noires abîmes,
D’un seul coup, leurs mauvais bergers !

Cri vengeur, cri pur, cri superbe,
De l’éternelle humanité,
Que nous leur jetterons en gerbe,
Quand, enfin, nous leur dirons : MERDE !
En saluant la Liberté !

(Jean Villard–Gilles)

 

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Adieu au folklore (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018



    
Adieu au folklore

L’univers grâce à la technique
Ciné, radios, télévisions
N’est plus qu’un bloc monolithique
Sans chance aucune d’évasion
Formalités, visas, frontières
Peuvent bien disposer partout
Pour nous embêter leurs barrières
Les micros qui parlent, on s’en fout
Avec le Niagara d’images
Que déverse le cinéma
Il fait un monde sans visage
Neutre, grisaille, banal et plat
Lavage intensif et ses drôles
Injection mais à haute dose
De vitriol et d’eau de rose
Renaud Line et Gilbert Bécaud

Ainsi docilement mais en douce
Grâce aux slogans des hauts-parleurs
Comme roi dont l’esprit s’émousse
Descend l’échelle des valeurs
Nivellement systématique
Voici venir l’homme-robot
Sans réflexion ni sens critique
Sans coeur, sans tripes ni cerveau
Acceptant tout : même cuisine
Même film, mêmes préjugés
Mêmes habits, même doctrine
Plus la peine de voyager
Paris, Tokyo, San Francisco
Mêmes bars, même limonade
Même idéal, même salade
Renaud Line et Gilbert Bécaud

Que reste-t-il du vrai folklore
Coloré, vivant, émouvant ?
Le ciné, les ondes sonores
L’ont noyé sous leurs flots mouvants
Pour le voyageur de passage
Altéré d’authenticité
Les producteurs très à la page
Font du folklore à volonté
France des vaches, Garde Républicaine
Lauterbach, valet d’opéra
Sarclo, Bühler, la coupe est pleine
Servez chaud, folklore vaudois !
Mais que devient le flamenco
Dans la péninsule ibérique
A Granada sous les portiques ?
Cette voix, c’est Gilbert Bécaud !

Ainsi va ce monde grisaille
Ainsi le sel perd sa saveur
Espagne, Ukraine ou Cornouailles
Où sont donc vos fraîches couleurs ?
La paysanne catalane
Veut s’habiller comme à Paris
Elle abandonne la sardane
Pour danser le boogie-woogie
Tout se vide et se banalise
Un faux vernis anglo-saxon
Ennuyeux comme une banquise
Recouvre tout jusqu’aux chansons
C’est ainsi qu’à tous les échos
Exprimant l’idéal du monde
On entend détonner les ondes
Dans la nature à pleins tuyaux

(Jean Villard–Gilles)

 

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La terrasse des Lilas (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018



    

La terrasse des Lilas

Il est des lieux sur cette Terre
Où l’on se sent vraiment chez soi
La vie y semble plus légère
On y est plus heureux qu’un roi
Ce qu’ils offrent à votre vue
Ce n’est pas un vaste horizon
Mais tout simplement une rue
Un peu de ciel sur des maisons
Il en est un qui dans l’espace
Est bien loin maintenant de moi
Un café avec sa terrasse
Et quand je veux je le revois

C’était dans un coin de Paris
Un coin de Paris qui sourit
Un café avec sa terrasse
A Montparnasse
C’est à l’enseigne des Lilas
Des lilas il n’y en avait pas
Mais le nom était resté là
En souvenir, sans tralala
Ce café – vous en souvient-il ?
Avec son arôme subtil
Faisait tenir tout le Brésil
Dans votre tasse
Le patron était alsacien
Le garçon était vénitien
Mais malgré tout ça c’était bien
Un café parisien

J’aimais à l’heure apéritive
M’y asseoir aux premiers beaux jours
Pour embrasser la perspective
De ce merveilleux carrefour
J’y observais l’Observatoire
Et Bullier, souvenir d’un bal
Et le pavé chargé d’histoire
Du boulevard de Port-Royal
Un kiosque à journaux sans mystère
Fleurissait sur le terre-plein
Face à ce temple nécessaire
Hommage au fameux Vespasien

C’était un café de Paris
Entre mille joli, fleuri
Avec son bar et sa terrasse
A Montparnasse
Au coeur de ce beau carrefour
Où Saint-Michel et Luxembourg
Avaient rendez-vous tour à tour
Avec l’étude, avec l’amour
On y rencontrait des acteurs
Des poètes, des percepteurs
Jamais, jamais de dictateur
Ivre d’espace
Et l’on fumait du Caporal
Sous la statue d’un général
Etait-il, je m’en souviens mal
A pied ou à cheval ?

