Désuet, avec sa médiocre colonnade,
Le vieux château se dresse ; et, d’une aile malade
Sur les mauves asters voletant au hasard,
Un dernier papillon frissonne.
Tout, au jardin fané d’automne,
Dit que je suis venu trop tard.
Là-haut, sur le balcon, dans ses robes de soie,
Avec un cerne autour de ses fiers yeux sans joie,
Orgueilleuse, la reine morne au teint blafard
Retient la main qu’elle veut tendre.
Point de pardon : comment comprendre
Pourquoi je suis venu trop tard ?
***
ZU SPÄT
Altmodisch steht mit schmächtigen Pilastern
Wie sonst das Schloß. Auf violetten Astern
Irrt noch ein später Falter her und hin
Mit krankem Flügelschlagen,
Und welke Beete sagen
Daß ich zu spät gekommen bin.
Und am Balkon in seidenen Gewändern,
Mit stolzen Augen in vertrübten Rändern,
Steht trüb und stolz die blasse Königin,
Und will die Hand erheben, —
Und kann mir nicht vergeben,
Daß ich zu spät gekommen bin.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
Par le judas dans le plafond
le notaire observe son épouse
que vêt la peau d’un tigre
elle chante un flamenco
pour des éphèbes blancs
qui surprennent à leurs bagues
pierres de lune et serpents
les yeux du Maître, là-haut.
Qu’est-ce qui te fait errer dans la nuit printanière?
Tu as rendu folles toutes les fleurs,
Les violettes, comme elles sont effrayées !
Les roses rougissent de honte,
Les lys sont blêmes comme la mort,
Ils se plaignent, hésitent et s’arrêtent !
Ô, chère lune, de quelle race pieuse
Sont donc les fleurs ! Elles ont raison,
Ce que j’ai fait est mal !
Mais pouvais-je savoir qu’elles écoutaient
Quand, enivré d’un brûlant amour,
Je parlais avec les étoiles là-haut?
(Heinrich Heine)
Recueil: Nouveaux poèmes
Traduction: Anne-Sophie et Jean Guégan
Editions: Gallimard
Là-haut sur la montagne
L’était un vieux chalet
Murs blancs toit de bardeaux
Devant la porte un vieux bouleau
Là-haut sur la montagne
L’était un vieux chalet
Là-haut sur la montagne
Croula le vieux chalet
La neige et les rochers
S’étaient unis pour l’arracher
Là-haut sur la montagne
Croula le vieux chalet
Là-haut sur la montagne
Quand Jean vint au chalet
Pleura de tout son coeur
Sur les débris de son bonheur
Là-haut sur la montagne
Quand Jean vint au chalet
Là-haut sur la montagne
L’est un nouveau chalet
Car Jean d’un coeur vaillant
L’a rebâti plus beau qu’avant
Là-haut sur la montagne
L’est un nouveau chalet.
(Joseph Bovet)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
C’est un bruissement à peine.
Une sorte de vibration fixe
venue de là-haut ou d’en bas,
on ne sait pas.
Avec un ciel de craie
et des visages noirs à contre-jour.
Et des cris soudain, des rires.
Et des phrases qui s’en vont,
qu’on n’a pas su comprendre.
Ou qu’on a mal entendues.
Qu’on a oubliées, déjà.
Seul est resté le silence
et, très loin,
comme au bord,
ce qui ne se tait pas.
***
Et puis, oui, on est au bord.
On ne voit rien, mais on y est.
Le passé vient par bouffées.
Comme poussé par un vent violent.
Tenir, dit-il, que faire d’autre ?
La main touche la main.
Elle y sent battre le coeur.
***
On poursuit comme on peut.
Le jour est froid, le futur une brume immobile.
Rien qui en sorte, sauf peut-être une ombre venue des yeux
et qui se déplace sans jamais prendre forme.
Quant au présent,
il tient comme en équilibre sur la pointe d’un pied.
***
En attendant, lève-toi.
Ouvre les mains.
Laisse tomber ce que tu portes.
Ne garde que ta vie.
Une brassée d’air.
Et rien.
(Jacques Ancet)
Recueil: L’âge du fragment
Traduction:
Editions: AENCRAGES
Un rêve trop haut
(petit poème bizarre à ne pas répéter en haut d’un escalier ou d’une échelle)
La première fois où j’ai voulu monter sur un nuage,
le ciel était parfaitement bleu.
Je suis tombé. C’était un dimanche.
Rien n’était ouvert tout en bas,
dans mon quartier :
pas moyen de trouver un sparadrap.
La deuxième fois où j’ai voulu monter là-haut,
il y avait bien un nuage, si beau.
Alors, j’ai sauté.
Ce cumulus était fait d’une douce vapeur,
il était si transparent à l’intérieur :
j’ai un peu flotté, puis je suis tombé.
Heureusement, j’avais réfléchi,
là on était un samedi :
tout de suite, j’ai pu aller à la pharmacie.
(Carl Norac)
Recueil: Petits poèmes pour passer le temps
Traduction:Editions: Didier Jeunesse
C’est rudement beau et
nous sommes deux ce soir à regarder
l’orangé du couchant, une pie me tenant
compagnie. Or voici qu’elle
s’envole, rejoint un gros corbeau
tout là-haut sur le toit de l’école,
mais après confidences revient
tout près de moi dans son flagrant tilleul
(Yves Leclair)
Recueil: Plumes de poèmes
Traduction:
Editions: Rue du Monde