Le crépuscule sur la ville
Traînait sa robe de lilas
Un vieux monsieur lisait Virgile
En dégustant un marsala
De jeunes femmes odorantes
Offraient leur visage cruel
A cette lumière expirante
Un reflet attardé du ciel
Et des hommes avec ces femmes
Echangeaient de subtils propos
Sur l’immortalité de l’âme
Ou le chic exquis d’un chapeau

C’était un café de Paris
Une voix disait : « Mon chéri »
L’amour aussi avait sa place
A la terrasse
On saluait des gens très bien
Que l’autobus des Gobelins
Vous déversait comme un trop plein
Sur ce rond-point si cartésien
Des amis venaient, excellents
Hélas où sont-ils à présent ?
Alors dans le jour finissant
Du Val-de-Grâce
Des frondaisons du Luxembourg
Des vieilles pierres du faubourg
Pour notre Paris de toujours
Montait un chant d’amour

Il est venu de lourds soldats
Qui ont écrasé tout cela
Ah dites-nous qu’il reviendra
Le beau temps des lilas !

(Jean Villard–Gilles)

 

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La Venoge (Jean Villard-Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018




    
On a un bien joli canton :
des veaux, des vaches, des moutons,
du chamois, du brochet, du cygne ;
des lacs, des vergers, des forêts,
même un glacier, aux Diablerets ;
du tabac, du blé, de la vigne,
mais jaloux, un bon Genevois
m’a dit, d’un petit air narquois :
– Permettez qu’on vous interroge :
Où sont vos fleuves, franchement ?
Il oubliait tout simplement
la Venoge !

Un fleuve ? En tout cas, c’est de l’eau
qui coule à un joli niveau.
Bien sûr, c’est pas le fleuve Jaune
mais c’est à nous, c’est tout vaudois,
tandis que ces bons Genevois
n’ont qu’un tout petit bout du Rhône.
C’est comme : «Il est à nous le Rhin !»
ce chant d’un peuple souverain,
c’est tout faux ! car le Rhin déloge,
il file en France, aux Pays-Bas,
tandis qu’elle, elle reste là,
la Venoge !

Faut un rude effort entre nous
pour la suivre de bout en bout ;
tout de suite on se décourage,
car, au lieu de prendre au plus court,
elle fait de puissants détours,
loin des pintes, loin des villages.
Elle se plaît à traînasser,
à se gonfler, à s’élancer
– capricieuse comme une horloge –
elle offre même à ses badauds
des visions de Colorado !
la Venoge !

En plus modeste évidemment.
Elle offre aussi des coins charmants,
des replats, pour le pique-nique.
Et puis, la voilà tout à coup
qui se met à fair’ des remous
comme une folle entre deux criques,
rapport aux truites qu’un pêcheur
guette, attentif, dans la chaleur,
d’un œil noir comme un œil de doge.
Elle court avec des frissons.
Ça la chatouille, ces poissons,
la Venoge !

Elle est née au pied du Jura,
mais, en passant par La Sarraz,
elle a su, battant la campagne,
qu’un rien de plus, cré nom de sort !
elle était sur le versant nord !
grand départ pour les Allemagnes !
Elle a compris ! Elle a eu peur !
Quand elle a vu l’Orbe, sa sœur
– elle était aux premières loges –
filer tout droit sur Yverdon
vers Olten, elle a dit : «Pardon !»
la Venoge !

«Le Nord, c’est un peu froid pour moi.
J’aime mieux mon soleil vaudois
et puis, entre nous : je fréquente !»
La voilà qui prend son élan
en se tortillant joliment,
il n’y a qu’à suivre la pente,
mais la route est longue, elle a chaud.
Quand elle arrive, elle est en eau
– face aux pays des Allobroges –
pour se fondre amoureusement
entre les bras du bleu Léman,
la Venoge !

Pour conclure, il est évident
qu’elle est vaudoise cent pour cent !
Tranquille et pas bien décidée.
Elle tient le juste milieu,
elle dit : «Qui ne peut ne peut !»
mais elle fait à son idée.
Et certains, mettant dans leur vin
de l’eau, elle regrette bien
– c’est, ma foi, tout à son éloge –
que ce bon vieux canton de Vaud
n’ait pas mis du vin dans son eau…
la Venoge !

(Jean Villard-Gilles)

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Le bonheur (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2018



    

Le bonheur

Quand l’aurore aux accents
D’une flûte champêtre
Saute sur ma fenêtre
Annonçant le beau temps
Quand au sommet du jour
Le soleil, dans sa force
Fier et bombant le torse
Fait rouler son tambour
Ou quand le soir descend
En posant sur la ville
Ses douces mains tranquilles
Dans mon ravissement
Je pense à ce bonheur
Dont nous rêvons sans cesse
Mais la simple sagesse
Me dit avec douceur

Le bonheur est chose légère
Que toujours, notre cœur poursuit
Mais en vain, comme la chimère
On croit le saisir, il s’enfuit
Il n’est rien qu’une ombre fugace
Un instant, un rayon furtif
Un oiseau merveilleux qui passe
Ravissant mais jamais captif
Le bonheur est chose légère
Il est là comme un feu brûlant
Mais peut-on saisir la lumière
Le feu, l’éclair, l’ombre ou le vent

En ce siècle de peur
De misère et de guerre
Il est pourtant sur terre
De très simples bonheurs
Ils sont là sous la main
Faits de très humbles choses
Le parfum d’une rose
Un beau regard humain
C’est le souffle léger
De l’enfant qui sommeille
C’est l’amitié qui veille
Et le pain partagé
Et puis voici qu’un jour
Le bonheur qu’on envie
Entre dans notre vie
Sur l’aile de l’amour

Le bonheur, dans le grand silence
De la nuit, c’est sur le chemin
Le bruit clair de ton pas qui danse
Ta main que je tiens dans ma main
Le bonheur, c’est toi, source vive
De l’amour, dans son vert printemps
Quand la nuit, dans mes bras captive
J’entends ton doux gémissement
Le bonheur, c’est de croire encore
Amants, que nous verrons un jour
Resplendir l’éternelle aurore
Qui sait, d’un immortel amour…

(Jean Villard–Gilles)

Découvert ici: https://petalesdecapucines.wordpress.com/

 

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A une petite fille de chez nous (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2018




    

 
A une petite fille de chez nous

Jour de Noël, jour d’espérance
On est là quatre cents gaillards
Officiers, soldats en silence
Perdus en Suisse quelque part
On pense en ce jour de décembre
A des visages familiers
Près du feu qui réchauffe nos membres
Hier, on a mis nos gros souliers
Cette nuit, par la cheminée
Le père Noël qu’est bon enfant
Avec ses voeux de bonne année
Nous a fait un beau p’tit présent

Y avait des cigares
Pour les torailleurs
Et pour le Cathare
Un mouchoir d’couleurs
Chocolats en barres
Pour les amateurs
Et faveur plus rare
Mon Dieu, quel bonheur !
Y avait ô délire
Plaisir sans égal
Avec son sourire
Vraiment idéal
Cela va sans dire
Mais c’était fatal
Pour nous remonter l’moral
La photo du général

Les quatre cents beaux militaires
Contemplaient d’un oeil ahuri
Le joyeux cadeau que l’arrière
Offrait à ses soldats chéris
Mais tout à coup, parmi ces choses
Voilà qu’on découvre en chemin
Comme fleurirait une rose
Une lettre écrite à la main
Ce sont, ravissante surprise
Les enfants de notre pays
Qui, d’un coeur tout simple nous disent :
« Bonjour, soldats on est amis ! »

Quelque chose nous serre
Une espèce d’émoi
Y en a qui sont pères
Y en a qui l’sont pas
Mais tendre mystère
Ce soir-là y a pas
Z’avions tous, mes frères
Des coeurs de papas
Bien que sous les armes
Et d’un dur métal
On essuie une larme
Ca fait un peu mal
Mais c’est plein de charme
Et pour le moral
Presque aussi haut – c’est fatal !
Qu’la photo du général

C’est pourtant bien vrai, sans histoires
Pour nous, soldats, Noël trente-neuf
Ce sera dans toutes nos mémoires
Ce salut d’un p’tit coeur tout neuf
Le mien s’appelle Marie-Thérèse
De Saint-Jean au val d’Annivier
Un joli nom, ne vous déplaise
Pour le livre de l’amitié
C’est pourquoi, ce soir, de Lausanne
Je lance au vent cette chanson
Pour ma petite Valaisanne
En lui demandant sans façons :

Pour fleurir ma vie
En blanc et en noir
Ma petite Marie
Je voudrais avoir
Ta photographie
Voilà mon espoir
Promis ma chérie
Envoie-la ce soir
En ce temps d’misère
Ce siècle brutal
Où le diable en guerre
Mène triste bal
Ta jeunesse claire
Ne fera pas mal
Au petit front virginal
A côté du général

(Jean Villard–Gilles)

 

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Le petit café-tabac (Jean Villard–Gilles)

Posted by arbrealettres sur 20 mai 2018



    

Le petit café-tabac

C’était un p’tit café tabac
Qu’avait eu des hauts et des bas
Marie la patronne était chouette
De grands yeux verts, de beaux ch’veux noirs
Ca s’passait près des abattoirs
De la Villette
Sur le zinc à l’heure d’l’apéro
Elle vous troublait de vrai Pernod
D’une main langoureuse et blanche
Son corps était si ravissant
Que tous les clients rêvaient d’s’en
Payer une tranche

Comme elle avait de la vertu
Elle nous disait : « Turlututu
Doucement les gars ! Bas les pattes ! »
Et nous pour pas rester en l’air
On s’en jetait vivement un der-
-rière la cravate
Y avait Eugène un grand costaud
Qu’avait des bras comme des marteaux
Qu’aurait p’têt’ pu, mais la finette
Pensait : »Si j’flanche les autres gars
Lâcheront tous mon café-tabac »
C’était pas bête

Au mur y avait l’portrait d’Jaurès
Qu’était l’épée de Damoclès
Sur les bourgeois et leurs délices
Ils l’ont tué mais Damoclès
A passé l’épée à Thorez
Le beau Maurice
C’était le temps des Partagas
Des Voltigeurs et des Niñas
Son café, j’en pleure quand j’y pense
Le vin, les croissants croustillants
Les propos légers, pétillants
C’était la France

Depuis lors, ça s’est bien gâté
Sont venus des reîtres bottés
Aux figures sans physionomie
C’était peut-être pire que le Blitz
D’avoir chez soi ces gueules de Fritz
Quelle cochonnerie
Alors au p’tit café-tabac
Plus de café ni de tabac,
Plus rien nulle part ni bidoche
Ni pain ni vin, l’horizon noir
Rien que la faim le désespoir
Rien que du Boche

Ces messieurs n’venaient pas beaucoup
Chez la Marie discuter l’coup
Ils ne s’y sentaient pas à l’aise
Eugène a dit : « Ces salopards
Faudrait s’en occuper dare-dare
A la française
Ils l’ont fait. C’était un sale truc
Ca a fini à Ravensbruck
Pas un n’a voulu s’mettre à table
Marie là-bas, elle a maigri
Ses ch’veux noirs sont dev’nus tout gris
Son teint de sable

Délivrée enfin des SS
Elle a r’trouvé son tiroir-caisse
Les gars ? Cinq disparus sans trace
Elle a fait recrépir les murs
Avec un p’tit filet d’azur
Autour des glaces
Eugène est rentré. Un coup d’vieux,
Lui aussi. Elle a dit : « Mon Dieu ! »
Puis il y eut un grand silence
Elle a fait un geste, il a ri :
« Ah non, maintenant c’est fini
La résistance »

Elle pleurait : « Mes cheveux sont gris ! »
Il a fait : « Bah, les miens aussi
Pour moi t’es belle ma p’tite Marie
Quand on s’aime, c’est toujours l’printemps
On les a conduits l’mois suivant
A la Mairie
A la noce il y eut du bonheur
Marie était belle comme une fleur
Tout fut exquis, le vin, la danse
L’amitié. Alors ce soir-là
J’ai r’trouvé au café-tabac
La douce France.

(Jean Villard–Gilles)

 

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